17
Je prends la main que Matthew me tend et descends doucement les rochers derrière la maison. J'ai tellement hâte de m'asseoir au bord de l'eau, de contempler l'horizon même s'il fait dorénavant nuit noire.
-Fais attention, celui-ci glisse fort.
Je ralentis encore la cadence et suis ravie quand Matthew s'assied enfin. Nous sommes descendus assez bas pour pouvoir être vraiment le plus proches possible des vagues.
-Cet endroit est vraiment magique, soufflé-je en regardant le phare éclairer l'étendue d'eau devant nous.
Il passe son bras sur mes épaules et je me rapproche encore un peu plus de lui. Nous restons là, sans rien dire, écoutant seulement le bruit des vagues qui venaient lécher les rochers plus bas.
-Pourquoi tes parents ne revendent pas cette maison ? Ca leur ferait du fric...
Matthew soupire longuement, regardant droit devant lui.
-Qui en voudrait de cette maison ? répond-t'-il en souriant. Elle est vieille et ne répond plus à aucune norme.
-Si j'avais de quoi la payer, je la prendrais moi. Elle est peut-être vétuste mais reste mignonne.
Il sourit et dépose un baiser sur ma tempe qui me fait frémir.
-Et que ferais-tu seule ici ?
Je hausse les épaules mais ressens une petite pointe de douleur quand il prononce ces mots. Oui je serais seule et je dois m'y faire. Quoi que je fasse, dise, ressente, Matthew ne restera pas.
-Je n'en sais rien.
Je me force à sourire parce que je ne veux pas que l'ambiance entre nous soit plombée de mes peines. Même si je suis amoureuse en ce moment, je dois avouer que l'amour est une réelle souffrance. C'est de la merde. On aime, on se donne à cent pour cent, on s'attache de tout notre être pour finir seul. Et je ne parle pas nécessairement de mon cas, mais bien dans toutes les relations. On peut aimer une personne, partager toutes sa vie avec celle-ci, se marier, avoir des enfants, pour au final finir par crever seul. Je ne sais pas comment je serais à la fin août, si j'aurais réussi à accepter la situation. Je l'espère pour moi en tout cas. Je ne veux pas devenir une ombre, une âme en peine même si je sais pertinemment que c'est ce que je suis déjà.
Je me relève, emprunte à une certaine mélancolie que je ne veux pas ressentir en ce moment et descends encore deux ou trois rochers. L'eau m'arrive aux chevilles et je ferme les yeux, profitant de cette sensation. L'eau est froide et la légère brise fouette mes cheveux. Je dois arrêter de me morfondre. Je ne me reconnais même pas. Je ne suis tellement pas cette fille qui pleure à tout va... Enfin si, c'est bien moi cette nana chialeuse. Depuis le décès de maman, je me renfermais sur moi-même, je refusais de m'apitoyer sur mon sort. Maintenant, je vis, je ressens, je laisse mes émotions prendre le dessus sur tous les autres traits de mon caractère. Je ravale les larmes qui menaçaient de couler quand Matthew m'entoure de ses bras, son torse collé contre mon dos. Son souffle caresse ma nuque et je me laisse aller contre lui. Ce sentiment de liberté, d'être seule au monde avec lui me fait le plus grand bien et je décide alors que cette nuit et demain, on oubliera tout le reste, qu'on vivra ces moments juste pour nous.
*****
Après avoir pris une douche, j'ai enfilé un t-shirt à manches longue de Matthew et nous avons concocté de quoi manger. Je suis contente qu'il soit le genre de gars à penser à tout parce que moi-même je n'aurais rien pris. On a fait simple : des pâtes et une sauce tomate en conserve. Ce n'est pas excellent mais ça se mange.
Nous sommes assis sur le vieux tapis du salon, nos assiettes posées sur la table basse. Matthew est en train de m'expliquer pourquoi il a choisi la pédiatrie et je l'écoute avec une certaine fascination. J'ai toujours adoré écouter les gens parler de leur métier, surtout quand ils l'exercent avec passion. Je ne pense pas qu'un jour je sois cette fille, folle de raconter ma journée de boulot. Je n'ai pas autant d'ambition que Matthew et je préfère garder les pieds sur terre vu mon parcours scolaire chaotique.
-Et toi bébé, dis-moi ce qui te plait dans la coiffure ou l'esthétique.
-Je ne sais pas... Je crois que j'aime les gens beaux.
Matthew rit et je l'imite. J'adore l'entendre rire et je serais capable de me casser la gueule vingt mille fois d'affilée juste pour entendre ce son.
-Ou poilus.
-Ah non justement, je vais leur arracher les poils ! Je peux même t'épiler les jambes si tu veux.
-Non merci, ri-t'-il. Viens par ici toi.
Je ne me fais pas prier et avance à quatre pattes jusqu'à lui. Je grimpe sur ses genoux et entoure son cou de mes bras.
-Je t'aime mon docteur.
-Moi aussi je t'aime Laure. Il frôle mes lèvres de siennes et je le serre dans mes bras. Ce câlin est réconfortant, bienvenu. J'aime être dans ses bras et l'avoir contre moi. Matthew se lève en me portant. Il éteint la lampe et nous mène dans la chambre.
Le matelas est froid sous mon corps, il n'y a plus de draps comme Matthew les a enlevés. Il vient se coucher entre mes jambes et m'embrasse. Je ne saurais jamais me lasser de ses baisers. Ils sont si doux...
*******
Matthew
Mes lèvres se posent sur les siennes. Elle me rend de suite mon baiser et j'en gémis. Je suis dingue d'elle, de tout ce qu'elle dit et fait. Sa langue rencontre la mienne et ensemble, elles se caressent. Je crois avoir déjà échangé une centaine de baisers avec Laure mais à chaque fois, j'ai l'impression que c'est encore meilleur que le précédent. Ses doigts s'emmêlent dans mes cheveux, mes mains soulève le t-shirt qu'elle m'a pris. Sentir sa peau douce sous mes paumes est un délice. Je caresse ses cuisses, remonte sur ses hanches avant de rouler sur le côté. Nous sommes face à face et malgré l'obscurité de la chambre, je devine ses petits yeux et son sourire qui accompagne son baillement. Elle est belle à couper le souffle. Je ne sais pas vraiment comment lui faire comprendre à quel point je l'aime.
-Dors, tu es fatiguée...
-Mais...
Je l'attire contre moi et l'embrasse encore. Nos souffles se mélangent, nos salives s'échangent. Quand nos bouches se séparent, je colle mon front au sien.
-Demain matin, on se rattrapera bébé...
Elle rit et pose sa tête dans le creux de mon épaule. J'écoute sa respiration lente tandis que je mêle mes jambes aux siennes.
Je n'avais pas prévu de dormir cette nuit, j'avais plutôt imaginé une nuit de folie. Mais je veux qu'elle sache que même sans sexe je l'aime. Je repense à ses larmes dans le train. Elle pleurait à cause de moi, je le sais. J'aurais dû m'affirmer devant mes parents, leur dire que j'étais amoureux d'elle mais, aussi dégueulasse que je puisse être, aussi égoïste que je suis, je n'ai pas voulu le dire. Pas que je sois gêné d'elle, loin de là. La première raison de mon silence est que ce qu'on est en train de vivre, je veux le garder pour moi, pour elle. La deuxième est que je sais que mes parents auraient fait un scandale. Laure n'est pas majeure et ma mère ne se serait pas gêné d'aller voir son père. Elle tient beaucoup trop au mariage qui m'attend avec Sophie pour accepter qu'une autre entre dans ma vie. J'ai conscience d'avoir agi comme un con, mais je ne peux pas revenir sur ça.
-Bébé ?
Je resserre mon étreinte autour d'elle. Elle ne m'appelle que très rarement bébé et j'adore quand elle le fait.
-Mmhh...
Elle garde le silence un long moment, tellement long que je crois qu'elle s'est rendormie jusqu'à ce qu'elle renifle.
-Tu pleures, m'inquiété-je.
-Est-ce que tu pourras... disons une fois par an... Enfin si tu es d'accord...
Elle hésite à me demander les choses et ça me stresse. Elle qui d'habitude ne mâche pas ses mots.
-Dis-moi...
-Tu voudras bien revenir au moins une fois par an ? Ici ? Juste toi et moi ?
Je sens les larmes poindre. Je voudrais tant lui dire que oui, je reviendrais mais ce serait lui mentir. Je ne reviendrais pas ici seul, ce sera impossible. Mais je ne peux pas lui dire comme ça, alors qu'elle est en pleurs contre moi. Je comprends alors que plus on passe de temps ensemble, et plus elle souffrira de mon départ. Ce n'est pas ce que je veux pour elle. Je ne veux pas la voir en larmes quand je partirai. C'est moi l'adulte entre les deux et c'est à moi de lui ouvrir les yeux sur son moral. Laure semble déprimée alors qu'elle était enjouée quand nous avons commencé notre liste. J'ai voulu jouer au jeu qu'elle m'a proposé et j'ai perdu. Nous avons tous les deux perdus puisque nous nous aimons à la folie. Demain je lui offrirais sa surprise puis je stopperais tout. On ne peut pas continuer à se déchirer, à se faire souffrir.
-Oui. Je ferais ça.
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