*Chapitre 2 : Alice*

Encore ce maudit rêve ! Cette fille ne veut pas sortir de mon crâne. Elle est partout, à chaque fois. Depuis combien de temps est-ce que je la vois ? Ça n'a aucune importance. Il est trop tard. Les électrodes sur mon crâne ont retransmis toutes les informations à son propos. Je les retire en quelques mouvements brutaux et frustrés alors que l'un des hommes en blouse rentre dans ma chambre. Ils ne prennent même plus la peine de frapper à la porte. Il s'approche et retire les dernières électrodes de mon corps avec précision après avoir soulevé ma couette en un mouvement rapide.

« Après vous être habillée, le directeur vous propose de venir observer les résultats que nous avons obtenus. »

Ce n'est jamais une proposition lorsque c'est le boss qui ordonne quelque chose. En plus de m'utiliser pour ses recherches il veut que je me lève à cette heure de la nuit ? Je soupire :

« Très bien j'arrive. »

J'enfile rapidement un t-shirt et un jogging pour sortir dans le couloir. Il est plongé dans une pénombre étrange, uniquement éclairé par les lumières verdâtres des sorties de secours. Un courant d'air froid m'indique la présence d'Alberto.

« Ce sont vraiment des abrutis de te forcer à faire ça. Ils t'utilisent et tu ne dis rien !

Je me frotte le visage quelques secondes avant de lui répondre en chuchotant :

— Tu sais autant que moi que je ne peux pas m'opposer à leurs ordres. Je leur dois ma situation. Je les aide de temps en temps et comme ça ils me laissent tranquille.

— Peut-être bien, mais en attendant tu mets quelqu'un d'autre en danger.

— Comment ça ?

Une boule d'angoisse naît instantanément au niveau de mon estomac. Je connais Alberto depuis plusieurs années où je l'ai trouvé ici. Son flair d'ancien policier ne l'a jamais trompé. Il a dû voir quelque chose dans la salle de recherche qui ne lui a pas plu.

— Tu verras bien, je te laisse faire ta propre idée. »

Nous arrivons devant la porte de la salle de recherche. Alberto la traverse sans m'attendre et je le suis en toquant –je ne vais pas me rabaisser à leur niveau d'impolitesse- pour ensuite l'ouvrir. Plusieurs scientifiques sont présents, accompagnés par le directeur et deux de ses gardes du corps les plus proches. Ils sont tous autour d'un ordinateur qui semble fort intéressant. Il me remarque :

« Approche-toi Alice. Regarde ce dont tu as rêvé cette nuit. »

Je m'exécute et observe l'écran de l'ordinateur. Une foule de jeunes est amassée près de l'entrée d'un bâtiment et vaguent à des occupations ou des discussions. Seule l'une des élèves, avec un sac bleu clair et des cheveux bruns, regarde dans la direction de l'écran. C'est cette fille. Elle paraît interloquée de ce qu'elle voit. C'est la vision que j'ai eu d'elle il y a quelques minutes. Cette capture d'écran semblable à une photo est prise depuis mon rêve. L'un des scientifiques change de page pour montrer une vidéo complète de mon rêve. La boule d'angoisse grandit à chaque seconde qui passe alors que je comprends ce que cela signifie. Ils ont développé grâce à moi une technologie pour accéder aux rêves des gens. A l'intériorité la plus complexe du cerveau humain. Quelles découvertes feront-ils ? Jusqu'où seront-ils capables d'aller dans le vice de la recherche au profit de l'intimité ? Un frisson me parcourt tout le corps. L'impression d'avoir été fouillée, bafouée, s'immisce dans mon esprit comme un insecte rampant depuis mon oreille. Chaque seconde de plus où je regarde cette fille courir me donne envie de pleurer. Pourquoi ? Pourquoi ?! Je ne la connais pas, je ne devrais pas paniquer ainsi. Pourquoi je me sens si proche d'elle ? Ce n'est qu'un rêve, uniquement un rêve. Pourtant quelque chose en moi me crie de l'aider. Pourquoi je suis restée plantée là comme une idiote ?

Alors qu'elle me regarde une dernière fois, un grésillement apparaît sur l'écran. Il me réveille de ma torpeur avant les dernières secondes de torture auxquelles je suis obligée de faire face avec ces connards. Alberto avait raison. Ils n'ont pas de respect, ne serait-ce qu'envers leurs cobayes. C'est ça, je ne suis qu'un cobaye en fin de compte. Le directeur reprend la parole alors que je suis encore abasourdie par ce qu'il vient de se passer :

« La vidéo est de très bonne qualité pour un premier essai. Il y a simplement un petit bug avec ce grésillement que tu as pu apercevoir, mais cela sera réglé rapidement j'en suis certain. Que penses-tu de ce dispositif ?

Un premier essai ? Il y en aura combien ? Est-ce qu'ils vont l'utiliser toutes les nuits ? CE QUE J'EN PENSE ?

— Cet.... Cet instrument est incroyable, presque prodigieux. Pourtant...

— Pourtant ? Continue je t'en prie.

Sa voix est douce et calme, comme lorsqu'il voulait que je prenne confiance lors des premières semaines passées ici, contrairement à la mienne. Il a dû voir ma réaction car il me scrute dans les moindres détails. Mes muscles sont si tendus que j'ai même serré des poings inconsciemment.

— Pourtant je ne peux m'empêcher de me sentir fouillée, observée lorsque je regarde ces images. C'est comme si on avait porté atteinte à mon intériorité, à mon... intégrité. Voilà, mon intégrité.

— Je vois, notez ce qu'elle vient de dire s'il vous plaît.

Un scientifique obéit et tape quelques mots sur une tablette numérique. Il continue en m'attrapant doucement les épaules et en me regardant droit dans les yeux.

— Si cette machine ne te rend pas à l'aise, nous ne l'utiliserons plus sur toi. De plus, les données de ce rêve seront uniquement utilisées pour les recherches et ne les diffuseront pas, cela va de soit comme tu le sais déjà. Est-ce que cela te rassure ?

Je hoche doucement la tête, méfiante. Ils ne sont pas aussi bêtes que ça... Même s'ils m'ont déjà fait des sales coups. Enfin, je m'en sors bien cette fois-ci.

— Très bien alors. Je suis désolé de t'avoir réveillée en plein milieu de la nuit. Tu peux aller te recoucher.

Je lui obéis pour m'éloigner comme pour m'être rapprochée sans demander mon reste. Alberto réapparaît dans le couloir pour troubler le silence :

— Heureusement qu'il n'utilisera plus cet engin du diable. Je ne suis pas serein quand cet homme est dans les parages. J'ai l'impression qu'il sait tout à l'avance. Ce serait pire avec cette chose.

— Il déduit beaucoup, mais ne sait pas tout. C'est impossible pour un humain.

— Si tu le dis... Qui est cette fille qu'ils t'ont montrée ? Elle a l'air plus importante que les autres personnes.

— Je n'en sais rien. Elle apparaît dans mes rêves depuis quelque temps mais elle disparaît tout aussi vite.

— Étrange. En tout cas, ils s'intéressent à elle... Mais bon, leur machin n'est même pas capable de fonctionner correctement, avec leurs bugs... Je ferai bien de m'arranger pour que malencontreusement, elle ne fonctionne plus...

— Évite s'il te plaît de casser leur matériel à la pointe de la technologie. Après c'est sur moi que ça retombe.

Alors que je rentre dans ma chambre, cette histoire de bug me revient en tête. Je n'avais pas vu un ciel étoilé pile à ce moment précis ? Je m'effondre dans mon lit quelques secondes plus tard, sans même m'en rendre compte. 

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