*Chapitre 1 : Cassandre*

【𝓣𝓦】· ᴇɴʟÈᴠᴇᴍᴇɴᴛ ·

Les yeux ouverts, fixant le plafond quasi obscur de la chambre, je réfléchis encore à ce rêve qui vient de me réveiller. Même si c'était plutôt un cauchemar.

Je fais toujours d'étranges rêves, depuis aussi longtemps que je me souvienne. Nous en faisons tous plus ou moins, mais tous ne s'en souviennent pas de la même façon. Pourtant, aucun ne se réalise littéralement. Normalement.

Je me retourne une nouvelle fois sous la couette, tente de fermer les yeux. L'image de ces hommes en costumes est encore présente sur ma rétine. Celle de leurs visages est floue, mais leurs silhouettes grandes et massives sont presque nettes. Je sens encore l'adrénaline de la course-poursuite me parcourir les veines comme de l'électricité.

Je soupire doucement. Il m'est impossible de me rendormir avant un bon moment. Je tâtonne un peu pour prendre mon carnet et un stylo sur la table de chevet. J'allume la petite lampe —qui me brûle les yeux au passage— et je commence à résumer mon rêve. 

Je n'ai pas besoin de noter le nom des personnes présentes, car ils ne sont sujets à aucun problème, mais dois me concentrer sur les actions importantes. Le nombre de personnes présentes ? Pourquoi pas. Surtout ne pas oublier cette fille, qui apparaît encore et toujours dans mes rêves depuis de nombreuses semaines.

Bon. J'ai terminé. Je repose tout et j'éteins la lumière. Avec mes rêves, c'est toujours comme un jeu de hasard. Certains se réalisent parfois, que ce soit totalement ou en partie. Une sorte de roulette russe, mais qui n'est pas dangereuse. La peur d'une évaluation ratée qui se manifeste dans un rêve, qui se réalise en partie à cause de la panique et un exercice que je ne comprends pas. Les relations amoureuses entre certains de mes amis qui se détériorent, dont je rêve de la rupture la nuit d'après -rupture qui finit par arriver quelques jours plus tard.

Enfin bon, ce n'est pas possible que ces rêves soient une quelconque vision du futur. Ils sont complètement banals. Et puis, les rêves fantastiques comme dans les séries ou les romans ne se déroulent jamais dans la vraie vie.

Pourtant, ce rêve... Il est lié à ma vie avec mes amis, avec le lycée. Mais je n'ai jamais connu, ni rencontré d'hommes en costumes de cette façon -et qui me couraient après en plus de ça. Peut-être que mon subconscient a mélangé des personnages de films avec ma vie réelle ?

Je passe en revue tous les films et séries policiers que j'ai regardé récemment, mais il n'y en a pas.

Je prends mon téléphone et mes écouteurs pour ensuite lancer l'application de musique et me calmer. Cette sensation étrange m'angoisse. Je ne devrais peut-être pas aller au lycée demain. Mais maman et papa ne voudront jamais. Surtout si je leur explique que c'est à cause d'un mauvais rêve, c'est complètement stupide.

Je retourne de nouveau ma couette. Il faut que je dorme. Cette sensation partira certainement dans la nuit. Je ferme les yeux, et la musique me berce doucement. Pourtant, cette image de la fille aux yeux bleus reste gravée sur ma rétine, comme un avertissement.

* * *

''Bonjour à tous, bon réveil, il est six heures et demi, bienvenue sur—''

Tais-toi. La voix de ce présentateur devient de plus en plus insupportable. Il devient nécessaire que je change de chaîne. Mes paupières sont lourdes à cause de la fatigue, je les frotte et baille. La chaleur de mon lit me crie de rester, mais l'idée de ne pas me lever rapidement me séduira trop pour me rendormir. 

Je sors de ma chambre, descends les escaliers du premier étage et passe aux toilettes avant de prendre mon petit déjeuner. Je remonte pour me brosser les dents puis me laver le visage, quand j'aperçois mes cernes. Ce sont des poches juste là ? J'ai pourtant assez dormi, comme d'habitude ! Je me sens fatiguée, mais c'est sûrement ce rêve qui a coupé mon cycle du sommeil. Pourquoi est-ce que ?... 

Je me frotte une nouvelle fois le visage, avec un gant cette fois. Mes yeux semblent plus frais, mais les iris sont toujours du même mélange entre le vert et le marron, dans un kaki vide comme du verre. 

Je cherche de l'anti-ride ou quelque chose dans le genre dans les tiroirs des meubles de la salle de bain, mais rien n'y fait. Ma mère a de la crème hydratante, des rouges à lèvres, un peu de mascara, mais rien qui puisse cacher mes cernes. Je soupire avant de voir l'heure qui tourne lorsque j'allume mon téléphone pour mettre un peu de musique et mieux me réveiller. Je dois me dépêcher. 

Je passe dans ma chambre pour me changer rapidement. Une tenue confortable sera suffisante, et je n'ai pas le temps de choisir quelque chose de plus extravagant. J'attrape mon sac et mon téléphone au vol lorsque je sors de la pièce et descends de nouveau au rez-de-chaussée. J'embrasse mes parents pour leur dire bonjour —et en même temps au revoir— me chausse, prends ma veste et mes clefs. Ils n'ont pas fait de remarque sur mon visage, ouf. Comment aurais-je expliqué mon sommeil agité ces derniers jours ? Qu'une fille me fixe dans mes rêves ? Je dois rationaliser. Ce n'est rien, ce n'est qu'un rêve.

Après avoir marché un peu dans la lumière matinale oscillant entre le rose et le orange, je prends le bus habituel pour arriver quelques minutes plus tard au lycée.

J'observe les alentours, mais il n'y a rien de suspect. Les élèves sont les mêmes, il y a quelques voitures banales et les surveillants gardent l'entrée -ce qui semble logique. Ce n'était qu'un rêve et rien de plus. Je dois me concentrer et travailler au lieu de commencer à devenir paranoïaque.

Je retrouve quelques amis après être entrée dans le lycée, puis nous nous dirigeons dans la salle de classe de notre première heure de cours tout en discutant. Les cours de littérature et de langue étrangère s'enchaînent jusqu'à l'heure de la pause déjeuner. Nous mangeons à la cantine comme à notre habitude, et passons un peu de temps dans la cour pour profiter des premiers rayons du soleil d'été. Alors que certaines de mes amies partent aux toilettes, un blanc s'installe calmement dans nos discussions, et je repense une nouvelle fois à ce rêve. C'était vraiment stupide d'y avoir cru, et je l'ai déjà à moitié oublié. Heureusement que je n'en ai pas parlé aux autres, ils m'auraient prise pour une folle.

Les cours reprennent et je dis au revoir à certains. Nous n'avons pas tous les mêmes options et je termine tard, alors nous ne nous reverrons pas avant le lendemain. L'après-midi passe assez vite, et je dis au revoir aux amis encore présents à la sortie de l'établissement d'un signe de main.

Nous nous quittons à l'intersection et je pars vers mon arrêt de bus. Le soleil est encore haut dans le ciel et sa chaleur me fatigue rapidement. Je n'aurai pas dû porter de veste, je commence à avoir bien trop chaud. Je prends mes écouteurs et allume mon téléphone pour écouter de la musique, mais j'entends le claquement d'une porte de voiture assez loin derrière moi avant qu'un clip ne démarre. Je me retourne par instinct et curiosité.

Et je la vois. Cette fille, aux cheveux longs jusqu'au milieu du dos, blonds. Ses yeux d'un bleu presque irréel, transparent comme une eau limpide.

Elle me voit et je la regarde. J'ai l'impression que le temps s'arrête pendant un battement de cœur, qu'on se reconnaît dans ce moment infime. Je suis subjuguée. Plus rien n'existe autour de nous deux, simplement entourées d'un ciel azuré sans nuage. Cette fois elle semble effrayée et non impassible.

Cet instant disparaît, je suis de nouveau dans la rue. Je me rappelle du rêve et un frisson me parcourt le dos. Les hommes en costume vont arriver, je le sais. Je le sens. Je les vois déjà sur ma rétine. La portière avant côté trottoir de la voiture d'où elle vient de sortir s'ouvre mais je me suis déjà retournée.

Je l'ai entrevu, cet homme en costume. Je ne sais pas à quoi il ressemble, mais il est grand, baraqué. Est-ce un militaire, pour être à ce point musclé ?

Je ne cherche pas à savoir qui il est, ni d'où il vient. Mon corps me dit de fuir et c'est ce que je fais. Mais je suis suivie, j'entends derrière moi leurs pas. Comme dans mon rêve. Ils se rapprochent rapidement de moi. 

Non ! Tu ne m'auras pas cette fois !

Je me souviens de ce rêve et l'adrénaline remonte mes veines, me donne des ailes. Les pas se rapprochent bien trop vite. J'aurai dû faire du relai pendant les cours de sport, mon cœur se fatigue à la vitesse de l'éclair. Je le sens déjà sur le point d'exploser. Est-ce l'adrénaline, la peur ou l'effort ? Je n'ai pas le temps de déployer ces quelconques ailes irréelles, car je sens un énorme poids sur mon dos. Le sol se rapproche dangereusement de mon visage, jusqu'à le percuter. Puis tout devient noir. 

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