Ysaïne (Chapitre 93)

-Debout ! Dépêche-toi, il faut vraiment qu'on parle...

Je sens qu'on me secoue dans tout les sens et me redresse prestement. Un coup d'œil au réveil suffit à me faire comprendre que je n'ai en tout et pour tout pas dormi plus de quelques heures... Et les soucis de la nuit me reviennent déjà à l'esprit tandis que j'évite de regarder le bandage à ma main gauche.

Mais j'ai l'habitude et c'est la mine éveillée sinon en forme que je dévisage ma jolie colocataire assise au bord de mon lit et penchée vers moi avec un sourire débordant de curiosité qui ne me dit rien qui vaille. Elle est habillée d'une combinaison un peu moulante et ne me laisse même pas répondre qu'elle enchaîne déjà :

-Je t'ai laissée dormir une heure de plus mais on n'a plus le temps. La fin de la trêve est dans trente minutes très exactement et tout le monde doit rejoindre le hangar, et nous aussi. Quand je suis descendue déjeuner, j'ai appris que...

Je ne la laisse pas continuer et me lève brusquement. Une demi-heure ! La guerre, car l'expérience de cette nuit ne me laisse pas d'autre mot en bouche, reprend dans quelques minutes...

Mais j'ai beau chercher je n'arrive pas à remettre la main sur mes vêtements de la veille et je me tourne vers Camille avec une grimace pressée :

-Où sont mes habits ?

Elle m'adresse un sourire complice et désigne l'unique chaise du réduit. Elle accompagne son geste de quelques mots :

-Ils ont amené de nouveaux vêtements pour toi... Et ils m'ont changé d'affectation.

Je ne regarde même pas ce que j'enfile et mets prestement une fine tunique noire avant de prendre un fin pantalon renforcé aux jambes avec une ceinture comportant l'étui d'un pistolet. Tout en m'habillant je demande :

-Changement d'affectation ?

Camille hoche gravement la tête mais ne parvient pas à dissimuler un sourire amusé. J'aime de moins en moins...

-D'après ce que j'ai compris je suis maintenant chargée... De ta garde personnelle, de ta cuisine, de transmettre tes ordres, de jouer ta secrétaire personnelle et...

J'arrête de me débattre avec l'une de mes bottes noires qui ne veut pas s'enfiler et me tourne vers elle avec un visage à la fois ahuri et furieux.

-Quoi ? Tu es à mon service ?

Elle me tourne le dos sans sembler s'apercevoir de ma colère et continue l'air de rien :

-C'est gentil de ne pas m'avoir réveillée en rentrant au beau milieu de la nuit. Mais tu aurais pu me prévenir quand même... J'étais drôlement inquiète de ta disparition. Mais les officiels m'ont dit que tu étais en mission secrète... bien sûr tu sais tirer, mais ça me paraissait quand même absurde qu'ils se servent d'une bleue comme nous... Alors, quand j'ai entendu les rumeurs ce matin...

Mes bottes son enfilées et j'enfonce d'un geste rageur mon pistolet dans son étui avant de relever de nouveau la tête devant son soudain silence. Elle ne sourit plus mais me dévisage avec une gravité agaçante et je ne peux m'empêcher de demander :

-Oui ?

-Tu es la fille d'Azylis pas vrai ? Les cheveux bleus, la disparition cette nuit... Gabriel Astra est ton père...

Allons bon. Je ne sentais vraiment pas bien cette journée. Je réponds du bout des lèvres en prenant ma veste sur le dossier de la chaise :

-Etait mon père. Et pour le reste, trouve-toi un autre emploi car je n'ai besoin de personne. Ah, et évite de répéter mon arbre généalogique c'est un peu gênant...

Je suis déjà devant la porte d'entrée mais Camille est juste derrière moi en deux bonds et m'agrippe fermement par le bras.

-Ah, mais tu vas m'écouter maintenant Ysaïne Astra ! Tu es peut-être princesse mais moi je suis ta femme à tout faire, et j'ai bien l'intention de le rester ! Alors si tu ne veux pas que ce soit explosif entre nous deux, tu vas être un peu plus sympa, parce que je te préviens, je vais te suivre partout...

Je reste deux bonnes minutes interloquée et Camille en profite pour se calmer. Elle me décoche un large sourire comme si elle oubliait déjà ce qu'elle vient de dire et ajoute :

-Et puis je suis utile. J'ai appris hier à recharger un pistolet.

Je ne sais pas si c'est la tension de la nuit ou la chape de fatigue qui semble m'alourdir les épaules, mais j'éclate soudain d'un grand rire.

-Après tout si tu veux. Mais tant pis pour toi, tu auras intérêt à bien t'accrocher... Je ne suivrais pas cette bataille de loin.

Elle grimace avant de répondre :

-Dommage. Mais honnêtement, je m'y attendais un peu. Alors, on y va ?

J'acquiesce et sors déjà de l'appartement tandis que Camille referme la porte derrière moi. J'ai toujours été indépendante. Et je n'aime pas du tout l'idée qu'Azylis m'inflige une compagnie, elle a dû choisir la seule personne qu'elle était sûre que j'accepterai, (je suppose que Camille en s'inquiétant de ma disparition l'a contactée), et choisisse même mes vêtements. Quoi qu'elle ait aussi choisis ceux-ci en fonction de mes goûts à priori...

Lorsque nous sommes toutes les deux dans la salle de transfert, Camille me demande avec un ton sérieux et calme :

-Tu l'as su quand que tu étais la princesse ?

Je n'arrive plus à dire que je refuse de l'être. Cette pensée me traverse à la vitesse d'un éclair et il me faut quelques secondes pour l'intégrer. Je ne réponds pas à mon Assistante Personnalisable vu sa multi-fonction et sors de la salle aussitôt que les portes se rouvrent.

Mais en bas, le hangar est si empli d'une foule immense que je me demande un instant si nous allons pouvoir entrer. Mais Camille me fait signe d'aller dans le couloir sur notre droite et je la suis sans discuter. Nous marchons vite et elle murmure entre deux inspirations :

-Ordre de la princesse -heu ta mère je veux dire- on doit la rejoindre sur la plateforme en haut...

-Il y en a encore beaucoup des ordres comme celui-là Camille ?

Elle ne me répond pas et nous ne tardons pas à escalader les marches d'un escalier gardé par plusieurs gardes dont les regards convergent tous vers moi. Je demande d'une voix angoissée, un peu trop précipitamment :

-Comment tout le monde peut-il déjà savoir ?

Camille me répond sans se retourner quand nous atteignons le dernier palier.

-Azylis cherche une fille aux cheveux bleus depuis douze ans. Alors la supposition est simple quand il en apparaît soudain une à ses côtés...

Deux nouveaux gardes s'écartent et nous ouvrent une grande porte. Camille se tourne vers moi et esquisse un sourire espiègle :

-Moi je t'attends ici. Être au centre de l'attention, ça n'a jamais été mon truc...

-Et si ce n'est pas le mien non plus ?

Je n'entends pas sa réponse lorsque je m'avance sur la grande esplanade qui surplombe l'immense foule du hangar et que les portes se referment derrière moi. Azylis, en grande conversation avec le robot, Christian et Sarah. Trois autres gardes aussi.

Lorsque Azylis m'aperçoit, elle se redresse lentement avant de s'approcher précipitamment vers moi. Avant même qu'elle ait pu faire un geste, je demande tandis que tout le monde se fige sur l'esplanade :

-Qu'est-ce que c'est toute cette mascarade ? N'étais-je pas censée être libre de refuser le titre que vous voulez me donner ?... 

Un nuage traverse ses yeux pâles mais elle s'apprête à répondre lorsqu'elle en est interrompue. Une gigantesque clameur embrase soudainement la salle...

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