Je sors en trombe de l'appartement. Je ne veux plus rien entendre, ni sentir le regard de cette femme qui me trouble sur moi...
Je cours devant les deux gardes si stupéfaits qu'ils ne font pas un geste et m'engouffre dans la salle de transfert. Les larmes roulent sur mes joues tandis que la panique m'empêche de tout de suite trouver mes mots et la voix demande :
-Oui ? Où voulez-vous aller ?
Je résiste à l'envie de donner un coup de poing dans les murs. Haletante, je rétorque :
-N'importe ou. Dans un endroit où je pourrai être seule.
-Vous êtes sûre que c'est ce que vous voulez ? Ce n'est pas une demande courante...
-Oui. S'il vous plaît.
-C'est fait.
Je ne demande même pas l'endroit où elle m'a envoyé. Je serre ma main droite sur mon sac à dos, inspire un grand coup et sors rapidement de la salle.
L'étage où je me trouve est désert. Je crois que c'est le tout dernier de la tour. Il n'y a pas de fenêtre mais un tout petit rayon de lumière qui perce par un interstice dans un petit volet qui cache un vasistas. Je n'appuie pas sur le bouton de l'électricité, fais quelques pas puis me laisse tomber à terre.
Je ramène alors mes genoux contre moi, pose mon sac par terre, et laisse ma tête tomber dans mes bras.
Pourquoi est-ce que je me sens aussi triste et vide ? Je devrais être... heureuse. Une famille qui me tombe du ciel. Sans même en avoir conscience je murmure :
-Non. Non ! Je ne serais pas leur princesse, jamais !...
Et je donne un coup inutile dans le sol avec mon poing serré. Je reste ensuite immobile dans le noir et frissonne légèrement.
Je murmure pour moi-même :
-Mais alors... Pourquoi est-ce que je les crois ?
Je ferme les yeux, cherchant au fond de moi la réponse. Pour la première fois depuis des années, je commence à chercher en moi même mes plus vieux souvenirs et non à les écarter comme je l'ai toujours fait.
Je me revois seule dans cette foule affreuse. Et mon bras qui me faisait mal... La peur. Et le sentiment d'abandon. Que j'avais déjà ressenti...
Je crispe mes doigts et serrent mes lèvres. Je continue de fouiller dans les tréfonds de ma mémoire.
Un éclat de rire. Qui résonne dans mon esprit... le chat. Le premier chat que j'ai eu. Je revois en un éclair une boutique sombre. Et une fille qui se penchait vers moi avec un sourire.
Je me retourne ensuite vers un homme à côté de moi, espérant très fort qu'il ne va pas refuser le chat. Et il m'adresse un grand sourire. Ses traits sont flous...
Je rouvre les yeux et passe alors un doigt sur ma joue avant de renifler. On dirait bien que je pleure. La colère s'empare de nouveau de moi et je pousse un juron à mi-voix avant de poser de nouveau la tête dans mes bras.
L'homme au visage si flou... Instinctivement je porte de nouveau la main à ma joue. Il avait une grosse cicatrice.
Une cicatrice. Ysaïne Astra. C'est comme si tout tournait autour de moi tout à coup et qu'un voile qui m'empêchait de voir depuis des années s'était soudain levé. Je frissonne de nouveau.
Il faut que j'essaie de réfléchir. Je ne sais plus où j'en suis. Si... si tout est vrai.
Alors mon père était le prince d'Astra. Le futur roi. Et il est mort. Peut être que j'avais toujours espéré quelque part retrouver mes parents en vie. Mais je n'ai jamais voulu... être princesse.
Deux nouvelles larmes roulent sur mes joues et je resserre mes jambes contre moi, ayant soudain l'impression d'avoir froid.
Je ne peux pas être cette fille sur laquelle tout le monde fonde tant d'espoir... Je repense tout à coup à Astrala. Et à Jean. N'étais je pas tellement précieuse pour lui ?
Mais pourquoi ne m'a-t-il jamais dénoncée ? Jamais je ne me suis sentie aussi seule ni aussi perdue.
Un bruit derrière moi. La porte de la salle de transfert. Je ne fais pas un mouvement et ne relève pas la tête. La personne s'immobilise quelque part devant moi et nous restons ainsi pendant de longues minutes.
Puis, alors que je ne l'ai pas sentie venir, une main se pose sur mon épaule et quelqu'un s'agenouille devant moi.
-Ysaïne...
Je ne fais pas un geste mais suis agitée malgré moi d'un long tressaillement. Je murmure alors :
-Je ne suis pas celle que vous espériez...
Et je relève la tête vers... ma mère. Elle me dévisage en silence pendant quelques secondes puis remet doucement l'une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille gauche. Elle répond :
-Je crois que nous avons des excuses mutuelles à nous faire, n'est-ce pas ?
-Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
Je cherche malgré moi sur son visage une ressemblance avec le mien sans en trouver de particulière. Il est peut être vrai que je ressemble plus à Edilyn... Je détourne la tête tandis qu'Azylis s'assoit à côté de moi avant de prendre la parole :
-Je crois que j'espérai retrouver Gabriel en toi. Et... Le fait que tu ressembles tellement à sa sœur...
La gorge sèche, fixant mes pieds des yeux, je murmure :
-Bien sûr... Ma tante non ?
-Alors... Alors tu me croies ?
Je relève de nouveau les yeux.
-Ai-je le choix ? Je me souviens...
Une ombre passe sur le visage d'Azylis et je dois froncer les sourcils pour distinguer ses traits dans la pénombre ambiante. Elle veut me prendre la main mais je recule. Elle demande alors d'une voix chargée d'émotion :
-De quoi te souviens-tu ?
-Des... Des images. Vagues. Mais... Je ne crois pas me souvenirs de vous. Je ne vois qu'un homme dans mes souvenirs...
Je devine que je l'ai affreusement blessée. Elle garde le silence mais détourne les yeux elle aussi. Je demande alors, m'efforçant d'adoucir ma voix :
-Comment avez-vous su que je serais ici ?
Silence. Puis, enfin :
-Si je n'avais su où aller... Si je n'avais pas eu d'amis, la première chose que j'aurai demandé c'est un endroit où être seule.
Je regarde de nouveau droit devant moi. Je ne réfléchis alors pas, me penche vers le sol, attrape mon sac, et me relève d'un bond en m'aidant du mur. Je titube légèrement mais me dirige sans réfléchir vers la salle de transfert.
Alors que j'ai déjà la main sur la poignée de la porte, Azylis qui n'a pas bougé murmure :
-Ysaïne... Je t'en prie. Ça fait douze ans que je te cherche...
Je ferme les yeux un instant. Celle qui se dit ma mère reprend la parole :
-Je... Je t'aime. Et toi...
Je rouvre les paupières et tourne lentement la poignée de la porte. Je sors en disant :
-Vous avez tord. Vous ne me connaissez pas.
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