Ysaïne (Chapitre 125)

Je dévisage Edilyn pendant quelques secondes avant de répondre, tachant auparavant de me comprendre moi-même. Je devrai la détester, la haïr au plus profond de mon âme.

Alors pour quelle raison est-ce que je ne ressens que de la pitié maintenant que ma colère est retombée ? Je ne dois pas oublier le danger qu'elle représente, ses yeux qui brillent quand elle me regarde et son air de reine tyrannique qu'elle laisse de temps en temps filtrer derrière le personnage qu'elle se compose...

Mais il y a aussi toute cette douleur si visible... Ces traits tirés, ces gestes nerveux qui la trahissent à chaque seconde...

Je me décide à m'apprête à demander d'un ton le plus doux possible, consciente pourtant paradoxalement que ce n'est pas une enfant mais une reine déchue et qu'elle n'hésitera pas à me blesser à la moindre occasion. Mais c'est peut-être justement notre si troublante ressemblance qui m'empêche de la détester... Parce que j'ai l'impression de contempler un miroir qui me renverrait une situation où je pourrai être. Alors il n'y a plus que pitié et début d'une véritable amitié que je tente de combattre dans mon cœur. Parce que malgré tout, j'ai manqué d'une famille toute ma vie. Maintenant que je l'ai retrouvée... Je l'aime plus que tout. Sans distinction... Et ma tante en fait indubitablement parti...

-Alors ? Ma tante, comment contactiez vous Sagan après la révolte ? Après le sabotage des écrans de liaison ?

Elle redresse un peu plus la tête sans me regarder directement puis finit enfin par lâcher dans un souffle :

-Que m'offres-tu ?

J'hésite un instant, regarde le sol devant moi, tandis qu'Edilyn pose alors son regard vif sur moi et reprend presque durement :

-Tu as quelque chose à me proposer n'est-ce pas ? Qu'est-ce que c'est ?

Je relève mon regard vers le sien et réponds d'une traite, sans réfléchir :

-Ce n'est pas un échange ma tante. C'est un cadeau que je voulais vous offrir...

Je n'en ai parlé qu'à Esteban... Je plonge la main dans ma poche sans plus attendre, sentant la curiosité de l'ancienne reine éveillée même si elle ne le montre pas, et ne tarde pas à en sortir un petit bijou déjà pratiquement légendaire.

Edilyn pâlit à la vue du serpent dans mes mains mais demande de sa voix hautaine :

-Alors c'est ça ? Tes belles paroles ne sont que du vent et tu veux me tuer ? Pourquoi ne pas l'avoir dit tout de suite ?

Mes doigts jouent avec le bijou et mes yeux se fixent pendant de longues secondes sur le serpent d'or fin. À vrai dire, je déteste l'idée de m'en séparer. Parce qu'une cambrioleuse qui offre le fruit de ses vols... Disons que ce n'est pas dans mes habitudes. Un sourire presque amusé me monte aux lèvres tandis que je redresse la tête et réponds posément :

-Vous ne me connaissez pas ma tante ! Je vous l'offre pour qu'il vous porte chance... et j'ai fais retirer l'ingénieux système qui le rendait venimeux. En revanche j'ai laissé le mécanisme qui l'anime...

Edilyn ne bouge pas d'un millimètre, contrôlant le moindre de ses gestes, et ne répond rien tandis que sans la quitter du regard, j'appuie sur les deux émeraudes qui composent les yeux de l'animal mécanique.

Le serpent s'anime alors comme par magie et je le pose tranquillement à terre. Dans un parfait silence, il rampe sur le sol et ne tarde pas à venir s'enrouler autour de la cheville nue d'Edilyn qui n'esquisse pas un geste. Au bout d'un long moment, lorsqu'il se fige de nouveau sans avoir été jusqu'au bout de sa tâche habituelle puisqu'il est maintenant inoffensif, Edilyn allonge la main et le récupère entre ses doigts.

L'objet scintille dans la lumière bleutée de l'éclairage, me donnant une brusque envie de le prendre de nouveau, idée qui me fait de nouveau sourire moi-même tandis que je détourne les yeux, et Edilyn reprend la parole.

-Comment dois-je prendre ce cadeau ? Sais tu seulement ce qu'il est ?

Je redeviens cette fois-ci beaucoup plus sérieuse et me tourne vers l'ancienne reine pour énoncer froidement :

-Il est le poignard d'un assassin. Le revolver du meurtrier... Mais il est désarmé. Pas innocent mais plus dangereux...

Edilyn hausse un sourcil tandis que ses doigts tremblent légèrement pendant quelques secondes.

-Est-ce un avertissement ?

J'acquiesce avant d'ajouter :

-Oui. Mais c'est aussi simplement un cadeau. Pour que vous vous souveniez que je serai toujours là pour penser à vous. Je voudrai que nous repartions d'un nouveau départ...

-Après tout ce que j'ai fais ?

-Vous êtes ma tante...

-J'ai bien condamné mon frère et mes parents...

-Disons qu'il est dangereux d'être de votre famille mais que j'en assume le risque.

Je fais une légère pause, regarde devant moi sans la voir elle, puis finis par dire :

-J'aimerai que vous soyez heureuse. Et différente.

Puis, sans attendre, je me relève prestement et m'avance déjà pour sortir de la pièce. Mais la voix d'Edilyn m'arrête en jaillissant dans mon dos.

-Je serais toujours une épée de Damocles au dessus de ta tête Ysaïne...

Je me retourne vers elle, mais avant que j'ai pu ouvrir la bouche, elle poursuit sans me regarder :

-... Mais je n'oublierai jamais ta main tendue.

Un vrai sourire monte alors à ses lèvres, comme je ne lui en ai pas vu depuis que je suis en âge de regarder les écrans et les meetings politiques -avec peu de candidats mais enfin- et je sens moi même quelque chose se réchauffer dans mon cœur. Je réplique :

-J'en suis réellement heureuse.

Mais Edilyn ajoute en se levant à son tour, plus lentement que moi et en s'appuyant contre le mur de toutes ces forces. Ses traits sont pâles mais elle reste décidée lorsqu'elle lâche dans un murmure :

-Je veux faire quelque chose pour toi. Contre le serpent... Cherche dans mes appartements un fin casque audio blanc. Il y a les codes à côté. Il te permettra de prendre le contrôle d'Yves à distance, l'un des pionniers de Sagan.

Une prise de contrôle... L'un des crimes les plus terribles d'Astra ! Mais je ne réplique rien et me contente de hocher la tête, sans cesser de la regarder, avant de sortir de la pièce.

Je l'entends cependant glisser contre le mur et retomber à terre avant d'être tout à fait sortie. Mais je ne me retourne pas lorsque la porte se referme, devinant intuitivement qu'elle ne pourrait jamais m'être reconnaissante de l'avoir vue dans un moment de si grande faiblesse...

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