Ysaïne (Chapitre 112)
La gorge sèche, j'avance la main vers ma mère. Azylis prend entre ses doigts tremblants la feuille de papier.
Lorsqu'elle commence à la lire et que je me tourne vers chacun de nos hommes, assis ou debout dans le couloir, ses traits semblent se figer en découvrant qui en est l'auteur. Nos soldats attendent dans l'appréhension mais nous n'avons pris heureusement que des volontaires et des gens prêts à nous obéir. Alors ils sont prêts à patienter encore quelques minutes.
Mon cœur cogne trop fort dans ma poitrine. Je ne sais que faire. Edilyn me demande de lui faire confiance. Après tout ce qu'elle a fait ? Mais je ne supporte soudain plus l'idée de laisser entrer dans cette pièce tous ces hommes qui ne songeront qu'à se venger...
Je m'appuie contre le mur et ferme les yeux quelques secondes. Je ne suis pas faite pour être princesse. Cette pensée s'empare soudain de moi. J'aimeraient tant découvrir soudain qu'ils se sont trompés de personne. Mais je ne voudrai perdre pour rien au monde ma mère maintenant... Et pourtant je ne suis qu'une voleuse... Une fille captivée par les bijoux. Je n'avais pas d'autre centre d'intérêt avant de devenir cette étrange princesse que je ne connais pas moi-même. Et je commence à avoir l'impression d'avoir perdu le contrôle de ma vie pour un bout de temps.
À ce moment précis de mes pensées, je sens une main relever doucement mon menton. J'entrouvre les yeux pour alors croiser ceux de ma mère. Ses prunelles si bleues... Ai-je hérité des siennes ou de celles de Gabriel ?
Ses traits sont tirés par l'angoisse lorsqu'elle prend doucement la parole.
-Ysaïne, on ne va pas prendre ce risque alors qu'on peut si facilement...
Elle s'arrête d'elle-même. La même hésitation lui envahit le cœur et je referme les paupières pour tenter de cacher mon trouble. Ma mère recule d'un pas mais deux autres personnes apparaissent presque aussitôt dans mon champ de vision lorsque je me force à reprendre contact avec la réalité.
-Camille...
-Qu'est-ce que tu t'apprêtes à faire princesse ?
Elle me dévisage avec inquiétude mais avec une autre émotion difficile à identifier. Entre confiance et respect... Je me détache du mur et réponds alors fermement :
-Mon devoir...
C'est au tour de Maly de m'arrêter. Nos hommes me fixent à quelques mètres, attendant un geste de ma part pour intervenir aussitôt.
-Mmm... Si tu es comme Azylis, je le sens mal cette histoire.
Je rétorque en m'approchant à pas lents de la porte :
-Comment le sais-tu ? Tu n'as plus de mémoire je te rappelle.
Elle éclate alors d'un rire incongru, totalement décalé par rapport à la situation mais qui lui correspond tout à fait, avant de secouer la tête. Ses prunelles violettes semblent s'illuminer et elle répond :
-Oh ! Pas besoin de mémoire pour se rendre compte que vous êtes tous complètement dingues dans la famille !
Je glisse un regard à nos hommes. Ils n'entendent pas notre conversation et n'y prennent de toute façon pas garde. Tout le monde n'a maintenant d'yeux que pour la porte derrière laquelle se cache la reine qui fait trembler depuis des années tout Astra...
La sœur de mon père. Et à cette pensée, je ne peux empêcher à un curieux sentiment de tristesse de s'emparer lentement de moi.
-Pas faux Maly... Maman ?
Je me tourne vers Azylis. Elle me lance un regard ferme :
-Alors j'irais avec toi. Pas question de lui obéir maintenant...
Mais la vérité c'est qu'elle a peur pour moi. Je secoue la tête, soudain certaine de ma décision :
-Non. Je vous en prie... Laissez moi y aller seule. Si... Si je mourrai réellement, je suis certaine que vous arriveriez toujours à reconstruire Astra...
Ma mère s'approche alors sans prévenir et me prends soudain dans ses bras. Je me crispe légèrement avant de me détendre et de lui rendre son étreinte. Je suis toujours aussi rebelle au moindre contact physique semble-t-il... Mon fichu caractère de sauvageonne.
Azylis murmure à mon oreille :
-Retiens bien ça Ysaïne. Tu es ma raison de vivre, d'accord ? Alors reste en vie... Sinon je ne réponds plus de rien...
Je ne peux rien dire lorsqu'elle s'écarte de moi fermement tant l'émotion me serre la gorge. Les minutes passent beaucoup trop vite. Je sais que nous allons très vite devoir prendre une décision mais je me corrige intérieurement. Ils l'ont tous déjà deviné, ma décision... Et personne ne s'y oppose.
Un frisson me parcourt. Je suis la princesse.
Je me force alors à ne plus hésiter, à laisser de côté mes sentiments, et murmure soudain plus calmement :
-Si ce n'est pas un piège... Quel sort attend la reine ? Que dois je lui dire ?
Sarah, jusque là appuyée contre le mur comme moi auparavant, s'avance alors et me tend son revolver avec un regard aussi sombre que la nuit.
-Exécutée par son héritière... C'est bien la fin de l'histoire non ? Pense à Christian ! Oh, oui, pense à lui...
Et ses yeux semblent s'assombrir encore un peu plus. Si ce n'était pas Sarah, je penserai qu'elle s'apprêterait à pleurer. Mais elle se contente de redresser la tête vers moi après un léger salut. Camille me jette un coup d'œil et demande :
-Que vas-tu faire vraiment ?
Je me dirige alors lentement vers la porte sans répondre avant de lâcher :
-Attendez moi là...
C'est Maly qui pousse un cri.
-Non ! Tu n'iras pas là-bas toute seule !
Elle ne rie plus tout à coup et je reconnais la voix d'habitude si calme et si posée de Lydie. Chacun des hommes de notre petite escouade l'a parfaitement entendue et la plupart se redressent. Je les dévisage tous, un par un, avant de m'arrêter plus particulièrement sur le robot. Ma main est posée sur la porte maintenant...
-Maly, il y a des choses que l'on doit faire. Ne m'empêchez pas de voir Edilyn une dernière fois avant que tout ne change...
Mon cœur s'emballe lorsque mon regard effleure celui de Sarah. Sa souffrance me frappe avec la force d'un coup de poing et je sens la colère de nouveau m'envahir. Ma main se crispe sur le revolver et je termine :
-Personne d'autre que moi ne peut faire ça. Vous le savez tous.
Mes paroles portent jusqu'aux gardes qui s'immobilisent de nouveau. Aucun d'eux ne rétorque ni ne fait un geste lorsque je me retourne de nouveau vers la porte derrière laquelle tout va se jouer...
Ma main tremblante pousse le battant. Il n'y a pas de retour en arrière possible. Je lève ma main armée, animée de tellement de sentiments que je ne sais plus où j'en suis. Ma colère et ma peur pour Christian.
Mon désir soudain de revoir Idwin. De l'apercevoir de nouveau... Et ma crainte inavouée à l'idée d'être devant la reine. Il n'y a plus ses filles entre nous. Juste nos divisions...
Dans un monde différent, aurait-elle été une tante heureuse et aimante ? Cette idée me trouble et mes ongles crissent sur la porte tandis que je la pousse complètement devant moi.
Avant d'entrer.
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