Ysa (Chapitre 7)

-Qu'en penses-tu le chat ?

Ma bestiole poilue se contente de pousser un petit miaulement et de bondir sur mon lit ou il se roule en boule avant de s'endormir. Je pousse un petit soupir joyeux en regardant autour de moi.

Deux pièces plus une petite salle d'eau. C'est largement plus qu'il ne me faut et je suis vraiment heureuse d'avoir pu dénicher ce petit appartement. Son seul défaut à mes yeux est qu'il est situé au premier étage d'une tour immense, et, comme tous les habitants d'Astra, je n'aime pas être proche du sol.

Je jette un coup d'œil par la fenêtre ovale et esquisse un sourire. Bah, comme ça au moins je suis au même niveau que la rue principale et les grandes boutiques des rez-de-chaussée des tours...

Je regarde mes doigts avec un sourire. Je n'ai plus d'argent sur moi et j'ai bien envie de découvrir si j'ai ou non perdu la main...

Je me lève du siège miteux ou je m'étais assise et me dirige vers le lit pour récupérer ma besace. Je vérifie rapidement que j'ai tout ce qu'il me faut avant de tranquillement me diriger vers la porte du petit appartement. Juste avant de sortir, je me retourne avec un léger sourire au coin des lèvres et lance :

-A tout à l'heure le chat...

***

La rue principale est toujours pleine de monde en fin d'après-midi. Elle est très particulière parce qu'elle est exclusivement piétonne et qu'elle concentre un nombre ahurissant de gigantesques boutiques. Je resserre d'un geste vif ma veste et regrette un instant de ne pas avoir pris mon manteau d'hiver en partant. Il faut dire qu'on est déjà à la fin de l'automne... les robots municipaux doivent ramasser les feuilles des immenses arbres de la ville et je suis heureuse de ne pas être de nouveau à cette fameuse année ou il y avait eu une panne générale de la robotique de la ville... J'avais dû participer au ramassage des feuilles et je n'en garde pas un excellent souvenir.

Je m'arrête alors net au milieu de la rue et esquisse un léger sourire. Juste en face de moi brille une superbe enseigne : Clamen's.

Des bijoux... j'enfile une fine paire de gants autant par habitude que parce qu'il fait froid et pose sur mon bras un petit bracelet. Un brouilleur d'identité.

D'un pas nonchalant, je traverse ensuite la rue, bousculant légèrement au passage deux ou trois personnes avant de rejoindre la boutique. Je regarde d'abord les vitrines et un sourire me monte aux lèvres. J'aime beaucoup trop les bijoux. J'ai toujours beaucoup de mal à m'en séparer pour les donner à Astrala...

Maintenant, je suis mon propre chef. Mais je sais bien qu'il faudra que je les revende si je veux avoir un peu d'argent liquide.

Mes yeux se posent alors sur une fine paire de boucles d'oreille superbe et je pousse un soupir théâtral. Splendide. L'habituel mélange d'adrénaline et d'excitation s'empare de moi et je m'apprête à inspirer fortement et à entrer dans la boutique lorsque qu'un passant -immobile à côté de moi et que je n'avais absolument pas remarqué- m'interpelle avec un sourire aimable.

-Joli n'est-ce-pas ?

-Je vous demande pardon ?

Je détaille l'inconnu en un clin d'œil. Il est vêtu avec élégance, se tient avec une certaine noblesse qui se distingue dans chacun de ses mouvements et arbore pour le moment un franc sourire. Il doit avoir quelques années de plus que moi mais je ne saurai dire exactement son âge. Ses cheveux bruns et ses yeux noisettes ont un éclat particulier qui le rend séduisant. Mais il poursuit, nullement déstabilisé par mon ton abrupte :

-Vos yeux brillent quand vous regardez ces bijoux mademoiselle.

Je ne peux que retenir un mouvement d'énervement. Mais quelque chose au fond de moi est sensible à ce que vient de dire l'inconnu et j'ai du mal à ne pas lui sourire.

-Disons qu'ils sont superbes et font rêver, j'imagine, n'importe quelle femme.

Et je lui tourne le dos, bien décidée à mettre fin à la conversation et à attendre qu'il s'en aille avant d'entrer dans la boutique. Mais il ne semble malheureusement pas du même avis car il me force à le regarder de nouveau en reprenant la parole :

-Mademoiselle, je voudrai vous demander si je ne vous connaîtrais pas par hasard...

Je fronce très légèrement les sourcils.

-Il ne me semble pas monsieur. Pourquoi ?

-Une étrange impression. Vous devez ressembler à quelqu'un que je connais. A propos, je m'appelle Esteban d'Edrael.

Voyant que je ne relève pas et que je me replonge dans l'observatoire de la vitrine, le jeune homme saisit enfin le message et se décide à tourner les talons et à s'éloigner. Je relève malgré moi la tête et regarde sa silhouette disparaître entre les passants avec un sentiment mitigé. Pourquoi croyait-il me connaître ? Astrala m'aurait-elle déjà retrouvée ? Est-ce un avertissement ?

Je secoue la tête, agacée moi-même de ne plus me sentir à mon aise et me décide à franchir les quelques mètres qui me séparent de la porte de la boutique. La nuit tombe tôt en ce moment et il règne dans la rue éclairée une drôle d'atmosphère de veille de Noël un peu décalée.

La porte s'efface pour me laisser entrer et je pénètre enfin dans le magasin illuminé et chaud avec un agréable sentiment de bien-être. Une jolie vendeuse s'approche aussitôt de moi.

-Bonjour mademoiselle... Que puis-je pour vous ?

J'hésite quelques secondes. Il est encore temps de reculer... Mais je réponds avec mon plus joli sourire :

-J'aimerai beaucoup voir de plus près les boucles d'oreilles de la vitrine...

-Bien sûr, attendez-moi là quelques minutes, je file vous les chercher.

J'acquiesce en souriant et elle s'éloigne en direction de la devanture. Nous sommes seules mais je sais que rien n'est jamais aussi simple... je fouille dans ma besace et en sort un petit objet gros comme une boîte d'allumettes avec un léger sourire.

Les quelques minutes d'attente avant le retour de la vendeuse me paraissent durer une éternité mais elle ne tarde pas à enfin réapparaître devant moi.

Elle me tend les boucles avec un sourire et je les prends entre mes doigts avec la même fièvre que je ressens chaque fois que je découvre entre mes mains un nouveau bijoux de valeur.

Mais j'aperçois alors soudain au poignet de la vendeuse un éclat doré qui attire mon attention.

-Qu'est-ce-que c'est ?

-Un serpent torsadé...

Il exerce sur moi une curieuse attirance mais je me secoue mentalement. Pour le moment, je veux juste réussir à repartir avec ces boucles d'oreilles...

-N'auriez-vous pas une glace s'il-vous-plaît pour que je puisse voir l'effet général ?

La vendeuse acquiesce avec de nouveau un sourire poli.

-Si, bien sûr. Je vais vous chercher ça.

Elle appuie sur une petite télécommande sortie de sa poche et un déclic m'indique que je suis enfermée dans la boutique. J'esquisse un sourire amusé :

-C'est vrai que l'on est jamais trop prudent... Je pourrai être une voleuse.

La vendeuse m'adresse un signe de tête d'excuse avant de disparaître derrière un ensemble de tables d'expositions. Je n'attends pas une minute de plus et cesse brusquement de rire pour braquer mon petit boîtier sur les boucles d'oreille. Il émet alors un petit bip sonore et affiche un compte à rebours de quelques secondes.

Je l'ouvre ensuite nerveusement et découvre avec soulagement dans un petit compartiment une paire de boucles d'oreille absolument similaire à celle que je viens de "photographier".

Le boîtier les a fabriquées mais elles sont évidemment fausses et les pièces se détacheront les uns des autres dans quelques minutes. Il ne faut pas que la vendeuse tarde trop...

Elle revient juste à ce moment avec un petit sourire et me tend un miroir.

Mais je lui tends les fausses boucles d'oreilles en ajoutant à haute voix :

-Excusez-moi mais j'ai changé d'avis. A une autre fois peut-être.

-Bien mademoiselle. J'espère que le service vous a plu.

-Bien sûr. Au revoir madame.

Mon cœur bat la chamade. Un coup d'œil appuyé sur les boucles d'oreilles et elle comprendra la vérité.

Mais elle débloque la porte d'entrée et je sors de la boutique, me forçant à marcher calmement. Mon cœur bat la chamade...

Une fois dans la rue, je m'éloigne beaucoup plus rapidement et bouscule quelques passants au passage. Au bout d'un certain temps, je laisse échapper un grand éclat de rire heureux, m'estimant en sécurité.

Je n'ai plus qu'une envie : être de nouveau dans mon minuscule appartement et observer ma toute nouvelle acquisition...

Mais juste à ce moment, je rentre violemment dans quelqu'un qui a eu de toute évidence la mauvaise idée de se mettre dans mon passage et, alors que je redresse la tête, je reconnais avec stupéfaction le jeune homme de toute à l'heure.

-Esteban !

Mais celui-ci jette un coup d'œil nerveux autour de nous et me demande précipitamment :

-Mademoiselle... c'est un miracle que je retombe sur vous. Il faut absolument que vous nous aidiez, c'est une question de vie ou de mort...

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