Ysa (Chapitre 55)

-Je te dis que tu es complètement fou...

-C'est pour ça que tu m'apprécies non ?

Je regarde avec un grand sourire Idwin devant moi. Il fait nuit et les combats viennent de cesser... la trêve que tout le monde attendait est enfin signée.

Je regarde autour de moi, plus émerveillée que jamais. Nous sommes dans le plus célèbre restaurant d'Astra, celui dont le fameux dernier étage s'avance sur le vide et vous permet d'avoir le monde à vos pieds le temps d'un dîner...

Assis tous les deux à une table ronde, dans la lumière irréelle des lampes, je laisse l'atmosphère spéciale de la soirée me faire tout oublier.

-C'est... Féerique comme endroit je trouve.

Idwin se penche vers moi avec des étoiles pleins les yeux et rétorque :

-Pour quelqu'un qui a toujours vécu à Astra, encore plus dans la capitale, c'est étrange de n'être jamais venue ici...

Je hausse les épaules. Ça m'aurait plu à n'importe quel âge cet endroit... Les dames portent toutes de superbes bijoux et mes doigts me démangent presque tant j'ai envie de ne pas repartir les poches vides ce soir. Suivant mon regard posé sur de superbes boucles d'oreilles mises en valeur par une jeune star, Idwin demande d'un ton moqueur :

-Je me trompe ou ces bijoux sont plus fascinants que moi ?

Je me retourne aussitôt vers lui et esquisse un sourire amusé.

-Je dirais que vous êtes à égalité... Mais que c'est un sacré compliment de ma part.

Idwin ne répond pas et se contente alors de me fixer en silence tandis que je bois le verre d'eau que je viens de me servir.

Le jeune prince demande d'un ton pensif :

-Tu ne bois jamais d'alcool ?

Je grimace franchement avant de répondre :

-Je déteste ça depuis toujours. Et ça m'exaspère car cela ne fait jamais sérieux...

Nous éclatons d'un même rire complice et j'échange avec lui un regard merveilleux. La nuit est magique. Et quelque chose me renverse le cœur chaque fois que je pose mes yeux sur lui.

-Idwin...

Il relève son regard vers le mien et je sens pour la première fois de ma vie que je ne suis plus tout à fait aussi indépendante. Cette idée m'agace contre moi-même un bref instant avant que je ne m'abandonne de nouveau au sourire qui ne veut quitter mes lèvres.

-Idwin... Tu as dit que tu m'aimais... Mais jusqu'où irais tu pour ça ?

Il ne me regarde pas et pendant quelques minutes, il me semble qu'il n'a pas entendu ma question. Il redresse enfin les yeux et murmure doucement :

-Je veux rester moi-même. Dans ces limites, je suis prêt à tout pour toi...

Je fronce les sourcils et rétorque malicieusement :

-Un amour n'est-il pas censé être sans limite ?

-Chez les gens qui ne réfléchissent pas, peut-être...

Je détourne les yeux. M'a-t-il déçu ? Peut-être. J'aurai aimé plus de passion et... Mais je n'ai pas le temps de réfléchir car je sens brusquement une main sur mes doigts et je ne peux m'empêcher de tressaillir. Idwin murmure doucement :

-Ysa ? Je t'ai déplu ?

Ses yeux inquiets posés sur moi, et cette flamme qui me transperce l'âme et attire sur mes joues un rougeur inhabituelle... La voix soudain rauque, je réponds :

-Non. Non, tu ne m'as pas déçu...

Un sourire étire ensuite soudainement mes lèvres et je murmure :

-Je veux bien un demi verre tout compte fait...

-D'alcool ?

J'acquiesce et il prend la bouteille sur la table. Mais je constate au passage que je ne suis pas la seule à sentir les émotions m'envahir puisqu'il tremble et en met quelques gouttes à côté. Je murmure :

-On dirait que nous ne sommes pas nous-même ce soir...

Idwin détourne les yeux sans répondre avant de lâcher :

-Je n'ai jamais ressenti ça pour personne d'autre Ysa...

-Moi non plus.

Il redresse les yeux d'un coup et les fixe sur les miens.

-Alors... Tu ressens quelque chose pour moi ?

Sa main s'empare de la mienne sur la table et je ressens de nouveau au plus profond de moi-même ce sentiment inexplicable de joie et de vie qui m'envahit.

-Peut-être bien Idwin... Mais laisse-moi un peu plus de temps.

Je reste quelques minutes de nouveau silencieuse puis poursuit avec un sourire de nouveau malicieux :

-Et puis... Je croyais que les princes ne fréquentaient pas n'importe qui ?

Idwin faut un geste vague de la main avant de se pencher en avant vers moi et de reprendre mes doigts dans les siens. Il plonge son regard dans le mien et murmure :

-C'était une certitude bien établie dans mon esprit... Avant que je rencontre la plus impolie des voleuses...

Je retiens un geste de recul et regarde automatiquement autour de moi pour vérifier que personne n'a entendu. Mais Idwin resserre sa main autour de la mienne et dit avec un sourire :

-Ne t'inquiète pas, ils croiront à une plaisanterie...

Il recule alors au fond de son siège tandis que je me force à me détendre. Je pousse un léger soupir puis demande avec un nouveau sourire :

-Idwin... Raconte-moi une chose de ta vie que tu ne m'as jamais dite...

Il pose ses yeux bleus sur la surface de la table entre nous deux puis se décide à répondre :

-Une chose que je ne t'ai jamais dite... Ma mère est morte le jour de mes dix ans dans un accident d'aéronefs.

Il garde le silence et je sens un début de tristesse m'envahir. Je rapproche mon siège du sien et pose ma main sur son épaule.

-Tu étais proche d'elle ?

-Beaucoup.

Il relève les yeux vers moi et esquisse alors un sourire froid avant de poursuivre :

-J'ai entendu dire depuis que mon père avait provoqué l'accident... Elle voulait divorcer.

Je ne m'attendais pas à ça. Mais, paradoxalement, j'ai le cœur suffisamment endurci pour contenir la peine que je ressens à cet instant précis pour lui. Mais Idwin ne me laisse pas le temps de souffler et me demande d'une voix douce :

-Et toi ?

-Je fais des cauchemars à répétition sans jamais m'en souvenir le matin... Je crois que ce sont des scènes que j'ai vécue dans mon enfance. Mais depuis quelques jours, j'ai l'impression de me rappeler de plus en plus de choses à mon réveil...

Idwin ne me lâche pas des yeux et observe :

-C'est que tu es enfin décidée à accepter ces souvenirs. Ils te révéleront peut-être quelque chose...

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il se penche brusquement vers moi et pose un léger baiser sur ma joue. Il murmure à mon oreille avant de se lever :

-Ne m'oublies pas...

Et s'en va brusquement sans me laisser le temps de réagir. Seul l'argent nécessaire au paiement du restaurant posé sur la table témoigne de sa présence d'encore quelques minutes auparavant...

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