Ysa (Chapitre 22)
Je réussis à me ressaisir. Lorsque je m'enfonce de nouveau dans la foule, les gens me regardent comme si j'étais une revenante et je ne parviens pas à retrouver mon calme. Je veux partir d'ici le plus vite possible.
J'avise alors enfin contre un mur Idwin, toujours avec Esteban, ce qui m'arrache une légère grimace.
Je m'approche d'eux et Idwin, prenant les devants, murmure avec sa voix au léger accent :
-Tiens, je crois que je peux te le rendre n'est-ce-pas ?
J'acquiesce et attrape le serpent d'or que je glisse le plus discrètement possible dans mon sac. Esteban porte à ses lèvres une coupe emplie d'un liquide que je n'identifie pas avant de dire :
-Je ne comprends pas que tu sois encore en vie.
Je ne réfléchis pas et réponds avec une honnêteté tranquille :
-Moi non plus.
Je hausse ensuite les épaules.
-Elle a dit qu'elle me le donnait... Vous y comprenez quelque chose ?
Idwin se contente d'esquisser une moue interrogative mais Esteban se redresse soudainement :
-C'est le serpent ?
-Heu... oui, je crois.
Je ne comprends pas son air soudain sombre. Il serre les dents et réplique :
-Alors je te conseillerai bien de l'abandonner tout de suite quelque part dans cette salle mais comme j'ai l'impression que tu n'écoutes personne... C'est le serpent dont elle se sert pour tuer ceux qui l'encombrent.
Je le toise et réponds avec un sarcasme non déguisé :
-C'est une légende !
Esteban murmure :
-Très bien. Mais alors n'appuie pas sur les émeraudes quand je serais dans la même pièce. Je tiens à ma vie, tu permets ?
Il veut ajouter quelque chose puis semble s'énerver contre lui-même :
-Bon, j'ai assez perdu de temps avec une voleuse. Au revoir tout le monde. A bientôt, prince Idwin.
Il salut avec cérémonie puis tourne les talons et s'éloigne. Ne pas appuyer sur les émeraudes... Je réprime un frisson avant de me tourner vers Idwin en tâchant de cacher ma contrariété pour lui demander :
-Que penses-tu de moi ?
Il esquisse un sourire narquois.
-A peu près la même chose que monsieur le maire. Je ne m'attendais pas à ce que ma première cavalière de la soirée soit une voleuse... Nous ne sommes clairement pas du même monde mais tu m'as bien amusé. A une prochaine fois...
Il salue ironiquement puis s'éloigne à son tour, me plantant sur place pour se diriger vers une jolie brune qui semble le connaître.
Je hausse les épaules, agacée contre moi-même car c'est bien la première fois que je me préoccupe de quelqu'un d'autre que de moi-même, et m'apprête à m'éloigner lorsque je relève les yeux vers la porte d'entrée. Deux hommes et une femme viennent d'entrer. Malgré leur jolies coiffures et leurs tenues chic, je les reconnais immédiatement. Des sbires de Jean et Astrala.
L'un d'eux me repère d'ailleurs immédiatement et son regard d'aigle s'arrête sur moi. Soudain pâle, je tourne les talons et m'empresse de replonger dans la foule.
-Pardon... Pardon, excusez-moi...
Mais ou aller ? Ils bloquent l'entrée... Alors que je m'arrête derrière une table, je sens une main gantée s'emparer de mon bras. L'homme porte un unique piercing comme détail frappant, un anneau d'argent à l'oreille, et ses yeux ont un reflet métallique.
Quelques gouttes de sueur me coulent dans le dos tandis que je demande :
-Que me voulez-vous ? Lâchez-moi ou je hurle !
-Tu sais très bien pourquoi je suis là...
Le bras droit de Jean. Sa voix rocailleuse résonne désagréablement à mes oreilles et je me revois encore des années auparavant, espionnant leur conversation, cachée sous une table avant qu'il ne me découvre et ne me fasse la frayeur de ma vie.
-Je ne vous suivrai pas...
-Vraiment ?
Les deux autres doivent toujours garder les issues. La soirée me paraît soudain étouffante et je cesse de trouver réjouissant le bracelet d'or de mon sac : il m'empêche de crier et d'attirer l'attention sur moi. Si Edilyn était défiée publiquement, je ne donne pas cher de ma vie...
-Écoutez, je...
-Ça suffit la discussion. Tu vois la main que j'ai dans ma poche ? Il y a une fléchette à l'intérieur. Je n'aimerai pas avoir à m'en servir. Mais ça a l'avantage d'être une mort rapide et discrète. Le patron n'a pas beaucoup apprécié ta petite fugue...
J'hésite encore malgré la menace mortelle qui plane sur moi. Il plonge la main dans sa poche et je dois vivement m'exhorter au calme pour rester impassible.
-C'est Astrala qui vous envoie me chercher ?
-La vieille ? Oh non...
Quelque chose dans sa voix me déplaît. C'est peut-être son sourire grimaçant.
-Pourquoi non ?
-Ça fait trop de questions.
Il me pousse dans la foule et j'obéis, soudain consciente que je n'ai pas le choix. Mais tandis que je m'oblige à marcher lentement, je ne peux m'empêcher de réfléchir de toutes mes forces à une solution. Pourquoi suis-je aussi importante pour un chef mafieux ? Le secret de mes origines... Saldya le connaît. La reine aussi.
En quelques secondes je me décide. Il faut à tous prix que je réussisse à rester au palais. Et à faire parler l'une des deux princesses...
Mais cela semble sérieusement compromis. Personne ne fait attention à nous et nous commençons à nous rapprocher dangereusement des portes de la salle. Alors que je ralentis un peu plus, je sens l'homme derrière moi me piquer très légèrement avec la seringue. Elle doit être capuchonnée car je ne sens rien si ce n'est une petite douleur dû à la pointe métallique.
Mais la menace est si claire... J'ai été stupide de ne pas chercher à plus discuter avec Saldya. Mais je n'ai jamais été vraiment passionnée par une recherche d'une hypothétique famille.
Je ne suis pas quelqu'un en grave manque d'affection... Nous passons la porte et l'autre homme et la femme se mettent aussitôt à ma gauche et à ma droite pour me surveiller. Mais les gardes ne réagissent pas. J'avais un peu espéré pourtant... Mais ils se fichent de savoir ce qui peut m'arriver tant que cela ne met pas en danger la reine. La garde noire est pratiquement fanatique.
J'avance dans le couloir. Après la salle de téléportation... Il faut que je trouve quelque chose, et très vite.
-Qu'est-il arrivé à Astrala ?
Pourquoi est-ce-que je m'inquiète bêtement pour la vieille femme ? L'homme derrière moi s'approche et me murmure à l'oreille d'un ton mêlant amusement et sadisme :
-Mais elle est morte...
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