Ysaïne (Chapitre 87)
-Où m'emmenez-vous ?
Le garde ne répond rien mais se plaque contre le mur. Je fais de même par réflexe et nous restons ainsi invisible dans l'ombre d'une porte ouverte tandis que deux hommes passent en courant dans le couloir devant nous sans nous voir.
Le garde se tourne alors vers moi et murmure précipitamment :
-Avant de sortir sur l'une des plateformes, il faut absolument que nous désactivions les champs de force. Sinon tout cela n'aura servi à rien...
Je laisse échapper un juron et demande tandis que nous nous remettons à courir dans le couloir :
-Dis donc, comment vous supportez de vivre ici toute l'année ? C'est mieux gardé que les bijoux de la couronne !
Il me lance un drôle de regard, sans doute peu convaincu par mes comparaisons et je me mords les lèvres en accélérant. Un jour il faudra absolument que j'essaie de penser un peu moins que toutes les pierres précieuses du monde représentent la seule chose digne d'intérêt sur terre...
Que la sacoche est lourde ! Des gouttes de sueur me perlent dans le cou, sur le front et même dans mon dos mais je me force à continuer. Je ne peux pas m'arrêter maintenant.
Mais le garde devant moi s'immobilise alors brusquement à la sortie du couloir et je manque le renverser tant j'ai eu du mal à m'arrêter. Il pose un doigt sur ses lèvres et me désigne d'un geste le couloir qui croise celui où nous nous trouvons.
Je l'observe pour la première fois de manière détaillée sans regarder dans la direction qu'il me désigne et constate alors qu'il doit avoir dans les quarante ans mais qu'il conserve une forme physique largement supérieure à la mienne. Allons bon, à quoi est-ce que je pense ? Je manque d'éclater d'un rire nerveux mais me rattrape juste à temps tandis qu'il prend rapidement la parole dans un léger chuchotement :
-Le couloir ne fait que quelques mètres. Au bout sur notre droite de trouve l'une des salles de commande des défenses électroniques. Vous, vous restez ici. Il y a deux gardes devant normalement et...
Malgré toute la fatigue écrasante que je ressens dans chacun de mes muscles, je trouve encore la force de lui lancer un regard incendiaire.
-Je viens avec vous !
-Pas question. Aucune confiance en vos méthodes pour la discrétion...
-Je ne vous demande pas votre avis et...
Il ne répond même pas et s'engage déjà dans le couloir tandis que je reste à ma place, le cœur battant et plein d'injures aux lèvres que je retiens de justesse. Je n'ai peut-être pas réussi à être très discrète -la sirène qui retentit dans tout le palais me le rappelle assez bien- mais sans Esteban...
J'entends alors tout à coup du bruit et risque une tête dans le couloir. Mon garde est en train de se battre avec un autre qui n'a pas l'air d'avoir envie de se laisser faire... Je ne réfléchis même pas et enfonce ma main dans ma sacoche.
Mes doigts touchent alors immédiatement ce qui ressemble à un sac de toile mais je n'ai pas le temps de m'en étonner que j'agrippe déjà l'un des revolvers.
Je le sors d'un geste brusque et l'empoigne dans ma main valide avant d'inspirer profondément puis de me lancer à mon tour dans le couloir.
J'embrasse l'étendue de la scène en quelques secondes avant d'agir. Mon garde et l'autre sont en train de se rouer de coups à terre et un troisième reste immobile dans un coin, sans doute évanoui. Je braque alors mon arme sur les deux agités et crie :
-On ne bouge plus !...
Ils s'immobilisent aussitôt -ils ont visiblement réussis à perdre dans la bataille leurs armes respectives,- et mon garde lève les yeux au ciel.
-On n'avait pas dit que vous restiez là-bas ?
Je m'approche lentement d'eux et désigne l'autre homme d'un mouvement de tête avant de dire :
-Levez-vous et allez vous mettre contre le mur, vite !
Il obéit en jetant un regard noir à mon arme et mon garde se relève à son tour. Je ne quitte pas des yeux l'autre mais lui répond d'une voix froide :
-Désolée l'obéissance ça n'a jamais été mon truc. Et il fallait bien que je vous sauve la vie...
Il ne répond rien mais esquisse une grimace. L'autre garde nous observe avec dégoût et crache :
-Sale traître !...
Mon garde ne répond une nouvelle fois pas et je me contente de vriller mes yeux bleus sur mon encombrant prisonnier.
-Faites attention, je ne sais pas quoi faire de vous et j'ai la gâchette facile ce soir...
Il me regarde alors et doit vraiment m'observer pour la première fois car ses yeux s'agrandissent de surprise. Il murmure d'une voix furieuse :
-La fille aux cheveux bleus... On commence à parler de vous partout.
-Pardon ?
Je suis soudain trop surprise pour réagir mais mon guide me prend brusquement mon pistolet des mains et donne un coup de crosse au garde qui s'était un peu éloigné du mur et qui tombe à mes pieds, évanoui.
Tout cela en quelques secondes tandis que je tente encore d'intégrer le fait que toute la situation est encore en train de m'échapper... Mon garde me rend mon arme avec un regard froid et observe :
-Trop bavarde. Je ne voudrai pas vous le rappelez, mais vous êtes en danger de mort alors si mademoiselle voulait bien se presser un peu...
Je résiste à l'envie de répondre vertement mais il ouvre déjà la porte en face de nous d'un coup d'épaule. Il entre sans attendre et j'inspire une nouvelle fois fortement avant de le suivre après avoir jeté un dernier regard aux deux hommes évanouis. Je ne sais pas de combien de temps on dispose avant qu'ils ne reviennent à eux ou qu'on nous repère mais ça ne me paraît pas génial comme situation.
En entrant dans la pièce, la première chose que je remarque c'est qu'un éclairage électrique n'est pratiquement pas nécessaire ici. D'ailleurs le garde, il faudra que je lui demande son prénom car je commence à en avoir assez de l'appeler comme ça, ne l'a pas mis en marche.
Le rayonnement bleuté renvoyé par les nombreux écrans géants suffit à me permettre de le repérer et je le rejoins rapidement en me faufilant entre les tables. Il est assis devant un poste plus imposant que les autres et tape sur différentes touches. Nerveuse, je m'immobilise à côté de lui et demande :
-Alors ?
Sa réponse jaillit de sa bouche, traduisant parfaitement son état d'énervement à peu près aussi fort que le mien. Les minutes s'échappent beaucoup trop vite...
-Je ne sais pas ! Je n'arrive pas à trouver l'endroit où ils ont caché ce programme... La dernière fois il était...
Il s'immobilise alors et mes yeux se posent sur l'écran. L'image d'un bouclier magnétique apparaît et je sens chacun de mes muscles se tendre au maximum. Ma voix est loin d'être neutre lorsque je laisse tomber quelques mots :
-On dirait que vous l'avez trouvé...
Il appuie sans répondre sur une nouvelle touche et l'alarme qui me donnait une affreuse migraine depuis un temps incroyablement long cesse tout à coup brusquement. Lorsque mes yeux se posent de nouveau sur l'écran, je constate avec une minuscule parcelle de soulagement que le bouclier auparavant rouge vient de devenir vert. Je suppose que ça plus l'alarme signifie qu'on a réussi à le déconnecter...
Mais le garde se tourne vers moi et murmure soudain d'une voix blanche :
-Ça, ce n'était pas prévu.
-Quoi ?
Ma voix est encore monté de je ne sais combien de décibels on dirait. Il rétorque d'une voix tendue par l'urgence :
-L'arrêt de l'alarme. Ils savent maintenant qu'on a coupé le bouclier ! Combien croyez-vous qu'ils nous laisseront de temps avant de le remettre ?...
Évidemment. C'était beaucoup trop simple.
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