Thaïs (Chapitre 62)
-Maman ! Regarde !...
Je me tourne vers Sandra qui désigne l'ouverture de la grande pièce circulaire de la tour. Une main apparaît, puis une personne qui s'assoit sur le bord de la dernière marche et nous adresse un léger sourire.
Aevin et Eric se tourne d'un même mouvement vers moi et nous retenons le même cri de stupéfaction. Mon frère résume à haute voix nos pensées à tous :
-Vous ne m'avez pas raconté que les humains ici avaient la peau mate et des veines dorées ?
Je réponds en me tournant déjà de nouveau vers l'inconnu :
-Si, c'est exactement ce que nous avons vu...
-Mais je ne corresponds pas à vos attentes n'est-ce pas ?
L'habituelle sensation d'une minuscule décharge électrique dans le bras. Je remonte mécaniquement ma manche de chemise et jette un coup d'œil au bracelet de fer noir qui me serre l'épaule. Je remercie une nouvelle fois silencieusement la prophétesse qui nous a donné ce moyen de communiquer à Aevin, moi et Georges. Pas Sandra parce qu'elle est trop jeune... Et Eric n'en a évidement pas non plus. Il contemple le jeune inconnu qui se lève lentement et fait un pas dans la pièce sous nos yeux stupéfaits.
Je me lève alors d'un bond à mon tour, aussitôt suivie des autres, et nous restons immobiles quelques secondes.
Sa peau est entièrement bleu très pâle. Elle paraît même blanche par endroit et me fait penser à... De la glace. L'image s'impose si vite dans mon esprit que je ne peux plus l'écarter de mes pensées. On dirait que l'inconnu a été intégralement formé à partir d'un bloc de glace.
Ses cheveux sont de la même couleur et lorsqu'il ouvre la bouche, un léger nuage de vapeur froide en sort. Il dégage un charme indescriptible, en même temps qu'une peur étrange.
Comme personne ne semble se décider, je prends la parole d'une voix légèrement hésitante :
-Vous... Vous êtes chargé de nous aider ?
Il entrouvre ses lèvres bleu pâle et répond avec un calme impressionnant :
-Exactement. Les anciens m'ont chargé de vous conduire jusque chez nous.
J'échange un coup d'œil avec Aevin et aperçoit Eric en train de chuchoter avec Georges qui lui donne des explications. Mon mari se ressaisit plus vite que moi et demande :
-Chez vous ? Vous ne faites pas partie des... enfin de ceux que nous avons vu ?
L'inconnu esquisse ce qui ressemble à un vague sourire et rétorque :
-Je ne leur ressemble pas je pense... Mais ils nous ont dit que vous souhaitiez rentrer sur votre planète.
Il ajoute après quelques minutes de silence :
-Vous n'avez vu qu'une infime partie de cet endroit. Normal que ses habitants soient différents d'une région à l'autre non ?
Eric demande à côté de moi :
-Qu'est-ce qu'il raconte ?
On dirait que Georges en a eu assez de faire le traducteur... Mais ni moi ni Aevin ne répondons tout de suite à Eric. Mon mari s'avance vers l'inconnu à l'aura bleutée, habillé d'un costume pâle qui semble s'intégrer à sa peau, et lui demande :
-Alors que devons-nous faire maintenant ?
-Me suivre.
-Ils avaient parlé d'une épreuve...
L'homme hausse les épaules.
-Je n'ai pas le droit de vous en dire plus. Venez donc, nous allons devoir marcher... Bien plus longtemps que tout ce que vous avez accompli jusqu'ici.
Je m'avance vers lui alors d'un pas brusque et demande :
-N'avez-vous pas d'autres moyens de transport ?
Il rétorque sèchement :
-Non. Et si vous n'avez pas le courage de me suivre, restez donc ici...
Il tourne déjà les talons et j'inspire profondément, refoulant au fond de moi ma colère. Après tout, il veut juste nous aider... mais je déteste être traitée de lâche, même quand ce n'est pas clairement dit. Je me tourne ensuite vers mon frère et Aevin s'approche de moi calmement. Il ne me laisse pas le temps de parler et murmure :
-On y va Thaïs... Maintenant.
Eric doit avoir saisi car il est déjà en train de récupérer son sac. Il le prend et lorsque je veux me diriger vers Sandra, il m'adresse un petit sourire en disant :
-Tu me laisses m'occuper de ma nièce ?
J'hésite quelques secondes puis acquiesce avec un sourire. Eric reste dans mon esprit malgré tout le petit frère fragile à protéger... Changer ma vision de lui-même n'est pas vraiment facile et je devine qu'il en a parfaitement conscience. À moi de faire un effort...
Mais Aevin boucle déjà le sac de Georges et ils s'approchent tous les deux de l'ouverture. Mon mari se tourne vers nous :
-Dépêchez-vous, il est déjà parti...
J'inspire de nouveau et me précipite en avant. Quelques minutes plus tard, nous sommes tous en train de redescendre ces marches cauchemardesques. Notre étrange guide semble toujours auréolé d'un léger nuage de vapeur et nous attend deux paliers plus bas. Je suis la première à le rejoindre, n'ayant pas d'enfant à surveiller.
Je demande entre deux respirations saccadées lorsque je suis enfin de nouveau à l'arrêt :
-Vous possédez une technologie stupéfiante... Pourquoi n'y a-t-il pas de moyen autre d'aller là-haut ou de descendre ? Et qu'est-ce que c'est que cette tour ?
L'homme reste silencieux en regardant le reste de ma famille qui se rapproche. Il se tourne enfin de nouveau vers moi :
-La tour est un régénérateur.
-Qu'est-ce... Qu'est-ce que ça veut dire ?
-Que placée sous les rayons de la coupole, vous pouvez guérir de n'importe quelle blessure...
Je suis stupéfaite. Je lève les yeux vers le ciel dans un réflexe et laisse mon regard dériver sur cette tour dont j'ai maudit chaque parcelle dans ma précédente montée. Je repense à l'étrange tube de verre au milieu de la pièce où nous étions... Mais je me retourne vers notre guide en fronçant les sourcils.
-Alors... Vous devriez justement la rendre plus accessible.
Il détourne la tête.
-Non. Il faut mériter la guérison... L'escalier est une épreuve.
-Les aéronefs de chez nous...
-Des plaques métalliques dans le sol dérèglent tous les appareils de vol. On ne peut atteindre le régénérateur qu'en grimpant les marches.
Je m'apprête à rétorquer lorsque l'inconnu lance d'une voix soudainement froide :
-C'est comme ça ! Entendez-vous ?... C'est normal !...
Et brusquement, il recommence à descendre les marches à un rythme trop rapide. Je me retourne vers le haut de la tour. Sandra est sur les épaules d'Eric et ils sont tous proches. Aevin et Georges rient aux éclats et ne sont plus qu'à cinq marches de moi.
J'hésite quelques secondes puis, oubliant la fatigue et ma respiration chaotique, je me mets à descendre plus rapidement les marches pour tenter de rejoindre l'inconnu.
Il doit entendre ma cavalcade dangereuse -le vide m'encadre de chaque côté- car il s'immobilise quelques marches plus bas mais sans se retourner.
Je m'arrête alors, un peu plus haut que lui, le souffle coupé, et me plie en deux pour tenter de retrouver ma respiration. Je murmure entre deux hoquets :
-Quelqu'un que vous aimiez est mort ici n'est-ce pas ? Sur l'escalier ?
Long silence. Cigarette doit avoir quitté Aevin car il effectue un large cercle autour de nous avant de s'éloigner de nouveau.
L'homme est agité de tressaillements. Il répond enfin d'une voix brisée :
-Je pensais ne jamais revenir ici... Je n'ai pas réussi à l'amener là-haut...
Je n'en demande pas plus. Je devine l'effort qu'il a déjà dû faire pour me confier cela. Je descends de ma marche et pose la main sur son bras. Lorsque je retire mes doigts, je remarque avec stupéfaction qu'ils sont couverts d'eau. D'eau glacée.
Je dévisage l'inconnu. Ce n'est pourtant pas la question que je voudrai poser qui sort de mes lèvres :
-Comment s'appelle cet endroit ?
-La tour Courage.
Le bracelet met-il un peu plus longtemps à traduire ? Je perçois pendant quelques secondes les sons aux sonorités presque musicales qu'il vient de dire.
Je murmure alors :
-Et quel est votre nom, à vous ?
-Ergey. Et vous ?
-Thaïs.
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