Thaïs (Chapitre 27)

Je me réveille en sursaut. La détonation... Que s'est-il passé ? Une angoisse sourde se répand dans mon cœur et j'essaie d'ouvrir les yeux. Je suis allongée...

Ma main se rétracte et je sens sous mes doigts une curieuse matière dure et lisse. Du plastique ? Serais-je revenue au fort ?

J'ai le cœur battant à tout rompre. Chacun de mes membres commence lentement à revenir à la vie et il me semble entendre des bruits indistincts à ma gauche.

Je fais un bref mouvement sans toutefois parvenir à voir autour de moi -j'ai les yeux ouverts pourtant mais j'ai l'impression d'être encore dans un état à demi comateux- avant de tenter de me redresser. Je glisse alors sur le côté et, avant que j'ai pu comprendre ce qui m'arrive, je chute de l'endroit où j'étais pour tomber sur un sol dur et froid.

Un cri résonne quelque part dans la pièce et, moins d'une minute plus tard, je sens deux bras s'emparer de moi et me soulever comme une plume avec douceur pour me reposer sur la couchette. Une main écarte une mèche de cheveux de mon front humide.

-Thaïs...

Il me semble que j'arrive maintenant à distinguer les formes. Je tends une main vers le visage penché vers moi et lui caresse la joue.

-Aevin ?

-Évidemment ! Qui d'autre prendrait autant soin de toi ? Avoues que je suis un adorable mari...

Derrière sa plaisanterie qui m'arrache un sourire, je sens son soulagement et sa joie. Il serre d'ailleurs à me les broyer les doigts de ma main.

Je distingue maintenant un peu mieux le lieu. Des murs blancs, métalliques... Je me force à de nouveau prendre la parole pour poser la question qui me hante :

-Aevin... On... On est au fort ?

-Thaïs, on m'a dit de t'éviter le moindre choc...

Je me redresse d'un bond -je ne sais ou j'en trouve la force- et manque de tomber de nouveau. Je tousse et un goût de bile emplit ma bouche tandis que je parviens à dire avec une parfaite mauvaise foi :

-Je... Je ne suis pas fragile.

-Non, du tout... Une tasse de chocolat et un fauteuil Thaïs ?

Je réussis à lui donner un coup de coude qui n'aurait même pas fait de mal à une souris pour lui faire rentrer son humour hautement discutable.

-Ça... ça fait longtemps que je me suis résignée. On... On est sur Sagan, alors... Qu'est-ce-qui pourrait me...?

La peur se peint alors sur mes traits. Une horrible hypothèse s'empare de moi et je lâche quelques mots dans un murmure en agrippant soudain à mon tour les doigts d'Aevin.

-Les enfants ? C'est... C'est ça ?

Il s'empresse aussitôt de me rassurer en posant sa main sur mon front brûlant.

-Non Thaïs, ne t'inquiète pas pour eux, ils sont en sécurité et ne tarderont pas à venir te voir...

-Quand ?

-Quand je les aurai avertis que tu es réveillée...

-Mais Sandra, le serpent...

-Je l'ai tué Thaïs. Ne t'inquiète pas, je te dis ! Qu'est-ce-qu'il faut que j'invente pour te rassurer ?

Je devine sa réelle inquiétude derrière son ton plaisant et réussis de nouveau à répondre.

-La... La vérité. On est où ? Et depuis combien de temps suis-je dans cet état ?

Il y a un petit silence. J'entends enfin Aevin dire avec hésitation puis avec un petit sourire dans la voix :

-Eh bien... Tu es comme ça depuis plusieurs jours. Et... Ce n'est pas toi qui rêvait de rencontrer les indigènes ?

Oh là là, je n'aime pas beaucoup ça. Je me contente de hocher la tête avec méfiance. Aevin continue avec toujours son petit sourire :

-Eh bien, tu vas être servie. On est chez eux.

Je me raidis sur ma couche et tente de trouver des mots sans y parvenir. Mes pensées se bousculent dans ma tête.

-Thaïs, avant que tu ne dises quoi que ce soit, je veux te prévenir. C'est à eux que je leur dois ta vie... Nous avons une dette envers eux. Sinon, ils sont très gentils et on arrive à se comprendre. Mais désolé, ils ne sont pas parfaits, ils ne produisent pas de chocolat...

J'esquisse un sourire malgré moi et mes lèvres gercées s'étirent douloureusement.

-Aevin... Soit... Soit un peu sérieux pour une fois...

Je n'entends qu'un léger chuchotement avant que ma tête ne rebascule sur le côté.

-Pas question Thaïs, tu serais capable de ne pas me reconnaître...!

Un sourire fleurit de nouveau sur mes joues pour toute réponse et je retombe dans mon lourd sommeil. Leçon de la semaine : ne plus jamais m'approcher d'une panthère ou de n'importe quel autre animal de Sagan. Mais les indigènes ? Ou suis-je ?

***

Je rouvre les yeux. Je me sens... parfaitement guérie. Combien de temps s'est écoulé ?

Je détaille la pièce. Les murs sont blancs, certains vitrifiées et je suis allongée sur une couchette noire ressemblant à s'y méprendre aux pierres qui ont servies à construire le fort. Sans doute la même matière.

Un jeune homme est immobile en face de moi. Sa peau est légèrement foncée, comme quelqu'un de bien bronzé, mais ce n'est pas ce qui retient mon attention.

Ils brillent dans le noir... Bien sûr ! Un curieux fluide doré semble circuler sous la peau de cette homme, comme un gigantesque tatouage composé d'arabesques dorées en perpétuels mouvements.

Je retiens un cri et me redresse, remarquant au passage que je suis vêtue d'une combinaison noire et que mes cheveux sont coiffés et libres dans mon dos.

-Vous... Vous...

Que puis-je dire ? Nous ne devons évidemment pas parler la même langue ! Ce n'est pas un pays qui nous sépare mais une planète !

Il esquisse pourtant un fin sourire -il doit avoir dans les vingts ans- et l'instant d'après une image envahit mon esprit.

Des télépathes. Ce sont des télépathes. Je réprime de nouveau une envie irrésistible de fuir et tente d'analyser le message que je perçois. Je me vois dans la forêt, mourante, entre les bras d'un Aevin suppliant. L'image suivante, je suis allongée sous ce qui ressemble à un rayonnement bleuté et je me vois reprendre petit à petit des couleurs.

La dernières image est une tour très fine, métallique et noire, qui s'élance dans le ciel comme une flèche vers l'horizon. Où se trouve ce lieu étrange ? Ou suis-je exactement ?

Je me force à sourire pour remercier l'inconnu mais sens la gêne me gagner. N'étant pas télépathe, je ne vois aucun moyen de lui répondre...

La porte de la petite salle s'ouvre alors juste à ce moment là et je n'ai même pas le temps de voir qui arrive que Georges me saute dans les bras.

-Maman ! Tu es guérie pour toujours ?

Je l'embrasse sur la joue et éclate cette fois-ci franchement d'un rire joyeux.

-Je l'espère en tout cas...

Puis je me tourne vers Aevin qui se tient à un mètre devant moi avec Sandra dans les bras qui m'adresse un joyeux petit "bonjour".

L'indigène s'est levé et s'éclipse déjà de la pièce. Je me lève en entraînant Georges avec moi, le sol tangue un peu parce que je n'ai pas marché depuis plusieurs jours, mais je peux ensuite rejoindre Aevin avec un grand sourire.

Je le prends dans mes bras en serrant en même temps contre moi Sandra avant de tout à coup reculer et de demander :

-Aevin, on est ou ? Dans une maison, une ville ?

Il hoche la tête.

-Exactement dans ce que tu viens de dire.

Je garde quelques secondes le silence puis demande :

-S'ils construisent des villes, c'est curieux que l'on en ait vu aucune... Pour quelle raison ?

Aevin grimace un sourire franchement amusé tout en se penchant vers le sol pour déposer Sandra.

-Je ne suis pas certain que la réponse te plaise Thaïs...

Je lève aussitôt les mains en l'air d'un air innocent.

-Promis, je ne fais pas d'attaque cardiaque...

Il éclate d'un rire joyeux avant de lancer avec son habituelle pointe d'humour :

-On est sous terre. Leurs villes sont souterraines.

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