Thaïs (Chapitre 16)

Les mains en sang -la corde métallique m'a écorchée les doigts à de nombreuses reprises- je touche enfin le sol avec un soulagement mêlée d'une nouvelle anxiété. Aevin et Georges nous attendent et je n'ai que peu de temps à accorder au paysage car mon mari m'aide déjà à détacher de mon dos Sandra.

La végétation est étouffante, elle ressemble à celle d'Astra, des forêts tropicales, mais ici il ne semble pas y avoir le moindre sentier et je doute qu'il y est une route quelconque.

Notre seule véritable chance de nous en sortir est de retrouver les indigènes en espérant qu'ils nous acceptent parmi eux... un pari risqué.

Mais je me détache alors du mur en me secouant pour me débarrasser de mes pensées et avance de deux pas en avant en écartant les feuilles de plantes géantes plus grandes que moi. Des cris retentissent en haut des remparts... de toute évidence, ils viennent de s'apercevoir de notre fuite.

J'ai du mal à distinguer ce qui nous entoure car il fait maintenant entièrement nuit mais je me tourne vers Aevin pour dire calmement :

-Il faut qu'on avance absolument...

Aevin hoche la tête et je prends la main de Sandra dans la mienne car je vois la petite trembler. Elle murmure :

-Maman, on va rentrer dormir ?

-Désolée chérie, je crois qu'on ne va pas dormir tout de suite. On va faire une longue ballade sous les étoiles... C'est joli non ?

Heureusement, Georges s'approche à ce moment précis et entraîne sa petite sœur avec lui entre les feuilles. Sans nous concerter, Aevin et moi prenons rapidement leur suite. Nous nous faufilons entre une végétation désorganisée et dense et la chaleur manque de me faire m'évanouir à plusieurs reprises.

Nous nous éloignons du mur sans suivre de voie précise -ce qui est le plus prudent car toute éventuelle poursuite serra alors plus difficile- et je passe une main dans mon cou et sur mon front pour tenter d'évacuer la sueur qui me colle à la peau. Peine perdue.

Aevin trébuche alors et je le rattrape de justesse. Depuis combien de temps marchons nous ainsi à la suite de nos deux enfants qui ne semblent maintenant plus se lasser de ce nouveau terrain de jeu ?

-Georges, Sandra !...

Ils s'arrêtent aussitôt et reviennent sur leurs pas. L'excitation brille dans leur yeux mais la fatigue se lit aussi dans chacun de leurs traits. Je me tourne vers Aevin en tâchant de ne pas montrer ma peur de l'environnement hostile qui nous entoure.

-A ton avis, on peut faire une pause ?

-Je crois oui. Je doute qu'ils aient commencé des recherches et de toute façon si c'était le cas nous devrions les avoir semés. En plus, vu notre état, nous ne pourrons pas aller beaucoup plus loin. Les enfants n'ont pas travaillé toute la journée, eux...

Plus soulagée que je ne voudrai l'avouer, j'acquiesce en silence tout en serrant Georges contre moi. Mais je redresse la tête pour demander :

-Où va-t-on bien pouvoir se reposer ?

Aevin regarde autour de lui et moi aussi. Il faut nuit, nous ne voyons pas à deux mètres devant nous et une multitude de plantes inconnues nous entourent. Je finis par répondre moi-même à ma question.

-Je crois qu'on va devoir rester là et se faire une place sur le sol.

Aevin hoche la tête en signe d'assentiment et nous nous gardons bien l'un et l'autre d'exprimer nos craintes à haute voix. De toute façon, nous ne pouvons plus rien y faire.

***

Je n'arrive pas à dormir. Je suis assise sur le sol chaud et humide, adossée à une drôle de plantes aux feuilles un peu visqueuses et je serre mes genoux contre moi, les yeux grands ouverts.

Aevin s'est endormi sur le sol, vaincu par la fatigue alors qu'il voulait monter la garde, allongé à côté de moi, et sa main est encore à quelques centimètres de la mienne. De leur côté, Sandra comme Georges dorment avec un petit sourire réjoui aux lèvres. À croire que les craintes de ma fille se sont totalement évaporées.

Je suis sur le qui-vive et j'écoute le moindre bruit de la forêt avec une anxiété croissante. Les arbres et la végétation sont bien loin d'être rassurants.

Je me retourne brusquement, le souffle court, mais reste assise. N'ai-je pas entendu un bruit derrière moi ? Mais comment savoir s'il y a un quelconque animal ou même un être humain ? La végétation trop dense ne me permet même pas de voir à quelques mètres devant moi.

-Grrrr...

Je me lève cette fois-ci d'un bond. Je n'ai pas rêvé et le son me paraît tout proche. J'ai l'impression que l'animal -je crois que c'est cela- tourne autour de nous entre les végétaux. Un nouveau grondement sourd parvient à mes oreilles mais il me semble un peu éloigné sur ma gauche.

Je ne réfléchis alors pas et m'avance très lentement dans cette direction. J'écarte une espèce de ronce de mon passage qui m'écorche la joue et avance encore, zigzaguant entre des plantes étranges aux senteurs étourdissantes.

Et soudain, il me semble distinguer la bête. C'est un fauve. Ses yeux brillent dans le noir et la Lune se reflète sur ses crocs que ses mâchoires retroussées laissent deviner. Je veux reculer, maudissant mon imprudence, mais mon geste semble attirer l'animal car il s'avance soudain en avant.

J'hésite à crier de peur de tout accélérer. Je me contente de toiser le fauve en essayant de ne pas laisser la panique me submerger.

-Doux... Tout doux...

Il ne réagit pas et commence à tourner lentement en cercle autour de moi. Je le distingue alors plus lentement. On dirait une grosse panthère mais au lieu d'être tachée elle est entièrement rayée de noir à la façon d'un tigre. De plus, il me semble apercevoir une corne sur son front et sa queue semble hérissée de piquants. Mais quelque chose dans la manière d'être du fauve me rappelle de vieux souvenirs presque nostalgiques...

-Bir-Hakeim...

J'ai avancé la main sans même en avoir conscience et l'animal a bondi en avant vers mon bras.

-Aaaaaah !...

J'ai l'impression que de l'acide se répand dans mes veines lorsque les crocs du fauve se referment sur ma chair. Comment ai-je pu m'éloigner ? J'aurai dû rester près d'Aevin et des enfants... La douleur m'aveugle et m'arrache des larmes tandis que je tente de me débarrasser de l'animal. Il a lâché mon bras et s'éloigne de quelques pas. Mais la douleur reste si intolérable que je me sens absolument incapable de faire le moindre mouvement.

Du poison ? Le noir s'empare de mon esprit tandis que je m'effondre sur le sol, gardant comme dernière image en tête les yeux brillants comme deux diamants dans la nuit du fauve, avant de définitivement m'évanouir.

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