Thaïs (Chapitre 141)
Segora se penche alors légèrement en arrière et crie d'une voix dure :
-Ily, sors de ta cachette !
Je tourne instinctivement la tête sur ma gauche et aperçois alors une silhouette que je n'avais pas vue précédemment. Un hologramme qui se détache du mur...
Le père d'Ergey est le premier à se ressaisir et à se tourner de nouveau vers Segora tandis qu'Aevin me tire légèrement le bras pour que je ne perde pas de vue Georges qui tente de nous cacher sa peur sans y parvenir. Le chef de la cité demande froidement :
-Segora... Nos lois interdisent...
La jeune femme éclate alors d'un grand rire méprisant avant de lâcher :
-De quoi ? De prendre possession d'un corps ? Allons, pour quelques minutes...
Je tressaille alors et porte instinctivement la main à mon poignet. Un vieux réflexe jamais passé... Les bracelets de contrôle, les sphères Acia, et maintenant des hologrammes qui peuvent vous posséder ! Quand donc cesserais-je de découvrir de nouveaux dangers ?
L'hologramme est celui d'une fille de seize à dix-sept ans. Jolie, les cheveux tressés et les oreilles presque pointues. Mais son air d'ange doit cacher une nature monstrueuse pour qu'elle ait pu détruire Steï...
Je murmure sans être certaine que quelqu'un m'entende :
-Les hologrammes peuvent nous contrôler ?
Le conseiller me lance un regard neutre. Il n'ose pourtant toujours pas s'avancer vers Segora et la situation paraît insoluble...
-Seulement quelques minutes. Mais Ily n'est pas dangereuse.
Ergey grince des dents en fixant l'hologramme. Il lâche avec mépris :
-Non, seulement trop obéissante.
Je me force alors à regarder droit dans les yeux la fille de Segora. Celle-ci me rend mon regard mais détourne très vite la tête vers sa mère en se mordillant la lèvre. Elle murmure seulement :
-Je ne voulais pas... mais maman...
C'est alors que tout dégénère. Le conseiller profite alors de la seconde d'inattention de Segora pour bondir en avant et je m'arrache à l'étreinte d'Aevin pour faire de même. Georges est tombé à terre et je suis déjà juste à côté de lui tandis que mon mari me tire vivement en arrière. Juste à temps visiblement car le poignard vient de s'enfoncer dans le mur derrière moi à un cheveu de ma tête.
Je ne sais où je puise tous mes réflexes mais je suis debout en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Aevin aussi, ainsi que Georges dont je ne peux lâcher les doigts... les chaînes l'attache toujours au mur.
Mais mes yeux sont fixés sur Segora et le conseiller. Celui-ci vient de réussir à la désarmer -visiblement elle n'avait pas qu'un poignard-, et elle est maintenant debout, dos au mur, devant lui. Elle siffle avec colère :
-Tu n'oserais pas !
Ergey me lance un coup d'œil, paraît soulagée de l'état de Georges, moi aussi d'ailleurs mais je ne me sens plus capable d'éprouver la moindre émotion, mais l'hologramme s'interpose soudainement entre le conseiller et Segora.
-Non ! S'il vous plaît ! Ne lui faites rien...
Segora perd alors tout à coup un peu de sa suffisance. Mais elle semble se reprendre et murmure en dévisageant sans faiblir son adversaire :
-Si tu l'avais protégée nous n'en serions pas là...
Le conseiller n'écoute pas. Il s'est reculé et fais signe à Ergey de s'avancer à sa place. Le jeune homme obéit sans un mot, sourcils froncés, tandis que son père ordonne :
-Par décret du haut conseil pour traîtrise... L'exécution immédiate de Segora est décidée.
L'hologramme semble alors... clignoter. Sans doute une autre façon de montrer son émotion. Et Ily s'écrie :
-Non ! Elle vous a servi fidèlement pendant...
Segora coupe avec brusquerie l'hologramme mais sans sécheresse :
-Tais-toi Ily. Je regrette cette époque...
Je ne comprends plus rien et lève la tête vers Aevin avant de chuchoter tout en serrant contre moi mon fils toujours tremblant :
-Tu sais quelque chose ?
-Non...
-Ça veut dire que c'est vraiment un secret parce que pour que tu ne sois pas au courant...
Cela ne nous arrache qu'un sourire crispé à tous deux mais Ergey doit l'avoir entendu parce qu'il me jette un léger coup d'œil tandis qu'Ily explique :
-Ma mère était parmi vos plus fidèles soutiens. C'est pour ça qu'on m'a assassinée !
Je commence à comprendre... Ergey paraît tout à coup hésiter et échange un coup d'œil avec son père. Le conseiller recule alors d'un pas, observe Segora pendant de longues secondes, avant d'enfin dire :
-Tu m'en veux toujours n'est-ce pas ?
Elle regarde l'hologramme avant de répondre dans un souffle :
-Je voulais que tu comprennes ce que cela faisait.
Il détourne les yeux -lui, le puissant chef qui terrasse un garde sans sourciller ?- avant de dire d'une voix soudain tout autre, ferme et décidée mais sans être furieuse :
-Segora... Ces luttes fratricides ne peuvent plus durer. Nous ne nous entendrons jamais. Tandis qu'...
Elle complète pour lui :
-... Un chef étranger... Je ne peux l'accepter.
Mais l'hologramme semble tout à coup prendre son courage à deux mains et elle murmure :
-Maman, si vous l'acceptez... Nous pourrons rester ensembles.
Personne ne parle plus. Sont-ce des minutes, des heures qui passent ainsi ? Le temps me semble suspendu et je ne parviens plus à savoir si j'ai devant moi la farouche et redoutable Segora ou simplement une femme comme les autres qui hésite.
Elle répond enfin en fixant avec défi le conseiller :
-Très bien. Mais je veux que ton chef étranger me plaise. Que ce soit quelqu'un d'important chez eux déjà... s'il arrive à ne pas me mettre en colère durant notre première entrevue, alors je te promets, vieux fou, que je le soutiendrais. Et tu sais ce que ça signifie... la cohésion au sein de la cité.
Aussi étonnant que cela paraisse, c'est Aevin qui réagit cette fois-ci sans y être invité :
-Un chef étranger... de chez nous ?
Le conseiller se tourne vers nous et réplique avec un sourire qui me paraît personnellement inquiétant :
-Exactement. Il sera le seul à pouvoir ramener la paix ici.
Puisque personne ne nous prie de passer un entretien avec Segora, j'en déduis que nous ne sommes pas concernés. C'est assez étonnant d'ailleurs, vu ma capacité à m'attirer des ennuis...
L'hologramme demande alors :
-Effectivement nous sommes incapables de nous diriger nous-mêmes... Vous connaissez quelqu'un ?
Je ne sais que répondre mais Georges hoche la tête avant que j'ai pu l'en empêcher.
-Bien sûr ! Gaëtan !...
Aevin paraît aussi désolé que moi mais il est trop tard... Le conseiller se tourne vers Ergey et ordonne sans regarder la femme qui a fait assassiner Steï :
-Va le chercher... Quand à toi Segora, tu resteras sous haute surveillance, enfermée dans tes appartements. Et Ily ne doit plus te voir jusqu'au retour d'Ergey... et de ce mystérieux Gaëtan.
Georges relève alors la tête et murmure dans ma direction d'une voix neutre :
-J'ai encore parlé trop vite pas vrai ?
Mieux vaut parfois ne pas répondre.
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