Thaïs (Chapitre 18)
Ma tête me fait atrocement souffrir et je suis agitée de convulsion. Chacun de mes membres me semble plus froid que la glace et il me faut du temps pour parvenir à entrouvrir mes paupières. Il me semble qu'il fait jour et que je suis allongée sur le sol.
Aevin se tient juste devant moi avec Georges et Sandra mais je n'arrive pas à ouvrir les lèvres pour leur parler. Le poison... dans un éclair de lucidité, je comprends qu'Aevin a dû me tirer des griffes des fauves.
Mais que peut-il contre le venin déjà répandu dans mes veines ? Le soleil qui perce entre les feuilles me semble soudain brûlant -à l'opposé du sentiment de froideur précédent- et un gémissement m'échappe alors. Aevin se retourne d'un bond et s'approche de moi :
-Thaïs ! Thaïs, ça va ?
Si seulement je pouvais hocher la tête... Mais il semble se rendre compte parfaitement de mon état car il poursuit très vite :
-Thaïs, on va rentrer au fort, ok ? Ça m'est égal ce qu'on nous fera là-bas...
Même à travers la fièvre je suis assez lucide pour deviner que ce ne serra pas aussi facile que cela. Comment retrouver le fort alors que nous avons pris le maximum de précautions pour perdre d'éventuels poursuivants ? Le problème, c'est que nous devons maintenant être perdus nous aussi...
J'ignore s'il s'agit de la concentration mais je lutte de toutes mes forces pour ne pas de nouveau m'évanouir. Quelqu'un -je ne vois plus que des ombres mais il doit s'agir d'Aevin- me soulève la tête doucement pour m'obliger à avaler quelques gouttes d'eau que je ne fais que recracher.
J'ai l'impression qu'il s'agit d'un acide destiné simplement à m'achever. Ce sont des pleurs que j'entends ? Je ne réalise plus ce qui m'entoure.
-Papa, Maman elle va rouvrir les yeux ?
Sandra. Elle est tellement adorable ma petite fille... Ma tête retombe lourdement sur le côté et j'abandonne la lutte, laissant mes paupières se refermer.
***
Je dois toujours être en vie puisque chaque parcelle de mon corps me fait souffrir. Je suis couverte de sueur.
Aevin -sans doute- me porte dans ses bras et je devine en réussissant à percer l'obscurité de la nuit naissante la présence de nos deux enfants. Je me sens un peu mieux.
-Aevin...
Il ne s'arrête pas de marcher. Je lève avec effort mes bras pour les passer autour de son cou pour tenter de me rendre un peu plus légère. Il murmure doucement, la voix brisée :
-Thaïs... On ne retrouvera pas le fort.
J'hoche la tête, consciente que malgré tout j'espérais encore. Je réponds dans un murmure presque inaudible :
-Je m'en sortirai peut-être quand même... Ça va mieux. J'ai moins mal.
Mais cela ne semble pas rassurer Aevin. Il resserre ses bras autour de moi et pousse un léger grognement avant de se mettre à avancer un peu plus vite.
Je prends alors conscience du fait qu'il a peut-être raison de s'inquiéter. Je souffre moins... Mais je ne sens plus certains de mes membres. Je ne peux plus plier le bout des doigts.
Aevin titube maintenant à chaque pas. Depuis quand avance-t-il ainsi, résolu à tout tenter ? J'entends comme à travers un rêve Sandra dire :
-Papa... J'ai faim...
Aevin s'arrête. Je l'entends dire d'une voix atone :
-Très bien. On va faire une petite pause.
Il me dépose avec délicatesse sur le sol. Je ferme les paupières et laisse échapper un petit soupir. La douleur reflue pour laisser place à cette curieuse sensation de ne plus sentir mes muscles. Je me sens glisser dans un autre monde.
Non. Je ne peux pas partir comme ça. Je me force à rouvrir les yeux. Aevin tient serré contre lui Georges et Sandra s'amuse quelques pas plus loin.
Je plisse les yeux pour tenter de percer de nouveau le brouillard qui m'entoure et mieux la distinguer. Avec quoi joue-t-elle ? Un bâton ?
Je lutte de toutes mes forces pour garder les yeux ouverts. Un bâton. Ça ne bouge pas normalement. Un serpent.
Une panique glacée s'empare de moi mais je ne peux m'empêcher de me sentir en même temps curieusement détachée. Comme si tout cela ne me concernais pas.
Quelque chose me pousse pourtant à tenter d'ouvrir la bouche. Mais je ne parviens pas à prononcer le moindre mot, ni même à murmurer le moindre son cette fois-ci.
De mes yeux troubles, je vois pourtant l'espèce de corde noire remonter lentement le bras de Sandra, totalement inconsciente du danger et qui éclate joyeusement d'un rire mêlé d'un peu de fatigue.
Alerter Aevin. Je me raccroche à cette unique pensée et réussis enfin à laisser un son s'échapper de mes lèvres trop serrées :
-... Vin.
Il se retourne aussitôt vers moi. En deux pas il est penché, sa tête à quelques centimètres de la mienne, et sa main s'empare de mes doigts qui doivent être ou brûlants ou glacés -je n'en ai plus la moindre idée-.
Mais comment réussir à détourner son attention vers Sandra ? Ma main glisse entre ses doigts tant elle doit être couverte de sueur mais il se contente de la serrer plus fortement.
-Thaïs...
Quelque chose en moi désire alors à ce moment précis tout lâcher, lui adresser un dernier sourire et me laisser définitivement glisser dans l'inconscience. Mais il y a cette alarme qui résonne dans ma tête sans s'arrêter : Sandra.
Même si Aevin ne me permet plus de voir ma fille, j'imagine sans peine le serpent se glissant déjà près de son cou... J'ignore ce qui se passe alors mais je parviens à pousser un cri terrible :
-Sandra !...
Aevin se retourne aussitôt et lâche brusquement ma main qui retombe sur le sol humide. Mon mari ne se précipite pourtant par vers notre fille et je devine à travers mes cauchemars la raison de son indécision : ne risque-t-il pas de tout précipiter ? Je me revois dans la même situation avec la panthère. Quand je pense que j'avais dans mon sac une arme à feu !
Si je pouvais de nouveau crier, je supplierai Aevin d'intervenir maintenant. Mais je bascule de nouveau dans le noir.
Il me semble entendre le bruit d'une détonation. Puis plus rien.
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