Quelques jours plus tard.

Je suis allongée dans mon hamac et je me balance d'un mouvement tranquille. Aevin dort juste en dessous de moi dans un assemblage du même genre mais je ne parviens pas à laisser mes yeux se fermer. Je repense à notre conversation d'aujourd'hui.

Nous avons pris la décision de rester sur Sagan... Une nouvelle fois, je ne peux m'empêcher de me dire que je cherche encore les ennuis...

Mais ai-je envie de rentrer à Astra ? La réponse s'impose d'elle même : non. J'en ai assez de tous ces changements et bouleversements. Je veux juste... ma petite vie bien tranquille...

Je pousse un léger soupir. Non, de toute évidence, je ne me rendormirai pas.

Alors, doucement pour ne pas réveiller l'un des êtres que j'aime le plus au monde, je me redresse, passe une jambe puis l'autre en dehors du hamac et saute quelques secondes plus tard sur le sol.

J'atterris dans un silence presque parfait et me redresse ensuite d'un mouvement vif pour me diriger vers la pièce juste à côté en bénissant au passage les murs chauffants qui nous permettent de ne pas nous transformer en glaçons...

La seconde chambre est éclairée par deux lampes-veilleuses et je remarque immédiatement que Georges ne dort pas non plus. Il est assis sur le sol, et son visage s'éclaire à ma vue. Je pose un doigt sur mes lèvres, lui désignant sa petite sœur profondément endormie, puis lui propose d'un geste de me suivre.

Il se lève aussitôt, et, à deux, nous gagnons une autre pièce rectangulaire qui fait office de salon. Une fois le battant refermé derrière nous, je m'autorise enfin à parler et, tout en ébouriffant de la main les cheveux de Georges, je lui demande :

-Pourquoi ne dormais-tu pas ?

Mon adorable petit garçon baisse la tête. Il hésite quelques secondes, puis, d'une voix basse, murmure :

-J'ai peur de refaire des cauchemars maman. De revoir la femme, de sentir le couteau...

Il tremble maintenant et je l'attire doucement contre moi. Au bout d'un long moment, il se calme enfin et je l'écarte alors de moi avant de le regarder droit dans les yeux. Je lui murmure :

-Je ne laisserai plus jamais quelqu'un te faire du mal... Ça te rassure ?

Il hoche la tête et un léger sourire éclaire ses traits. Sans un mot de plus, il se dirige de nouveau vers la porte, l'ouvre, se retourne vers moi et chuchote :

-Bonne nuit maman !

Avant de disparaître dans l'autre pièce. Je me laisse personnellement tomber dans ce qui ressemble à un siège et pose ma tête entre mes bras repliés. Je ne suis pas encore certaine d'être capable de m'endormir...

De toute façon, je n'ai pas le loisir de me poser plus la question car une lueur envahit soudain la pièce et je redresse vivement la tête.

-Steï ! Ça ne va pas non d'arriver comme ça sans prévenir ?

Mais je ne suis pas réellement fâchée... À vrai dire, s'il n'était pas un fantôme -pardon, un hologramme-, je crois que je lui ébourifferai les cheveux exactement comme Georges quelques minutes plus tôt.

Steï doit sentir mon humeur car il se contente de me répondre par un petit sourire. Il murmure en même temps :

-J'ai juste pensé que la nouvelle t'intéresserais...

Ma curiosité est maintenant tout à fait éveillée et je redresse la tête pour demander :

-Quelle nouvelle ?

Steï paraît s'amuser de mon soudain intérêt et je dois lui adresser un regard noir pour qu'il poursuive.

-Eh bien, Ergey est revenu... Avec ton ami.

-Gaëtan !

J'hésite à réveiller tout de suite Aevin. Je sais qu'il aurait vraiment envie de revoir son frère mais... Je suis déjà debout et me retourne vers l'hologramme pour demander :

-On peut aller les voir ? Maintenant ?

-Eric y est déjà... Donc oui, affirmatif.

Je fronce les sourcils avant d'éclater d'un rire silencieux. Steï demande d'un ton dépourvu de toute modestie :

-Je savais que j'avais beaucoup d'humour -c'est ce que dis tout le temps Aevin, non ?- mais il faut admettre que tu es plutôt bon public...

Je secoue la tête avant de retrouver ma respiration et de répondre :

-Abandonne tout de suite ton idée d'avoir un super humour ! Non, je me suis simplement dit que c'était bien la première fois que je n'avais pas besoin de braver un interdit pour faire ce que je voulais...

Steï me lance un regard faussement vexé et rétorque en matière de vengeance :

-Ça ne m'étonne même pas avec ta petite tête de rebelle !

Je suis déjà hors de la pièce, haussant les épaules avec un nouveau sourire. Dans la chambre aux hamacs, je me précipite vers Aevin et le secoue sans ménagement.

Il ouvre brusquement les yeux et s'exclame en me voyant :

-Thaïs, je sais que tu ne peux pas te passer de moi mais là quand même tu ne trouves pas que tu exagères un peu ?

Ça y est, revoilà son inséparable sourire en coin... Je lui décoche ma plus belle grimace avant de rétorquer :

-Ergey est revenu... Avec ton frère !

Aevin me lance un regard amusé, tire à lui la fine couverture que je lui avais enlevée, et fais mine de se retourner en rétorquant :

-Excuse-moi Thaïs mais j'ai passé au moins vingt ans vingt-quatre heures sur vingt-quatre en sa compagnie... Je crois que je peux cette fois-ci terminer ma nuit...

J'esquisse un sourire dans l'ombre et hausse les épaules en ajoutant :

-Pas de problème ! Je me passe de toi alors...

Je tourne déjà les talons lorsqu'Aevin se redresse en baillant à s'en décrocher la mâchoire. Avant que je puisse me retourner, triomphante, il explique d'un ton docte :

-Excuse-moi mais je crois qu'il vaut mieux que je vienne avec toi. Sinon je vais apprendre dans quelques heures que tu t'es débrouillée pour t'attirer encore plein d'ennuis...

Je lève les yeux au ciel tout en ne pouvant m'empêcher de rire.

-C'est ça oui... En attendant, dépêche-toi.

J'élève ensuite légèrement la voix et appelle :

-Steï ?

L'hologramme se matérialise aussitôt devant moi, faisant office d'éclairage à lui tout seul dans la pièce sombre et j'entends d'ici les grognements d'Aevin encore mal réveillé.

-Steï, comme d'habitude ? Tu surveilles les enfants pendant notre absence ?

Il hoche la tête avec un grand sourire et rétorque :

-Je t'ai dit que je le faisais automatiquement quand tu n'étais pas là... Ne t'inquiète pas ! Et Ily m'aide de temps en temps...

Aevin maugrée derrière moi :

-Oui... la fille de celle qui a enlevé notre fils... merveilleuses fréquentations...

Curieusement, je fais plutôt confiance à ce deuxième fantôme. Malgré heu... l'assassinat de Steï. Ils ont dû avoir une explication dont je n'ai pas eu connaissance car il ne paraît pas lui en vouloir. Ou alors, il le cache très bien... Aussi, je me contente de répondre :

-On en a déjà discuté... Et de toute façon elle ne pourrait pas leur faire grand-chose.

N'est-ce pas déjà prendre un risque ? Je repense à ma promesse faite à Georges puis me ressaisit. Il y a également les gardes du père d'Ergey devant les portes de l'appartement, et toutes les mesures de sécurité sont prises. Ils ne risquent réellement rien...

Aevin est enfin debout et nous nous dirigeons vers la porte sans plus tergiverser. Au fond, je suis curieuse d'apprendre la réponse de Gaëtan...

***

Qu'il fait froid... Nous sommes dans la salle de jugement -utilisée aujourd'hui simplement pour les retrouvailles à priori-, et Aevin se précipite avec enthousiasme vers son frère pour lui mettre une bonne bourrade dans le dos.

Je me tourne plus calmement vers Ergey, mais avec un grand sourire, et murmure :

-Merci de l'avoir ramené... en un seul morceau...

-Il est moins bavard que toi, le trajet a été moins pénible...

Ergey m'adresse ensuite un clin d'œil amusé avant de rejoindre son père et je songe qu'un jour il faudra absolument que j'essaie de changer de réputation. Mais le haut conseiller quitte alors son fils des yeux pour se tourner vers Gaëtan et Aevin riant ensembles.

Il interpelle le frère de mon mari de sa voix grave et demande :

-Gaëtan ? Avez-vous pris votre décision ?

Je retiens malgré moi mon souffle en attendant sa réponse. Elle résonne finalement dans le silence avec la gravité d'un véritable engagement :

-J'accepte la charge que vous me proposez.

[Je pense qu'il s'agit du dernier chapitre Thaïs du tome 3, sauf changement d'idée de ma part.;)]