Saldya (Chapitre 69)

Esteban a choisit de m'accompagner moi et j'en suis heureuse. Dans l'aéronef à trois places, je me sers contre lui et il passe son bras autour de mes épaules en murmurant :

-Ça va aller Saldya... Tu verras, ça va aller...

L'aéronef vole toujours dans le ciel et je regrette pendant un instant que l'on soit en automne et qu'il commence à faire froid. J'aurai aimé sentir le vent sur ma figure et ne plus penser à cette boule qui me serre la gorge. Je demande d'une petite voix :

-Esteban, pourquoi Ysa elle n'est pas venue me voir l'autre jour ? Elle l'avait promis ?

Il me serre un peu plus fort contre lui et il hausse les épaules.

-Je ne sais pas... Tu sais les filles c'est parfois un peu dur à comprendre...

-Eh ! Tu n'as pas le droit de dire ça !

Je me mets à rire tandis qu'il fait une grimace mais c'est rapidement mon tour de l'embêter car je demande avec un petit sourire :

-Tu l'aimes bien, pas vrai ?

-Quoi ?

-Quand tu parles d'elle, tes yeux brillent...

Il ne répond rien et de toute façon ce n'est pas grave car l'aéronef commence à descendre et je regarde par la fenêtre la plateforme d'une grande tour qui se rapproche.

Nous nous posons et je frissonne légèrement. Je n'ai pas envie de descendre de l'appareil tout à coup. Esteban ouvre sa portière et saute à terre avant de se tourner vers moi. Je me recroqueville dans mon siège et il me fait signe de le suivre avec un petit sourire encourageant.

-Saldya... Viens, dépêche-toi.

En me décidant à le suivre j'ai l'impression de quitter la dernière chose que je connais. Je me tourne vers le chauffeur de l'aéronef, un garde de Maman et murmure :

-Merci du voyage !

Il me lance alors un drôle de regard et pâlit tout à coup. Il répond d'une voix étrange :

-Non, ce n'est pas juste... mademoiselle !

Mais Esteban m'appelle de nouveau en prenant une voix pressante :

-Saldya ! On ne doit pas se faire remarquer je te rappelle !

Je lance au chauffeur un rapide :

-Désolé ! Au revoir monsieur...

Et saute à terre. Je ne me retourne pas et Esteban m'entraîne vers les grandes portes de la plateforme. L'aéronef décolle de nouveau derrière nous.

Nous franchissons les portes coulissantes et Esteban m'adresse un regard noir en voyant que je n'ai pas enfilé comme convenu ma capuche. Je m'exécute aussitôt et mets même mes mains dans les poches, ayant l'impression de me cacher un peu plus comme ça.

Je ne suis jamais sortie du palais, sauf la fois où je me suis enfuie. Le reste du temps, c'est arrivé, mais j'étais à chaque fois entourée de beaucoup de gardes. Cette fois ci je n'ai qu'Esteban et il cache aussi son visage derrière la capuche de son sweat. C'est drôle de le voir sans costume pour une fois...

Je regarde partout autour de moi, curieuse de tout, et oublie pendant quelques minutes toute ma tristesse. La plupart des gens se dirigent vers des salles à notre gauche tandis qu'Esteban m'entraîne en me prenant par le bras vers ma droite.

Au fur et à mesure que nous traversons d'immenses pièces, il y a de moins en moins de personnes, et nous ne tardons pas à arriver dans une entièrement vide, à l'exception d'un grand train entouré de quelques gardes noirs. Esteban demande entre ses dents serrées tandis que je lève la tête vers lui :

-Pas de problème ?

Un barbu secoue la tête et répond :

-Aucun. La petite peut embarquer.

J'ai douze ans. J'esquisse une grimace et répondrais bien au garde si je n'étais aussi timide. Ma tristesse revient tout à coup lorsque je repense à Maman et Esteban m'entraîne de nouveau, cette fois ci vers un wagon au milieu, entièrement noir et sans aucune fenêtre. La porte est grande ouverte mais je ne regarde même pas à l'intérieur.

Esteban s'arrête à un pas de l'entrée et me dit très calmement :

-Le trajet dure cinq heures... Tu seras toute seule là-dedans Saldya. Ne t'inquiète pas et tout ira bien...

J'acquiesce gravement. Il me fait signe de monter. Alors que je m'approche du wagon, je change brusquement d'avis et je me retourne tout à coup avant de me précipiter vers lui. Je me serre contre lui et il paraît tout surpris avant de me soulever de terre tandis que je lui adresse mon plus beau sourire.

-Toi aussi je te reverrai ?

-Promis.

-Avec Ysa ?

Il garde un instant le silence puis m'adresse un clin d'œil en me reposant à terre.

-Je la ferai venir même si je dois la traîner par les pieds !

Il me fait de nouveau rire et c'est plus joyeuse que je me retourne vers le wagon. Alors, j'inspire profondément comme Maman me l'a appris pour me calmer, et entre à l'intérieur.

Lorsque je me retourne, Esteban est déjà en train de fermer la porte. Je l'entends encore me dire :

-La porte est fermée à clef Saldya... Et tu n'entendras pas grand chose, tout le fourgon est blindé... Ça ira bien !

Je hoche la tête une nouvelle fois et la porte se ferme tout à fait. Alors, tout à coup très seule, je laisse mes yeux observer chaque détail de l'endroit où je me trouve.

Même éclairé grâce à la lumière électrique, le wagon me paraît lugubre et triste, comme en écho à mon âme. Tous les meubles sont vissés aux murs ou au sol pour ne pas bouger avec les remous et la vitesse de l'engin et je m'approche lentement de la table centrale.

Je soulève le couvercle d'un plat aimanté à la surface métallique et regarde pendant quelques secondes les petits sandwichs au jambon qui s'y trouvent. Je laisse retomber le couvercle dans un bruit de métal avant de me retourner vers une couchette contre le mur. Il y a un siège aussi.

Mais tout me fait peur. Je me rapproche de la porte qu'Esteban vient de fermer et toque timidement contre le battant.

J'aimerai un sourire. Juste quelques paroles pour me rassurer. Après cela, ça irait beaucoup mieux.

Mais personne ne répond à mon appel. Il me semble que le bruit ne fait que résonner dans le wagon désert et je suis agitée d'un léger frisson tandis que je lève les yeux vers l'une des lampes du plafond qui clignote.

-Maman...

Dédaignant alors le fauteuil ou le lit, je me laisse doucement tomber sur le sol froid. Au moment où je touche le sol, je sens le train qui se met lentement en route. Nous allons sortir de la salle directement dans le tube de verre à l'air libre puis sur les rails entre les tours de la ville...

Je m'en vais. Adieu Astra...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top