Gaëtan (Chapitre 77)
-Salut Natacha... Belle journée ?
Elle lève les yeux au ciel avec effronterie et râle :
-Pourquoi m'as-tu nommée lieutenante ?
Yves, une nouvelle fois attaché à sa chaise, nous sommes dans son appartement, explique d'un ton docte :
-À mon humble avis c'est pour être sûr que tu ne fasses pas trop de bêtise... comme ça tu deviens raisonnable.
Elle lève un sourcil plus haut que l'autre.
-Depuis quand es-tu humble toi ?
Elle apprend vite. Maintenant qu'elle connaît Yves à peu près aussi bien que moi-même, elle a deux fois plus envie de le transformer en carpette. Mais j'adore assister à leurs échanges. Je suis assis dans un fauteuil contre la fenêtre et un petit sourire me monte aux lèvres. Mais je demande tout à coup :
-Natacha, quelles sont les nouvelles ?
-On a dix volontaires pour sortir du fort...
-Aïe, haute-moi d'un doute, qui sont les dix volontaires ?
Elle sort d'un air sérieux une petite liste de sa poche avant de s'assoir sur une chaise à côté d'une grande plante verte en pot aux larges feuilles. Elle inspire profondément pour commencer sa lecture avant de relever les yeux vers nous.
-Bien sûr, j'ai eu un peu de mal à trouver des volontaires... En fait il veulent tous participer aux agrandissements du fort mais sortir en mission de repérage... Ça ne leur disait pas grand chose après réflexion.
Décidément, je la sens très mal cette liste. Elle baisse de nouveau les yeux sur son papier et lis à haute voix :
-Kim Savigny...
Je veux me lever d'un bond mais Yves éclate de rire.
-Décidément tu n'es pas doué pour l'éducation des enfants Gaëtan !
Natacha poursuit sans tenir compte de l'interruption :
-Elle m'a dit de t'inscrire d'office, donc le prochain nom est Gaëtan Savigny...
Je tente de garder une attitude impassible et demande :
-À votre avis, je peux encore rattraper les lacunes de son éducation ?
Les regards sincèrement désolés -enfin presque- de Natacha et d'Yves ne me rassurent pas et je feins d'être navré. Mais je ne peux m'empêcher de rire en entendant Natacha poursuivre.
-Ensuite il y a Yves ici présent...
Je demande d'une voix mi-sérieuse mi-amusée :
-Ne me dis pas que tu lui as proposé ?
Elle relève vers moi un regard faussement innocent.
-Tu m'avais dit tous les habitants du complexe non ?
-Mais je croyais que tu voulais voir Yves en carpette...!
Elle observe d'un ton neutre mais avec un petit sourire aux commissures des lèvres :
-Souvent, femme varie... Bon, nom suivant : mon frère Michael.
Elle n'a pas le temps de poursuivre qu'Yves l'interrompt.
-J'y suis ! C'est un complot ! Vous allez me tuer une fois dehors !...
Je n'ai jamais vu quelqu'un capable de plaisanter avec autant de sérieux sur sa propre mort possible. Natacha et moi échangeons un regard désolé et elle me demande :
-À ton avis, je le raye de la liste ? Pour notre santé mentale ?
Je souris et réponds :
-On va éviter. Je préfère l'avoir sous les yeux et comme je me suis inscrit volontairement...
Natacha pose son regard sur Yves et moi aussi. Nous redevenons alors tous les trois graves et sérieux. L'ancien chef de la base est le premier à résumer notre pensée à tous.
-Vous pensez vraiment que c'est une bonne idée de m'emmener avec vous ?
Je préfère ne pas regarder Natacha maintenant. Nous connaissons tous le risque. Je n'ai pas très envie de devoir choisir de tirer sur mon meilleur ami brusquement possédé au milieu de la forêt...
Je murmure entre mes dents serrées :
-Si seulement on pouvait te débarrasser de ça...
Yves observe alors :
-Je t'avais demandé de chercher une solution...
J'acquiesce. Je n'ai pas eu la moindre idée. À ce moment précis, quelqu'un toque à la porte et nous nous retournons tous vers le battant. Yves demande :
-Je suppose qu'il est inutile que j'interdise l'accès de mon appartement ?
Nous ne répondons même pas mais je vois le sourire amusé de Natacha. Tandis que je dis calmement "entrez", Yves grogne :
-Ma parole, mais ça va devenir un vrai moulin ici...
La visiteuse me saute au cou sans me laisser le temps de réagir puis recule avant de m'adresser un étincelant sourire.
-Salut Kim ! Que veux-tu ?
-Quoi, il me faut une raison pour venir voir mon père adoré ?
Natacha hausse de nouveau un sourcil plus haut que l'autre. Yves remarque d'un ton qui se voudrait neutre :
-Non, désolé Gaëtan, c'est impossible.
Silence dubitatif dans la pièce. Je lui demande, devinant qu'il va encore dire une bêtise :
-Oui ?
-Aucune chance de rattraper les lacunes de son éducation.
Au moins comme ça c'est clair. Je retiens un sourire avant de me tourner de nouveau vers Kim déjà plus sérieuse. Elle prend la parole d'un ton assuré :
-J'ai repensé à votre problème en faisant ma gymnastique ce matin... Je crois avoir trouvé la solution.
Natacha est plus rapide que moi pour l'interroger, et plus qu'Yves également, ce qui est nettement plus impressionnant.
-La solution à quel problème ?
-Le contrôle de Yves. De quelle façon la reine te dirige-t-elle ?
Elle s'est tournée vers mon ami et celui-ci répond immédiatement :
-Quand j'ai subi une lourde opération, on m'a remplacé la moitié de mes membres. Il y a une puce électronique de contrôle dans chacun d'eux... Donc même dans mes yeux.
Pour la première fois de ma vie, je m'interroge sur ce à quoi devait ressembler Yves avant son opération. Avait-il ces yeux noisettes qui lui donnent cet air éternellement rieur ? En tout cas, cela n'a pas l'air de lui poser problème. Mais Kim paraît réfléchir deux minutes avant de dire :
-Dans ce cas... Je crois que mon idée pourrait marcher. Elle te dirige uniquement avec de l'électronique... Comment se fait-il que personne d'autre ne puisse prendre ton contrôle ?
Yves rétorque sans quitter ma fille des yeux :
-Les codes sont extrêmement difficiles à...
Elle esquisse alors un superbe sourire.
-J'ai la personne qu'il vous faut. Un hacker, ça vous parle ? Personne n'a jamais essayé ?
C'est... tellement simple. Nous nous regardons tous et Natacha esquisse un superbe sourire. Elle se tourne ensuite vers Kim et lâche :
-Wahou ! En fait je crois... qu'on peut admettre que Gaëtan a plutôt réussi ton éducation.
Kim lui lance un regard lasse, comme quand elle m'explique que les vieux comme nous ne connaissent rien de la vie, et répond :
-Ah. Vraiment, un jour il faudra que je vous explique deux trois choses sur les plaisanteries stupides.
Et elle tourne les talons en nous faisant signe de la suivre. Un sourire m'échappe et lorsqu'elle se retourne vers moi, j'aperçois ses yeux pétillants de malice. Elle est fière et je devine qu'elle espère au moins autant que nous que ça va marcher.
Yves, observant ses liens d'un air dubitatif, résume la situation de sa voix faussement neutre.
-J'ai comme l'impression que cette petite vient de proposer de me comparer à un ordinateur à débloquer.
Il fait une pause avant de me regarder moi puis Natacha. Il termine en faisant une légère grimace :
-Le pire c'est que ça pourrait marcher !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top