Gaëtan (Chapitre 63)

J'adresse un sourire à Kim. J'ai ordonné de réunir tout le monde dans l'immense cours du fort.

Debout sur une estrade de fortune, vite dressée, je contemple pendant quelques minutes en silence la petite foule devant moi. Les gardes noirs ligotés... Et ceux qui aspirent comme moi à retourner à Astra.

Natacha s'avance alors vers moi et pousse devant elle un homme que tout le monde reconnaît facilement. Des cris fuse ça et là mais je lève le bras et le silence revient.

-Docteur Panem ?...

Il m'adresse une grimace amusée.

-Dès le départ j'ai su que tu serais le plus ingérable... Tu te souviens du jour où nous avons décollé ?

Je me mords violemment la lèvre inférieure. Dans le silence soudain revenu, j'acquiesce calmement.

-Bien sûr. Je ne risque pas de l'oublier... vous aviez sauvé ma fille adoptive.

Il incline la tête et demande alors d'une voix forte :

-Qu'est-ce que tu veux aujourd'hui ?

Je reste parfaitement calme et rétorque :

-Un moyen de retourner à Astra. Nous avons toujours le vaisseau... Il faut juste le remettre en état, et trouver du combustible... Cette planète ne manque pas de ressource. Vous pourriez prendre la direction des recherches...

Le vieux professeur m'adresse un long regard et je fais signe à Natacha de s'éloigner avec un petit geste agacé. Elle s'exécute tandis que Panem demande :

-Tu as conscience que cela peut prendre beaucoup de temps ?

J'esquisse un sourire.

-Ça tombe bien, nous en avons. Je compte sur vous.

Il ne répond d'abord rien mais fini par lentement incliner la tête avec un petit sourire. Je me tourne alors vers la foule qui me fait face et reprends d'une voix plus forte la parole :

-Enfermez les gardes noirs les plus dangereux. Les autres, ceux qui ont été corrects ces dernières années, laissez les en circulation. Ils ne pourront pas faire grand chose... Je propose maintenant qu'on se prépare à monter une expédition de recherche... On est un peu à l'étroit dans le fort n'est-ce pas ? Nous allons l'agrandir ! Construire le début d'une ville... En attendant d'enfin partir !

La petite foule explose alors en cris de joie et je me tourne avec un sourire vers Kim. Sans réfléchir, elle se précipite dans mes bras en riant et murmure :

-Wahou, tu fais un super chef Papa !

-Où est passée ma jolie petite adolescente rebelle ?

-Elle est partie quand il a fallu devenir une adulte !...

Et elle m'adresse un regard rayonnant. A-t-elle conscience de mes faiblesses ? Je ne pense pas. Mais chacun de ses sourires me donne toujours envie d'aller plus loin...

***

-Alors, c'était comment Gaëtan ?

Je pénètre dans la petite pièce sombre et contemple celui qui est devenu au fil des années l'un de mes meilleurs amis. Ligoté à une chaise, Yves esquisse une légère grimace sans attendre de réponse et poursuis :

-C'est affreux cette position, j'ai des fourmis dans les jambes !

Moitié rieur moitié sérieux, je rétorque en m'approchant de lui :

-Je préfère ça plutôt qu'avoir une balle dans la peau, désolé...

Yves tente de hausser les épaules mais j'ai dû bien serrer les cordes car il n'arrive qu'à esquisser un mouvement comique. Il pousse un long soupir.

-Ça ne peut pas durer Gaëtan... Ce n'est pas une vie. Il faut absolument que tu te débrouilles pour me trouver une solution...

-Pourquoi moi ? Je croyais que de nous deux c'était toi le débrouillard !

Nous éclatons de rire et je me dirige vers le lavabo dans un angle de la pièce pour me servir un verre d'eau. Yves répond :

-Oui mais ça fait je ne sais pas combien de temps que je cherche une solution et tu vois ce que ça a donné... Au fait, je veux bien un verre d'eau moi aussi !

Je pousse un grognement, avale d'un trait le mien puis remplit à nouveau le gobelet avant de revenir vers Yves. Il me dévisage avec un petit sourire angélique et montre ses mains attachées :

-Désolé, on dirait que tu vas encore devoir me faire boire comme un gamin !...

-Ça t'amuse toujours autant on dirait... Je me demande parfois si je ne suis pas plus inquiet pour toi que tu ne l'es toi-même.

-Désolé, c'est plus fort que moi, je suis quelqu'un de très optimiste. Bon alors, ce verre d'eau ?

J'ai comme d'habitude autant de mal à rester sérieux et je le fait rapidement boire avant de reculer. Il lâche un soupir de gratitude tandis que je rétorque :

-Optimiste... À mon avis à ce stade c'est plus de la folie pure. La fois où on s'est disputé, c'était toi ou Edilyn le coup de poing ?

Yves laisse échapper un petit sourire avant de prendre une attitude faussement gênée. Il observe :

-Franchement il me semble que ce serait plus prudent d'avoir une telle discussion quand je ne serais pas attaché et entièrement à ta merci...

Ça y est, il a réussi. Un franc sourire éclaire mes traits tandis que je me laisse tomber sur une table. Les chaises sont trop encombrées.

-C'est ça, dis tout de suite que je suis violent...

-C'était moi.

-Quoi, toi ?

-Le coup de poing...

Et il m'adresse un sourire candide tandis que je murmure en tâchant de retenir un nouveau rire :

-Attention, n'exagère pas trop non plus...

Avant qu'il ait pu de nouveau répliquer, un "toc, toc" discret résonne dans la pièce. Je prends la parole :

-Entrez !

La porte s'ouvre en même temps qu'Yves s'exclame :

-Eh ! Je suis chez moi je te rappelle, même si je ne donne pas l'impression d'être en position de force... Les apparences sont trompeuses ! Et je n'ai peut-être aucune envie de voir ce visiteur et...

Je fais mine de le frapper et il éclate de rire, ce qui permet de le faire taire pour quelques minutes. Notre visiteuse, Natacha, entre d'un pas sûr dans la pièce et échange un regard incendiaire avec Yves qui remarque d'un ton docte :

-Ça, c'est la vengeance pour le coup de poing, n'est-ce pas Gaëtan ?

-Yves, un jour il faudra que tu apprennes la définition du mot sérieux dans le dictionnaire.

Il hausse les épaules avant de rétorquer :

-Mmm... j'en profite un maximum avant de redevenir votre tyran préféré...

Natacha lève un sourcil plus haut que l'autre et observe :

-Les tyrans, généralement, ça finit assez mal.

Yves hausse les épaules.

-Je sais. Ça prouve ce que je disais tout à l'heure : si Gaëtan n'avait pas répondu à ma place, j'aurai refusé de recevoir quelqu'un qui ne rêve que de me voir transformé en carpette !

Natacha ne trouve rien à répondre et je demande d'un ton légèrement dubitatif :

-En carpette ?

Toujours attaché à sa chaise, Yves lève les yeux au ciel.

-Vous manquez d'humour quand même...

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