Eric (Chapitre 36)

Couverture créée par claire_drc

Je laisse Kim en train d'injurier le monde entier et cours dans le couloir jusqu'au premier transplaneur-ascenseur. Deux minutes plus tard, je suis dans l'aile la plus au nord du complexe, devant deux gardes noirs qui me dévisagent d'un air neutre. La plus jeune, une femme aux cheveux roux en bazars me lance :

-Qu'est-ce-que tu veux ?

Je rétorque avec le plus d'aplomb possible :

-Voir le professeur Panem.

Elle me jauge des yeux puis échange un regard avec son compagnon. Celui-ci hausse les épaules avant de dire avec une moue méprisante :

-De toute façon le professeur accepte toujours de rencontrer tout le monde...

Il braque un scanner sur moi et la machine émet un petit bip sonore et une lumière verte encourageante. Le garde ajoute :

-Il n'a pas d'armes...

Mon cœur bat à cent à l'heure. La menace que j'ai entendu il y a quelques minutes résonne toujours à mes oreilles. Avons-nous réellement une puce électronique dans l'épaule ? Mais je me force à cacher ma peur pour ma sœur et la première des deux gardes me fait signe de la suivre tandis qu'elle passe son bras devant un boîtier et que la porte s'ouvre en coulissant.

Nous pénétrons dans un petit couloir et je tâche de me calmer en fermant les yeux quelques secondes. Gaëtan fait inexplicablement confiance à Panem et de toute façon je ne vois personne d'autre à aller voir.

Nous nous arrêtons alors devant une porte. Un boîtier à code est incrusté dans le mur à côté et la femme pianote sur quelques touches.

-Professeur Panem ?

-...

-Un jeune homme demande à vous voir.

-...

-Qui est-ce ?

J'articule calmement à voix haute :

-Eric Eden.

Elle répète mon nom et la porte s'ouvre alors. Elle me fait signe d'entrer et j'obtempère. La porte se referme aussitôt dans mon dos.

La salle où je me trouve alors ressemble à un immense salon très moderne peu meublé, ce qui accentue l'impression d'espace. Un homme est assis dans un fauteuil devant la grande baie vitrée et me tourne le dos.

Je m'avance lentement. Il ne se retourne pas. Je me décide à dire :

-Heu... Monsieur ?

Il se retourne alors d'un coup et je manque de sursauter. Le regard vif, les cheveux argent, le vieil homme ne fait certes pas son âge. L'effet des fleurs... Mais aussi de son caractère. Il me désigne d'un geste du menton un fauteuil ou je m'empresse de m'asseoir puis m'interroge vivement avec quelque chose dans l'allure générale qui me rappelle étrangement un vieux matelot.

-Alors gamin, qu'est-ce-que tu veux ?

Je ne relève pas sa façon de m'apostropher. Derrière son apparence bon enfant, je le devine vif et alerte, capable en moins de deux minutes de m'envoyer voir ailleurs. Je réponds franchement et sans détour :

-Je suis venu chercher des réponses.

Panem murmure avec un sourire en coin :

-Ça vaut cher ça...

Je me retiens de lancer une plaisanterie stupide, mais il me rend malgré moi nerveux.

-A-t-on une puce permettant de nous repérer ?

Panem, à ma plus grande horreur, hoche calmement la tête avant de compléter à voix haute :

-Mais pas tous. Tu n'en as pas, par exemple.

-Pourquoi ?

C'est la première question qui me vient à l'esprit et il m'éclaire sans se faire prier:

-Ces puces électroniques vous ont été implantées dans le trajet d'Astra à Sagan... Mais pas aux plus jeunes du voyage.

Je retiens un geste de déception. Alors Thaïs et Aevin sont réellement en danger... J'ignore si je peux poser toutes les questions que je veux mais je n'ai rien à perdre à tenter.

-Est-ce-que les gardes noirs vont réellement partir à la recherche de ma sœur et de sa famille ?

Panem hoche la tête. Mais il garde cette fois-ci ensuite le silence.

Le cœur battant, je demande de nouveau :

-Pourquoi y tiennent-ils tant ?

Le professeur détourne cette fois-ci complètement la tête et je devine que je ne vais pas aimer la réponse.

-Ils veulent faire un exemple. Et le gouverneur, Yves, obéit aux ordres de la reine qui a décidé que vous garder tous dans le complexe devenait dangereux. Les gardes noirs veulent donc monter une expédition à trois objectifs : distraire les révoltes qui commencent à se former, enfin découvrir cette fichue planète... Et faire peur à tout le monde. En récupérant les fuyards et en les exécutant.

Un frisson glacé me parcourt l'échine et je ferme les yeux un dixième de seconde. Je me retiens de pousser un cri. Je finis par lâcher avec désespoir :

-Mais que puis-je faire ?

Panem se lève alors d'un bond de son siège, me surprenant de nouveau, et lance d'un ton tranquille :

-Pars à leur recherche. Il faut les prévenir et leur arracher leur puce. Ensuite, personne ne pourra les retrouver.

Je fronce les sourcils, sentant tout à coup une méfiance sourde m'envahir.

-Mais de quel côté êtes-vous ?

Panem vrille sur moi son regard plein d'intelligence avant de répondre.

-Jeune homme, je suis un savant et j'aime la neutralité. Je suis venu ici pour faire des découvertes et parce qu'ils ont peur de vous, on m'a cantonné dans ce complexe... Ensuite, je n'ai aucune envie de laisser tuer aussi inutilement ta sœur, son mari et ses enfants. Alors je suppose que dans l'instant présent, on peut supposer que je fais partie des rebelles...

Un petit sourire d'enfant réjoui s'épanouit alors sur ses lèvres et il ajoute :

-Et puis, tu as oublié un détail.

-Quoi ?

-Ils ne me font plus confiance. Si je suis accompagné dans tous mes déplacements, ce n'est pas pour me protéger mais bien pour me surveiller. Je suis moi aussi un prisonnier.

Je me lève alors d'un bond de mon siège, pâle tout à coup, et demande vivement :

-Et ils vous laissent discuter avec n'importe qui alors qu'ils vous surveillent ?

-Je n'ai pas dis qu'ils n'espionnaient pas mes conversations.

La colère et la peur m'envahissent aussitôt et je ne peux m'empêcher de dire d'un ton plein de rage :

-Espèce de traître !

Mais le sourire du professeur s'agrandit. Je commence à comprendre pourquoi il s'entend aussi bien avec Gaëtan. Aussi barjos tous les deux !

-Je n'ai pas dit non plus qu'en recevant ta visite, je n'avais pas désactivé les micros...

-Vous l'avez fait ?

Je me sens à la fois soulagé et encore un peu en colère contre ce drôle de bonhomme. Il doit être vrai que les plus grands génies sont des fous...

Panem hoche la tête et s'approche soudainement un peu plus de moi avec une étincelle de gravité au fond des yeux.

-Mais ils ne vont pas tarder à s'en apercevoir... Il écoutent les enregistrements dans l'heure généralement. Ecoute-moi bien gamin. Je vais te donner un appareil qui te permettra de repérer leurs puces électroniques -de ta sœur et les autres-. Pars dès maintenant à leur recherche, n'attends pas une seule minute ! Si tu veux les retrouver en vie, c'est très important...

J'acquiesce, donnant presque immédiatement et contre toute raison toute ma confiance à ce presque inconnu. Il y a quelque chose dans ses yeux qui me convainc qu'il ne ment pas. Et je sais que je n'ai pas le choix. Je pars. Sans prévenir personne...

***

La seule chose que je n'avais pas prévue, avouons-le, c'est que l'appareil pour repérer Thaïs tombe en panne.

Il ne me reste maintenant plus que Cigarette qui a tellement tenu à me suivre.

J'ai comme un doute sur mes chances de rester en vie et de les retrouver...

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