Edilyn (Chapitre 85)

Je cours derrière Esteban. La colère et d'autres sentiments me remuent l'âme, m'empêchant ainsi de distinguer clairement ce qui m'entoure.

Il me semble que tout m'apparaît à travers le brouillard sanglant de mes larmes. Mais la rage qui boue en moi a trouvé un exécutoire et je ne pense plus qu'à cette arme que l'on vient de me voler sous mon nez. Je ne peux pas croire qu'Azylis ait choisit de sacrifier sa fille comme simple diversion... ça ne lui ressemble pas.

À l'évocation d'Ysaïne, je repense à mes jumelles et j'accélère le pas précipitamment, devançant même dans le couloir Esteban pour, une nouvelle fois, tenter d'oublier ma souffrance.

Je pénètre dans une grande pièce et quelques uns de mes gardes noirs s'inclinent aussitôt devant moi. Mais je ne vois que le battant en face de mon regard fracturé de l'autre salle. Il pend lamentablement hors de ses gonds et le présentoir prédisposé pour canaliser l'énergie de la sphère si elle s'active par erreur est... absolument vide.

Un cri s'échappe alors du plus profond de moi-même, me permettant enfin d'extérioriser le mal qui me ronge de l'intérieur depuis des jours me semble-t-il :

-Ahhhhhh... Trouvez celui qui a fait ça ! Si jamais la sphère disparaît...

Esteban tente de me calmer. Son regard est atone et je devine que si j'avais été à un autre moment de ma vie, je l'aurai peut-être un peu ménagé. Ne vient-il pas d'abandonner Ysaïne ? Il est fidèle à la monarchie... Et elle en fait partie malgré tout.

Mais l'orage qui se déchaîne en moi m'aveugle et je n'écoute pas ses paroles. Les gardes présents dans la pièce restent imperturbables mais je lis dans les yeux de chacun la même peur sombre.

-Comment une chose pareille a-t-elle pu se produire Esteban ? Comment avez-vous pu laisser échapper cette arme ?...

Les gardes se détendent très légèrement. J'ai choisis de m'en prendre au maire d'Ivy. Il redresse la tête sans me regarder et rétorque :

-Majesté, j'ai fais mon devoir...

Je m'avance vers lui. J'ai malgré moi le vieux réflexe de poser ma main sur mon bras mais mon bracelet serpent ne s'y trouve évidemment pas cette fois-ci. Ysaïne. Mon souffle se fait court dans ma poitrine et je n'arrive pas à repousser l'image de mes deux enfants. Pourquoi sont-elles inévitablement liées dans mon esprit à la fille de Gabriel ? Et il y a ce trajet rouge s'arrêtant sur un écran. Je ne dors plus la nuit tant chaque fois que je ferme les yeux, je ne vois que cela.

Esteban reste imperturbable. Il est seulement un peu plus pâle que d'habitude face à moi.

-Je ne tolère jamais l'échec Esteban...

Le silence est palpable dans la pièce. Le maire d'Ivy laisse ses yeux croiser mon regard et répond :

-Je le sais majesté.

Quelque chose semble alors fendiller mon armure de métal lorsque je croise ses yeux bruns et je murmure en tâchant de retrouver ma dureté :

-Retrouvez le voleur Esteban. Il y va de votre vie.

Il rétorque alors presque calmement :

-Altesse, j'ai donné tous les ordres nécessaires...

Je me retourne pour jeter un coup d'œil à mes autres hommes présents. Ils sont six et restent neutres devant mon examen. Je murmure alors en me retournant lentement vers Esteban :

-Sait-on comment la... la première voleuse est entrée ici ?

Il acquiesce froidement sans me regarder.

-Oui majesté. Elle s'est posé sur une plateforme inférieure et a ensuite grimpé le long de la façade...

Quelques notes angoissantes résonnent dans ma tête. Je recule d'un pas mécanique avant de répondre :

-Elle a dû se prendre une sacrée décharge électrique... Mais les autres ? À partir du moment où l'alarme sonne, tout est renforcé, notamment le bouclier magnétique alors...

Ma bouche se dessèche et je finis d'une voix froide et calme :

-Je ne vois pas comment il serait possible de prendre l'arme après que la sirène ait été déclenchée...

Je relève les yeux vers Esteban. Il croise mon regard. Je lis dans le sien une froide détermination et un courage indéniable lorsqu'il murmure :

-Je n'ai fais que mon devoir.

Le silence dans la pièce est si lourd qu'il me semble presque le ressentir. Je me sens trahie au plus profond de moi-même. Avais-je pris conscience de l'importance que je donnais à mon nouveau chef de ma garde noire ? Je recule et lui lance un regard de mes prunelles qui s'assombrissent déjà de nouveau.

-Un traître... Rien d'autre. Gardes, arrêtez cet homme !...

Mes hommes ne m'ont pas attendue. Au premier de mes mots, ils se sont précipités en avant, conscients que me déplaire pourrait leur coûter la vie. Esteban ne se défend pas et quelques minutes plus tard, il a les bras liés dans le dos. Son regard est posé sur un point du mur derrière moi.

Il se débat contre les liens qui enserrent ses bras musclés comme par réflexe puis s'immobilise de nouveau dans un mutisme parfait. La voix glaciale, la colère revenant envahir mon âme, elle n'a pas dû réellement me quitter, je le fixe quelques secondes en silence avant de demander :

-Qu'en avez-vous fait ? Esteban, où est l'arme ?

Il tourne la tête vers moi et je croise de nouveau son regard étrangement calme. Il répond :

-Si je l'ai prise, pourquoi vous dirai-je maintenant où elle se trouve ?

Ce n'est pas de la provocation. Plus une simple remarque pour me faire observer qu'il est inutile d'insister. Ma respiration s'accélère tandis que je sens mon ton monter :

-Vous m'avez juré fidélité ! Je ne pensais pas que dans votre famille, on était traître de père en fils...

J'ai réussi à le toucher. Un bref éclair traverse ses pupilles et il rétorque d'une voix soudain blessée :

-Non ! Mon père n'a rien à faire avec ça ! Et je ne suis pas un... un traître.

L'honneur. Encore et toujours lui. J'ai l'impression qu'il est depuis toujours au centre de ma vie sans que je puisse seulement le comprendre ou chercher à l'atteindre. Mais Esteban ne vit que pour cela. C'est peut-être pour ça que je pensais si bien le comprendre. Il faut croire que certaines choses m'échapperont toujours... Je deviens alors soudainement pâle et murmure :

-Bien sûr ! Comment ai-je pu ne pas comprendre ! Vous ne pouviez pas...

Je me tourne vers mes gardes et en désigne deux qui blêmissent légèrement. Je hurle :

-Allez retrouver la prisonnière ! Vérifiez qu'elle est toujours là où vous l'avez consignée et restez avec elle !...

Les gardes ne se le font pas dire deux fois et s'éloignent déjà en courant dans l'autre pièce. Je me tourne alors de nouveau vers Esteban et lance d'un ton dangereusement calme, en opposition à la fureur qui enflamme mes veines :

-Si tu as ne fus-ce que tenté de la faire s'évader... Tu me le payeras beaucoup plus cher que simplement ta vie, crois-moi...

Je fais une légère pause avant d'ajouter :

-Et maintenant, où est l'arme ?

Il ne bronche pas et m'oppose son immuable silence. Je me tourne alors vers l'un des gardes et ordonne sans émotion :

-Faites-lui avouer où elle se trouve.

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