Edilyn (Chapitre 48)
L'unique rue au sol d'Ivy, piétonne, est encombrée au centre d'une longue file d'hommes et de femmes. De part et d'autre de la colonne veillent mes gardes noirs, armés jusqu'aux dents.
La foule est contenue sur le côté et l'athmosphere elle-même paraît comme électrisée. Au bout de la rue, devant le palais, a été dressée une immense estrade. Ils y monteront tous, un par un.
Il n'y aura plus de révolte à Ivy. Il n'y aura plus de bombe dans les appartement de mes filles. Je me le jure intérieurement de l'endroit où je me trouve, debout sur l'estrade devant un grand micro entre deux gardes noirs. Ma robe violet améthyste se soulève légèrement avec grâce en accompagnant les bourrasques de vent mais je doute que quiconque y fasse attention.
La cohorte des malheureux tirés au sort attend, dans le plus terrifiant des silences.
J'inspire fortement puis m'avance d'un pas en avant jusqu'à avoir le micro réellement juste devant moi. Puis, je prends la parole d'une voix forte et glacée en même temps.
-Vous connaissez tous la loi ! Respect aux princes... Vous avez franchi la limite. Je la franchis à mon tour. Il est parfois nécessaire que le sang coule, mais je ne doute pas que nous réussiront ensuite à construire un nouveau monde meilleur, où il n'y aura plus d'injustice... Vive Astra !...
Les gardes noirs braquent leurs armes sur la foule qui applaudit alors. Mais les lèvres restent closes et les yeux lancent des éclairs.
Je me tourne alors vers quelques hommes qui viennent de prendre place sur l'estrade. Le peloton d'exécution à ma gauche. La femme chargée d'appeler un à un les condamnés à ma droite.
Dans le silence soudain revenu, elle prend la parole d'une voix aussi froide que la mienne deux minutes plus tôt qui résonne dans son micro portatif après avoir consulté l'écran de son bras :
-Anaften Sero.
Un homme est poussé dans l'escalier. Il grimpe les marches la tête haute et un regard me suffi pour comprendre qu'il serait le premier à prendre les armes s'il le pouvait.
Je n'hésite pas une seconde lorsqu'il se positionne devant le peloton d'exécution.
-Feu !
Mais ma voix est couverte par le vrombissement soudain d'un aéronef au-dessus de moi.
J'hésite entre la colère et l'inquiétude lorsque le petite appareil se pose pile sur l'estrade. Mais avant que j'ai pu m'avancer, deux personnes jaillissent de l'engin et accourent vers moi en criant :
-Maman !...
Eslimea et Saldya. Je ferme pendant quelques secondes les yeux avant de relever les paupieres et de fixer mon regard sur le garde noir qui vient de les accompagner. Il bredouille :
-Je regrette. Elles... elles m'ont donné un ordre, vous comprenez ?
La foule est silencieuse. Partout. Le peloton d'exécution est toujours face à l'homme. Mais je me contente de faire froidement signe au conducteur qu'il peut quitter l'estrade avec son aéronef.
Il ne demande pas son reste et disparaît moins de deux minutes plus tard dans le ciel.
-Maman ? Qu'allez-vous faire ?
Les micros sont toujours branchés. La voix de Saldya résonne alors dans tous les hauts-parleurs de la ville.
Mais la femme à côté de moi appuie déjà prestement sur une touche de l'écran de son bras et les micros sont désactivés pour quelques secondes. Je me tourne alors vers Saldya et me baisse vers elle pour avoir les yeux au même niveau que les siens.
-Saldya, ils me respectent parce qu'ils me craignent... Je n'ai pas le choix. Pour vous.
Je me relève lentement, tandis que ma fille de douze ans ouvre de grands yeux effarés. Une tristesse sans nom commence à se répandre dans tout mon être. Eslimea est plus pâle encore que sa sœur et laisse échapper dans un murmure :
-Non... Non ! Maman ! Ne faites pas ça, je vous en prie !
Je la regarde à son tour, sentant quelque chose se briser un peu plus dans mon cœur. Je ne peux plus repartir en arrière. Mais je sais qu'aujourd'hui je vais perdre mes filles. Ou qu'elles suivront mes pas. Je crois que les deux idées me font aussi peur l'une que l'autre.
Je répète doucement à mes deux filles tandis que la foule silencieuse continue d'attendre avec un espoir renaissant au fond des yeux :
-Je n'ai pas le choix...
Je me tourne alors vers la femme à ma droite et elle appuie de nouveau sur son écran intégré. Les micros sont rebranchés. Alors, parfaitement calme extérieurement mais le corps en feu, je lance :
-Feu !...
Le bruit des détonations résonne alors dans l'air et l'homme s'écroule. Mes deux filles poussent un même cri mais Eslimea doit carrément se raccrocher à un garde. Elle titube et sa pâleur fait peur à voir. Je devine ce qu'elle pense. Elle revoit le moment où elle a tiré sur un homme, sur Idwin...
Une dernière hésitation avant que je ferme les yeux un bref instant. Deux gardes évacuent déjà le corps tandis que la personne suivante monte sur l'estrade.
Lorsque je pose sur elle mon regard, il me semble que tous mes doutes et mes désillusions reviennent me hanter brusquement l'âme.
C'est une enfant à la peau mate et aux cheveux noirs. Elle est merveilleusement bien coiffée et on dirait presque que ses parents ont cherché à la faire la plus belle possible. Elle tremble. Et elle n'a pas six ans.
Mais lorsqu'elle s'immobilise devant moi, elle lance une phrase qu'on a dû lui apprendre :
-A bas la reine ! A bas l'injustice !...
Je détourne la tête et lance :
-Feu...
Mais les mots de l'enfant ont résonné dans les micros. Et dans mon cœur. Je sais que je les entendrai en boucle cette nuit quand je tenterai de m'endormir sans y parvenir... Eslimea semble alors brusquement se ressaisir et sortir de son état de stupeur un voyant un de mes gardes emmener le corps de l'enfant. Lorsque la personne suivante monte sur l'estrade, ma fille s'avance entre elle et les gardes. Les empêchant ainsi de tirer.
La femme doit avoir vingt ans. Un peu plus peut-être. Ses yeux brûlent de haine et cela semble lui permettre de garder la tête haute face à la mort. Je me contente de dire en évitant le micro alors que je ne sens plus mon cœur tant il me fait souffrir :
-Eslimea, écarte-toi !...
Mais Saldya réagit aussitôt, avant sa sœur :
-Non ! Je suis d'accord avec elle, nous ne bougerons pas et...
Levant les yeux vers le ciel, je me force à faire un signe à deux de mes gardes. Ils s'avancent alors et s'emparent de mes enfants. Elles hurlent. Syldia me supplie tandis que le garde l'éloigne :
-Maman noooon ! S'il vous plaît... je vous en prie, ne faites pas ça !...
Comment ai-je pu donner un cœur aussi généreux à mes deux princesses ? Mais je ne peux pas les abandonner. Pas maintenant. Si seulement Astra pouvait les accepter... J'hésite brièvement. La femme tourne alors ses yeux plein de défi vers moi et lance d'une voix forte :
-Vos enfants mourront. Avant vous. Ce sera notre seule vengeance, mais ça, je vous en fais le serment...
La phrase résonne et me frappe en plein cœur tandis que je sens quelque chose se figer alors dans mes veines. Aveuglée par un mélange de peur et de colère, oubliant tout le reste, je hurle :
-Feu...!
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