L'aéronef atterrit sur une autre plateforme en douceur. Je sors, sans même m'en rendre compte, et un soldat, le dénommé Denis je crois, me mets aux poignets des menottes tandis qu'Esteban explique, dardant son regard calme sur moi :
-Simple mesure de sécurité.
À vrai dire, je me sens... complètement ailleurs. Comme si je n'avais pas réellement conscience de tout ce qui était en train de se passer autour de moi. Je resserre mes bras autour du dragon, et les anneaux tintent dans un bruit de métal.
On m'entraîne à l'intérieur dans un bâtiment qu'une part lointaine de moi reconnaît. J'ai du mal à réfléchir tout à coup.
Avant de franchir la porte, je jette un dernier coup d'œil rapide au ciel incroyablement bleu et limpide puis me laisse conduire.
C'est la dernière fois que je vois le ciel d'Astra... Puisque d'ici quelques heures, je serais dans les étoiles.
-Vrrrrr...
Dynah vrombit contre mon ventre, réclamant de nouveau des caresses, mais je n'ai pas le temps, pressée par les gardes d'avancer.
Esteban propose alors tandis que nous franchissons une nouvelle porte :
-Voulez-vous que je prenne le dragon ? Juste le temps d'arriver à la salle de décollage ?
Je refuse d'un mouvement de tête. Je n'ai brusquement pas envie de le voir s'éloigner de moi, même pour passer dans les mains d'Esteban pourtant à mes côtés.
Nous nous arrêtons à une dernière sécurité. Tout a été renforcé pour me recevoir visiblement... La main d'Azylis ou celle de sa fille ?
Mais quelle importance après tout ?
À cette dernière porte à franchir la plupart de mes gardes restent en arrière tandis que viennent avec moi Esteban et le dénommé Denis.
Malgré le fait que je l'ai déjà vu des milliers de fois, je marque un léger temps d'arrêt en entrant dans la nouvelle salle. Celle du départ de Thaïs, d'Aevin, de Gaëtan...
Ma gorge se serre un peu plus en posant alors mes yeux sur ce qui occupe la plupart de l'espace disponible : un appareil qui ressemble à un immense train. À ceci près que celui-ci circule dans l'espace...
Les rails s'avancent en dehors de la salle, ouverte sur l'extérieur, sur plusieurs mètres. Je n'ai jamais eu peur d'un défaut de technologie et je fais donc parfaitement confiance à l'appareil pour qu'il décolle des rails avant que ceux-ci s'interrompent.
Les mécaniciens, les centaines de personnes œuvrant aux préparatifs de départ, ne se sont pas interrompus si ce n'est quelques uns qui me jettent de sombres regards.
Je relève les yeux, affiche un sourire ironique sur mes traits, avant que cette attitude ne s'efface pour un sourire franc qui me surprend moi-même la première, lorsqu'Ysaïne apparaît seule, se frayant un passage parmi les caisses, les techniciens et tout le reste.
-Enchantée de vous revoir ma tante...
Elle veut me serrer la main mais ses yeux se posent alors sur les menottes qui enserrent mes poignets. Elle relève les yeux vers Denis d'abord, puis sur Esteban, avant de demander froidement :
-Qui est responsable de ceci ?
Le jeune homme rétorque :
-Moi.
-J'avais dit...
Elle s'interrompt tout à coup et fronce les sourcils en le dévisageant avant de lâcher :
-Tu n'étais pas chargé de cette mission, je me trompe ?
-Non, tu as raison. Mais j'ai pris sur moi de le faire. Et j'ai eu raison, car sans menottes ta protégée ne serait jamais arrivée jusqu'ici...
Ysaïne le foudroie du regard, en demandant :
-C'est à dire ?
Mais je répond à la place d'Esteban avec un sourire neutre -ne pas penser à Astra et tout ira bien- :
-La foule m'aurait réduite en pièce dans cette tour où les entrées sont moins filtrées que dans les autres salles. Je n'y avais pas pensé mais c'est probablement vrai.
Je suis surprise moi-même de mon calme. Ysaïne paraît déstabilisée une seconde, me regarde moi puis se retourne vers Esteban pour dire :
-Désolée. Merci d'être venu...
-J'en avais assez du calme de chez moi. J'ai été accueilli par un incendie de mes bureaux à Ivy mais ça ne m'a pas déplu. C'est... original.
Elle grimace un sourire avant de lâcher :
-Toujours pas changé d'avis ?
-Non. Pas question que je t'accompagne là-bas.
Il fait une pause avant d'ajouter, amusé :
-Et le principe d'un garde du corps c'est de le garder près de soi. Pas de l'envoyer ailleurs -même si c'est important pour toi !-.
Ysaïne esquisse alors un superbe sourire, jette un coup d'œil amusé au garde qui lui répond par une grimace, tandis qu'elle répond :
-Très bien, désolée Denis. C'est la journée des excuses aujourd'hui...
Elle se tourne ensuite vers moi, avance la main et caresse un instant le dragon dans mes bras, avant de dire en relevant ses yeux bleus vers les miens :
-Je n'ai pas le choix, vous devez monter tout de suite à bord. Même avec des menottes... Je ne fais pas confiance à tout le monde ici.
J'acquiesce avant de demander :
-La navette spatiale de retour arrivera quand ?
-Trois mois environ.
Ysaïne se retourne ensuite et je la suis, sentant dans mon dos la présence d'Esteban et de Denis. Mais je n'essaierai pas de leur échapper... Ce serait du suicide.
Et malgré tout ce que l'idée a de séduisant, il n'entre pas dans mes projets de mourir des mains d'une foule en colère...
Tout à mes pensées, je n'ai pas remarqué que je suis déjà arrivé devant le wagon qui m'est désigné.
Etrangement, je repense alors à mes deux filles, avant de me reprendre, d'afficher un regard neutre, et d'entrer à l'intérieur à la suite d'Ysaïne.
Cette fois-ci, le tintamarre qui animait la salle semble s'être entièrement éteint. Plus personne ne parle ni ne bouge. Tous m'observent disparaître dans l'ombre et j'enfonce mes ongles dans les paumes de mes mains.
Astra, c'est eux. Ce sont chacun de ces hommes, de ces femmes et enfants... Ils me détestent. C'est donc mon pays tout entier qui me chasse.
Pourquoi l'avoir compris si tard ? Que cette ville, ces tours que j'aimais, n'étaient rien sans leurs habitants ?
Cela me transperce maintenant ce qui me reste de cœur avec la violence d'un éclair au milieu de l'orage, et je ne souris plus en m'asseyant dans le siège que l'on me désigne, dans une espèce de cabine de verre, tandis que Denis branche des électrodes sur ma peau, me connectant ainsi à l'ordinateur de bord.
Lorsqu'il a finit son travail, il s'éclipse sur un signe de ma nièce rapidement par la porte, tandis qu'Ysaïne ordonne d'un geste à Esteban de quitter lui aussi le wagon.
Ils obéissent, enthousiastes ni l'un ni l'autre.
Alors, la jeune femme se penche vers moi, me prends par surprise et dépose un baiser sur ma joue, plein d'une affection débordante. Avant que je me sois remise, elle est déjà debout, un brin d'air faisant voler dans son cou ses cheveux ramenés en un chignon sauvage, les joues rouges d'enthousiasme et les yeux brillants.
-Azylis n'est pas venue car elle craignait... de ne pouvoir regarder son ancien dragon sans le reprendre. Elle m'a chargée de vous dire au revoir. Maly aussi. Et moi je tenais à venir... Un jour nous nous reverrons, j'en suis certaine, et en attendant vous allez vivre quelque chose de merveilleux... Envoyez-moi des nouvelles de Sagan !
Et elle sort en coup de vent du wagon, n'attendant pas de réponse. De toute façon, je serais incapable de lui en donner une...
Un long sifflement jaillit alors quelque part dans la salle. Le départ est imminent, n'étais-je pas la dernière à devoir monter dans l'appareil ?
Adieu Astra.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top