Edilyn (Chapitre 15)

Être éternellement jeune... Comment Yves a-t-il pu réussir à me cacher un pareil "détail" ? Car j'ai bien remarqué qu'il n'était nullement surpris...

Mes doigts tapent en rythme sur mon bureau et je laisse mes yeux errer sur la fenêtre. Quels autres mystères recèlent encore Sagan ? J'aimerai les découvrir mais le pouvoir de mes gardes noirs risque d'être insuffisant.

Allons bon, cela ne doit pas être mon problème prioritaire. Je me lève de mon siège et m'avance dans la pièce sans réfléchir, juste pour essayer de me détendre un peu. Azylis revient avec son armée de rebelles... Elle est peut-être déjà à Astra. Mais je possède un dangereux avantage. Moi, je sais qui est leur héritière... Presque à coup sûr. Il me reste à le vérifier.

Mais quelqu'un toque à la porte du salon juste à ce moment là, me tirant ainsi de mes pensées, et je passe dans l'autre pièce pour répondre en me dirigeant vers mon fauteuil préféré :

-Entrez...!

La porte s'ouvre et Saldya pénètre dans mon salon. Elle se dirige vers moi et je lui adresse un joli sourire franc, oubliant pour quelques secondes mes soucis.

-Saldya ! Depuis quand toques-tu à la porte avant d'entrer chez moi ?

Elle ne répond pas tout de suite mais approche un fauteuil de moi avant de se laisser tomber dessus. Elle lève alors deux grands yeux graves vers mon visage et demande :

-Maman, cette cousine...

J'ai du mal à ne pas détourner la tête. Tentant de prendre une voix neutre, je demande :

-Oui ?

-J'ai lu dans un des livres-écran de la bibliothèque cette formule d'un des personnages : "sa vie contre la mienne". C'est ce que je suis venue vous proposer...

Maudits soient les livres trop romantiques ou idéalistes... Je me mords violemment la lèvre et réussis à articuler calmement :

-Que veux-tu dire exactement ?

-Je ne tenterai plus jamais de m'enfuir, je serais sage, je ne vous causerai plus le moindre soucis si vous gardez en vie notre cousine...

Je n'aime pas la façon dont mes deux filles semblent persuadées que je suis un tueur sanguinaire. Mais, dans le cas présent, il est difficile de leur donner tord... Je me lève de nouveau de mon fauteuil et m'avance sans un regard pour Saldya vers ma cheminée décorative. Mes doigts effleurent par habitude la petite statue de danseuse qui y trône toujours.

-Et si jamais cette Ysa perdait la vie, disons de façon accidentelle, que ferais tu ?

-J'irai trouver quelqu'un qui me déteste assez pour me tuer. Vous avez dit vous-même que c'était facile.

Je me retourne d'un bond et plonge cette fois-ci sans hésitation mes yeux dans ceux de Saldya. Je murmure :

-Tu me prends donc vraiment pour un assassin ?

Elle détourne la tête.

-C'est Eslimea qui m'a fait penser que c'était possible. Je... Je veux juste être prudente.

Elle relève la tête alors et affronte mon regard. J'ai du mal à me retenir de me retourner pour regarder la petite danseuse une nouvelle fois. Dans une telle attitude, Saldya ne peut que me rappeler mon frère...

Elle a quelque chose de noble qui me séduit malgré moi. En revanche, je sais que si cette Ysa est bien ma nièce, je ne peux me permettre de la laisser en vie. Il est trop tard pour tout changer.

Mais Saldya est tenace et n'abandonne pas si facilement. Elle se lève à son tour de son siège et s'avance de deux pas vers moi.

-Maman ?

J'hésite pendant quelques secondes. Je ne veux pas non plus perdre ma fille... Comme si elle devinait le torrent d'émotion qui me traverse, Saldya n'attend pas ma réponse et se dirige d'un pas hésitant vers la porte du salon. Une fois sur le seuil, je l'entends murmurer :

-Vous avez ma parole que je mourrai si elle ne reste pas en vie.

Et je me retrouve de nouveau seule. Je retiens un sourire narquois. Mes deux filles sont si opposées que je suis certaine d'en perdre au moins une des deux. Mais qu'est-ce-que je veux maintenant ? Eslimea m'a fait peur en me ressemblant de manière si frappante.

Mais suivre Saldya ? J'ai déjà essayé de revenir en arrière. Lorsque j'ai voulu rendre son trône à Gabriel... Mais il est mort ! Quelle est la logique de tout ceci ?

La porte s'ouvre alors de nouveau en coup de vent et Eslimea s'immobilise en face de moi. Je retiens mon sourire car je pressens que cette nouvelle conversation ne va pas vraiment m'aider à m'éclaircir les idées.

-Oui, Eslimea ? Que veux-tu ?

-Maman, Syldia est venue vous voir n'est-ce-pas ?

Elle est essoufflée d'avoir couru et ses cheveux ne sont pas coiffés. Elle n'est donc pas mon exacte réplique... Retenant un geste d'anxiété, je réponds d'une voix neutre :

-Oui, elle était là deux minutes avant toi.

-Nous avons beaucoup discutés hier soir... Elle est venue vous demander la grâce de notre cousine n'est-ce-pas ?

Je remarque l'effort qu'elle fait pour ne pas prononcer avec animosité les mots "notre cousine". Ses yeux brillent d'une étrange lueur mais c'est tout. Je sens malgré moi pourtant mon cœur se serrer. Syldia, en venant quelques minutes plus tôt avec toute son honnêteté, m'a touchée sans me faire peur. Suis-je en train de prendre son parti parce que je commence à penser qu'Eslimea risque de devenir très vite dangereuse ?

Mais cette dernière ajoute sans sourire :

-Maman, j'ai honte. Hier, quand nous avons discuté...

Quelque chose se fige en moi et mon cœur se met à tambouriner dans ma poitrine un peu trop fort.

-Oui, chérie ?

-J'étais en colère. Je voulais hériter, être la reine, diriger...

Ses yeux s'animent d'une lueur nouvelle tandis qu'elle parle et elle me semble plus joyeuse que quelques minutes auparavant. Je ne sais ce qu'elle va ajouter mais elle se rembrunit brusquement :

-Je... Je crois que j'aurai voulu qu'elle disparaisse vous savez, l'autre héritière...

Je m'approche d'elle de deux pas, sentant l'émotion me submerger, et demande d'une voix tendue par l'espoir :

-Mais tu ne le veux plus ?

Elle relève ses yeux clairs vers les miens et répond simplement.

-Non. C'est Saldya qui avait raison. Je ne veux pas voir cette cousine, ni la prévenir. Mais je ne veux pas la tuer. Je ne suis pas un assassin...

Elle frissonne aux derniers mots. Sans réfléchir, je la prends brusquement dans mes bras et la soulève de terre. Deux larmes roulent sur mes joues et je murmure :

-Sais-tu Eslimea ? Je crois que je n'ai jamais été aussi fière de toi.

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