Christian (Chapitre 103)
Un grésillement. C'est tout ce que j'entends d'abord. Et je fais comme tout le monde. Je lève les yeux vers la paroi bleutée du champ magnétique. Il clignote. Une fois, une deuxième...
On dirait que le temps est suspendu. Pendant quelques dixièmes de secondes la bataille paraît cesser avant que tout recommence avec deux fois plus de violence. Car le champ magnétique vient de disparaître comme un simple écran de fumée... Le palais n'est plus protégé que par les gardes noirs...
Je veux me redresser derrière ma pile de gravats, mais Sarah me retient d'un mouvement brusque :
-Et oh c'est pas fini ! Ne gâche pas tout en oubliant le minimum de prudence requis pour rester en vie...
Je ne réponds rien mais remonte légèrement mon oreillette et mon micro. Nous sommes juste devant le premier générateur que nous avons réussis à prendre et à désactiver. Je me tourne vers Sarah et nous échangeons un rapide coup d'œil avant que je ne lance :
-En avant ! Prenez moi ce palais coûte que coûte !...
Je sais que mon ordre résonne dans chacune des oreillettes de nos hommes. Alors seulement je me relève et me précipite en avant. Les tours scintillent dans la lumière du jour et pendant quelques secondes, alors que je tire devant moi sans regarder vraiment, je songe à la rage et à la colère qu'elles m'inspiraient. Avant que je ne rencontre Azylis.
Avant que le prince ne me sauve la vie...
Je ne sais pas combien de fois j'ai regretté qu'il ne m'ait pas laissé mourir. Tout aurait été tellement plus simple ! Azylis n'aurait pas cette éternelle étincelle de regret dans les yeux, je ne vivrai pas perpétuellement avec ce feu qui me ronge la poitrine, et je n'aurai pas à me battre contre mes principes. Pour cette royauté qui ne cesse de me donner des leçons.
Je n'ai jamais été un héros. Mais j'ai l'impression de lentement le devenir à leur contact...
Une légère douleur m'érafle le bras. J'avance encore plus vite et me plaque brusquement contre le sol. Lorsque je relève les yeux, je crois voir flou. L'une des grandes portes du palais se détache à moins de dix mètres...
Des gardes en sortent et commencent à se mettre en position de tir. J'ignore d'où viennent tous ces renforts mais je me prends soudain à songer que nous n'avons pas la moindre chance...
Un immense dragon bleu fonce alors droit devant nous sur le sol. Ses pattes et sa queue ballaient le sol et les gardes noirs sont obligés de s'écarter précipitamment tandis que la bête reprend déjà son envol. La gorge sèche, les mains et le dos trempés de sueur, je réussi pourtant à rebrancher mon oreillette.
-Azylis ?
-Christian ! Que veux-tu ?...
Mais je peux deviner l'étincelle de joie lorsqu'elle constate que je suis en vie avant qu'elle ne retrouve son ton de commandante. Moi je perds quelques précieuses secondes à suivre des yeux la trajectoire de Rebelle qui revient déjà à la charge.
Je demande d'une voix précipitée :
-Et leurs dragons à eux ? Pourquoi ne nous attaquent-ils pas ?
Mon cœur rate un battement lorsque la réponse parvient à mes oreilles.
-La totalité des dragons ennemis survivants a rejoint notre camp Christian. Je crois qu'un de leurs leaders les a convaincu qu'à nos côtés ils pouvaient être libres...
Je me relève. Je préfère ne pas baisser les yeux pour voir tous nos hommes à terre. La guerre est injuste. Je réponds comme à travers un songe :
-Tu as toujours su faire rêver Azylis...
Et je m'avance en avant en tirant. D'un rapide mouvement je change de longueur d'onde et je crie de toute mes forces :
-Maintenant !
Ce n'est pas précis mais chacun de mes hommes comprend. Nous nous précipitons vers l'ouverture comme si notre vie en dépendait, ce qui est sûrement le cas, vers les quelques gardes noirs qui tentent encore d'endiguer cette bataille qui semble pourtant maintenant perdue pour eux...
Je ne veux pas penser à Sarah. Que je n'ai pas revue depuis plusieurs minutes. Je ne veux pas penser à Azylis en danger pour qui mon cœur bat toujours aussi fort. Il n'y a que cette porte devant moi, ce but à atteindre...
Jamais je n'ai couru aussi vite. Jamais je n'ai senti à ce point mes yeux devenir fous. Des hommes s'effondrent à mes côtés mais je ne m'arrête pas. Une balle me déchire brusquement l'épaule et pendant quelques secondes j'ai le réflexe de ralentir. Mais les hommes derrière moi ne sont plus libres de leurs mouvements et de toute façon, il n'y a pas de retour possible.
Alors, une douleur effroyable me brûlant l'épaule, j'accélère pourtant ma course. Devant nous les gardes ont compris que tout était inutile. Ils tentent de refermer les portes. Mais il n'y parviennent pas...
Je franchis le seuil en même temps que le premier rang de mes hommes. Je suis en vie. Pour le moment.
Le hall est immense avec les deux grands escaliers de chaque côté. Je lance dans mon oreillette sans être certain que mes hommes m'entendront :
-Les escaliers !
Mais une marée de nouveaux gardes noirs apparaît alors en haut des marches immenses. S'ils se déplacent ainsi, c'est effectivement que les salles de transfert sont bloquées, comme je le pensais. Je n'oublierai jamais la fois où je me suis laissé piégé...
Mais je n'ai pas le temps de réfléchir. Parce que nous allons devoir continuer d'avancer malgré ces nouveaux hommes qui commencent à tirer. Parce que l'enfer n'est pas fini.
Mon arme à la main je continue de m'avancer. Mes mâchoires sont serrées, mes yeux assombris par la douleur qui me ronge l'épaule. Mais une voix résonne soudain derrière moi et m'arrache un très vague sourire qui tient plus de la grimace.
-Je suis étonnée que tu aies pu survivre sans mon aide...
Je ne me retourne pas vers Sarah. Elle s'avance à mes côtés, arme à la main également. Lorsqu'elle me dépasse, je remarque le sang qui lui macule l'un des bras. Elle me lance un regard, désigne des yeux ma propre blessure avant de hausser les épaules.
Sa chevelure brune disparaît devant moi quelques instants plus tard tandis que je cherche à accélérer.
Combien de gardes y a-t-il exactement dans ce palais ? Azylis doit y être entrée maintenant elle aussi...
J'ai l'impression que nous sommes tous revenus à la case départ. Que nous ne nous battons en fait que pour une gigantesque histoire de famille... Ou une question d'idées. Suis-je réellement du bon côté ? Et y a-t-il au moins un bon côté ?
Quelqu'un me cogne alors durement l'épaule et je blêmis. Je n'ai plus qu'une pensée à l'esprit. Continuer d'avancer. Quoi qu'il m'en coûte.
Au fond, la mort serait une délivrance. Idée que j'ai toujours farouchement repoussée. Parce que je n'aime pas fuir un combat, même quand il s'agit de celui de la vie...
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