Azylis (Chapitre 98)
Je suis encore en vie. Un miracle. En revanche il va falloir que je me plaigne au fabricant parce que mon bracelet de communication incassable... Il gît quelque part au fond de la rue. Enfin, si l'attache s'est brisée, peut-être que l'écran est effectivement intact... Aucune envie d'aller vérifier honnêtement.
-Maly ! Aide-moi s'il te plaît, vite !
Mes doigts s'accrochent désespérément au bord de la tour où Rebelle nous a envoyées d'un coup sans prévenir. Si mon robot a atterris où il fallait, moi, évidemment, avec ma chance, je suis en train d'essayer de regrimper et de ne pas tomber dans le vide (plus simplement la rue entre les tours).
Une main violette apparaît alors brusquement au-dessus de moi et je m'y agrippe sans réfléchir. Quelques secondes plus tard, je m'effondre sur la surface plane du toit en laissant échapper un lourd soupir.
Je murmure entre mes dents sans me relever :
-Plus... Plus jamais une peur pareille...
-Azylis, ce n'est pas le moment de te décourager, lève la tête et fais quelque chose...
Un sourire tendu affleure à mes lèvres et je hoche la tête avant de lentement obéir à l'injonction de Maly en lâchant :
-Oui moi aussi ravie de te revoir Lydie. Vraiment...
-Les présentations ce sera un autre jour !
Mais je ne l'écoute plus. Mes yeux sont rivés sur un spectacle à la fois plein d'horreur et fascinant. À quelques mètres de nous, dans le ciel, les deux grands dragons s'attaquent sauvagement.
C'est un curieux duel, comme je n'en ai jamais vu, entre deux monstres créés exactement dans ce but. Et Idwin ne ressemble plus qu'à une minuscule tache de couleur qui doit s'accrocher désespérément à son animal pour ne pas tomber.
Les dragons ont-ils encore conscience de la situation ? Je le pense puisque Rebelle s'interpose systématiquement entre nous et l'autre animal. Des cris sauvages, des grognements et le bruit des corps qui s'entrechoquent me parviennent tandis qu'un murmure s'échappe de mes lèvres :
-Non... Non ! Rebelle, éloigne-toi, protège...
Je m'arrête de moi-même sans regarder Maly immobile à mes côtés. C'est une bataille, comment puis-je espérer ne perdre aucun des miens ? Que deviennent Christian, Sarah, chacun de ses hommes qui se battent pour nous et surtout... ma fille ? Elle devait elle aussi superviser la bataille et... Ces pensées me traversent l'esprit en quelques secondes. Il faut que je fasse quelque chose, n'importe quoi.
Je me relève brusquement et cherche autour de moi des yeux sans trouver mon arme. Je prends alors la parole d'une voix décidée :
-Maly ?
Elle lève les yeux vers moi à son tour, aussi résolument que peut le montrer son visage d'enfant et demande :
-On fait quoi ?
Je réponds par une autre question sans prendre la peine de réfléchir une minute de plus. Le dragon bleu et le vert continue de se battre et je devine que l'un des deux devra mourir pour que le duel effroyable cesse. Ce ne sera pas Rebelle, je ne peux pas le permettre...
-Tu as ton pistolet ?
Maly le sort aussitôt de son étui mais ne me le tend pas. Elle demande au contraire :
-Tu veux tirer sur le garçon ?
Je réponds très vite sans quitter les deux animaux en plein ciel des yeux et en tendant la main :
-Non, c'est l'œil du dragon vert que je veux viser...
-Rien que ça ! Tu ne doutes pas de tes capacités !...
Elle se tourne alors sans mot dire vers les deux corps mouvants, étend le bras, et, avant que j'ai pu faire quoi que ce soit, appuie sur la détente.
Je me retourne prise de panique vers les dragons pour constater avec un indicible soulagement que le vert semble effectivement touché et Rebelle intacte. Elle n'a pas raté la cible... Un cri de douleur aigu comme je n'en ai jamais entendu traverse le ciel et je sens quelque chose se déchirer une fois de plus au plus profond de moi-même.
Mais je me tourne brusquement vers Maly et articule d'une voix rauque :
-C'était presque impossible mais je pensais que j'avais une chance avec mon entraînement... Comment as-tu fait ça ?
Malgré le drame, elle m'adresse ce qui ressemble à une grimace amusée et répond :
-À ton avis ? Un robot c'est comme un ordinateur... Et mes neurones calculent avec bien plus de précision la trajectoire de la balle que pour un cerveau humain...
Elle ne peux rien dire de plus car je m'aperçois alors que Rebelle profite de la faiblesse de son adversaire devenu à moitié aveugle. Ses griffes s'agrippent de plus belle aux écailles de couleur émeraude et le long cri prend un accent plus désespéré.
-Rebelle, arrête ! Rebelle tu m'entends ?
-Il n'obéit qu'à son maître ! Sale... dragon... domestiqué !
Elle déverse donc sur l'animal sa colère de toujours... Je n'ai rien pour l'arrêter et je sens l'horreur s'emparer de moi. Alors que je sais pourtant que c'est ça, la guerre...
Mais je relève alors les yeux. Une silhouette se profile à l'horizon et je retiens mon souffle avant de crier en esprit :
-Rebelle ! Un autre dragon !
-C'est pour me déconcentrer que tu...
Elle relève son long museau et ses griffes se détachent alors de l'autre dragon. L'animal reprend le contrôle de ses muscles et commence à tenter avant tout de rester en hauteur malgré ses ailes pratiquement brisées... Il me semble distinguer au loin un cri et je m'approche à l'extrême bord du toit. Idwin, toujours accroché à l'animal qui menace de tomber à chaque seconde, tente désespérément de m'atteindre :
-Azylis ! Princesse ! Je... À l'aide !...
Je n'entends plus sa voix lorsque je relève les yeux vers le nouveau dragon. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine et je manque de trébucher vers le vide. Satan... Et ma fille sur son dos. Ainsi que Camille.
Intactes, en vie toutes les deux... Tous les trois avec mon dragon.
Satan se dirige droit vers moi et je concentre alors toutes mes pensées vers lui pour hurler :
-Le garçon sur l'autre dragon ! Récupérez le !
-Quel...
-Derrière vous !...
Je ne vois pas comment ils pourraient sauver l'autre dragon même si cela me retourne le cœur. Satan tourne sur lui-même mais avant qu'il ait pu faire quoi que ce soit, Rebelle fend les airs au moment même où le dragon vert abandonne la course et commence à se laisser tomber dans le vide, n'ayant plus même la force de se maintenir en l'air.
Les serres de la dragonne se referment sur les épaules d'Idwin cinq mètres plus loin, sous les yeux d'Ysaïne qui pousse un cri qui se perd dans la nuit et que je n'entends pas.
À mes côtés, penchée comme moi au bord du toit, Maly demande d'une voix blasée :
-À quoi va nous servir ce prisonnier ?
Mes yeux étincellent mais je réussis à écarter mes lèvres dans un sourire sombre qui ressemble plus à une grimace.
-Je ne le sais pas encore. Mais je peux t'assurer qu'il a intérêt à être utile.
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