Azylis (Chapitre 44)
Quelques heures plus tard.
L'hôtel de ville. Je pénètre au premier étage de la tour et parcourt rapidement les différentes salles. J'arrive rapidement dans la plus importante, celle qui symbolise le pouvoir de la ville, le bureau du maire... Il est pour le moment désert à l'exception d'un des chefs de mon armée et de deux de mes gardes.
À la vue de Christian, je me précipite sans réfléchir vers lui, trop soulagée de le retrouver en un seul morceau, et calmement assis sur un siège à suspenseurs dans un angle de la pièce. Mon épaule m'étire toujours un peu mais le bandage à éléments de réparations automatiques mis en place par Maly me fait un bien fou...
Christian est effectivement bien plus touché que moi et je me force à étouffer sans succès ma grimace à la vue de ses multiples blessures et contusions. Si les dernières heures ont été éprouvantes en émotions pour moi, je ne risque pas d'oublier cet épouvantable vaisseau, je préfère ne pas s'avoir ce qu'a dû endurer Christian...!
Je m'arrête devant lui et un sourire me monte alors brusquement aux lèvres, malgré le côté un peu incongru de la situation.
-On dirait qu'on a réussi finalement, non ?
Il acquiesce et son visage s'illumine également. Le mien s'assombrit brusquement lorsque mes yeux se posent sur la gigantesque baie vitrée.
Il n'y a plus de vitre, (l'ensemble de la pièce est d'ailleurs dans un état inimaginable, des combats se sont déroulés ici), mais mes yeux sont fixés sur un gigantesque panneau qui couvre une tour entière en face de moi.
L'écran géant -par miracle intact- vient de s'allumer. Le visage d'Edilyn apparaît et je devine tout à coup que dans quelques secondes toute la ville entendra ce qu'elle veut nous dire.
Je laisse échapper une nouvelle grimace. Deux personnes viennent de pénétrer dans la pièce. Maly et Sarah. Mais je ne leur souhaite pas la bienvenue avec un sourire et elles me rejoignent devant la baie vitrée pour poser leurs yeux sur ce qui me préoccupe maintenant et elles aussi sans dire un mot. Christian est le seul à pousser un juron avant de murmurer entre ses dents :
-Ça ferait du bien une pause de temps en temps...
Exact. Mes sourires des minutes précédentes m'ont aidée à évacuer un minimum de ma tension. Mais je sens qu'elle va remonter en flèche...
Le visage d'Edilyn ne m'a jamais paru aussi sombre. Mais je devine alors que le message ne nous ait pas adressé spécialement : une icône en bas de l'écran indique que c'est une diffusion dans tout le pays... En clair, c'est un automatisme des écrans publicitaires de le transmettre.
-Vous avez osé ! Vous m'avez défiée !
Je ne recule pas mais me campe sur mes jambes. De son côté, Sarah malgré toute sa rage, n'a pas pu retenir un mouvement instinctif de dérobade. Qui s'attendait à une entrée en matière aussi violente ? La voix d'Edilyn, transmise par les micros de la ville encore en état de fonctionnement est tout simplement impressionnante et terrifiante. Si je ne la détestais pas autant, j'ignore quelle aurait été ma réaction.
-Vous avez attaqué ! Les rebelles, cette petite force dissidente sans envergure, ont obligé les civils à évacuer toute une zone de conflits... Une guerre civile ! Au nom de quoi ? D'un prince mort ? Ceux qui prétendent que je suis responsable sont des menteurs ! Qui a vu la scène ?...
La question reste en suspens dans l'athmosphere tandis que mon cœur se serre. Je connais la vérité. Elle ment en partie seulement... Je ferme les yeux, me force à inspirer calmement puis rouvre mes paupières. Un jour, il faudra que j'arrive à sourire lorsque l'on prononcera devant moi le prénom du prince...
Mais Edilyn n'a pas fini son discours. L'écran rend parfaitement chacune de ses mimiques et ses yeux semblent soudainement s'enflammer de rage lorsqu'elle ajoute :
-Mais ça... Vous avez cru que vous pourriez le faire ? Vous avez voulu tuer deux enfants !... Vos princesses Saldya et Eslimea sont toujours en vie... Mais toucher à la vie d'une personne royale m'oblige à ordonner une punition exemplaire.
Elle fait une pause tandis que je fais un pas en avant sans même m'en apercevoir. Dans la ville devant moi, ce n'est que décombres et incendies... À part cet unique écran qui semble être là pour nous annoncer un terrifiant danger...
Les filles d'Edilyn ont failli mourir... Je demande d'une voix que j'espère calme :
-Que s'est-il passé ?
Sarah répond froidement :
-Un soulèvement à Ivy. La foule à voulu détruire le palais, ils ont lancé des bombes, je viens de l'apprendre par télécommunication mais je n'ai pas eu le temps de t'en faire part...
Je hoche la tête sans répondre. Quelque chose me touche brusquement au fond de moi-même. Je ne souhaite à personne de perdre un jour ses enfants. Edilyn reprend alors la parole sur l'écran et je sens mon cœur s'arrêter de battre pendant quelques secondes avant de repartir dans une course folle.
-Cinq mille civiles d'Ivy seront tirés au sort. Et ils mourront tous demain...
L'écran s'éteint. Avant la communication, on entendait dans la rue de la ville et sur les routes en hauteur des chants et quelques uns de mes hommes qui riaient pour, comme nous quelques minutes plus tôt, évacuer la tension.
Mais il me semble soudain que l'air que je respire, qui vient de la fenêtre brisée, est empoisonné. Plus personne ne parle. Il n'y a plus que ce lourd silence comme un deuil en avance pour les condamnés... Je me retourne pour faire face à mes plus fidèles conseillers. Maly, Sarah et Christian.
Le jeune homme me lance un regard frondeur avant de dire :
-Quoi ? Qu'est-ce que tu veux qu'on y fasse Azylis ? Tu veux qu'on arrête tout maintenant c'est ça ?
Je secoue la tête. Je ne sais que répondre. Je finis pourtant par me décider et murmure d'une voix rauque mais suffisamment forte pour que tout le monde entende :
-On ne peut pas laisser faire ça...
Maly me dévisage quelques secondes avant de doucement se mettre à sourire.
-Et qu'est-ce que tu suggères alors ?
Je hausse les épaules.
-Je crois que je vais devoir réfléchir pendant quelques minutes.
Maly commente avec la voix de mon ancien petit robot :
-Ça me manque un peu tu sais l'époque où on fonçait droit devant nous sans se poser de question...
Je ne retiens pas un léger sourire malgré la gravité de la situation et rétorque :
-Pas de problème, on recommence quand tu veux... seule condition : quand il n'y aura plus de vies en jeu !
Elle lève les yeux au ciel avant de rétorquer :
-Alors ce n'est pas pour tout de suite !
Je me contente de sourire et m'avance sans un mot vers la plateforme derrière la baie sans vitre. J'ai besoin d'un avis extérieur... Une fois dehors, je fouille le ciel des yeux et lance l'appel muet :
-Rebelle ? Satan ?...
Il faut croire qu'ils étaient tout près puisque même s'ils ne me répondent pas, je les vois apparaître quelques secondes plus tard au dessus de moi. Il plongent vers la terrasse et Rebelle est la première à se poser dans un crissement de griffe. Satan ne tarde pas à s'immobiliser devant moi à son tour et avance même la tête à hauteur de la mienne.
Je lève ma main et caresse doucement ses écailles avant de reculer pour les avoir tous les deux dans mon champ de vision.
-Rebelle, avoir réussi à convaincre autant de dragons à rejoindre le combat... Merci !
Si c'était une humaine, je jurerais qu'elle hausserait les épaules. Mais elle se contente de dire :
-En argumentation, Maly est douée... Et on a eu plus d'une semaine.
Un sourire crispé me monte aux lèvres et j'acquiesce rapidement avant de poser ma seconde question, celle qui me tient le plus à cœur.
-Ok... Est-ce que tu crois qu'ils seraient prêts à nous suivre pour aller combattre à Ivy ?
-Je croyais que ce n'était pas prévu tout de suite ! Qu'est-ce qui précipite le programme ?
-On a cinq mille innocents à sauver...
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