Azylis (Chapitre 178)

Je me promène dans le parc, avec Maly courant à mes côtés. Je me demande parfois avec amusement si elle deviendra un jour responsable et raisonnable... J'espère bien que non. Pour le moment elle est occupée à me demander si je verrais un inconvénient à ce que nous partions à la chasse aux papillons.

-... Tu comprends Azylis, la botanique c'est intéressant mais les papillons c'est en plus drôlement joli... Qu'est ce que tu en dis ? On pourrait en prendre quelques uns, je suis certaine qu'on doit trouver quelque part des filets... Heu... Tu m'écoutes ?

Sur les derniers mots, c'est Lydie qui a pris la parole. Je me retourne vers le robot avec un sourire avant de répondre :

-Bien sûr. Mais là tout de suite je préférerais que l'on se promène juste et...

Mahaut me coupe déjà :

-À moins que tu préfères de la tyrolienne à la chasse aux papillons ?

Elle m'a coincée... Mes yeux brillent malgré moi et je ne retiens pas une question qui fuse de mes lèvres :

-Il y en a une ici ?

Maly penche la tête sur le côté, amusée, et s'apprête à répondre, lorsque j'entends derrière nous sur les graviers les pas de quelqu'un en train de courir. Je me suis à peine retournée que ma fille me rejoint, échevelée, rouge, les cheveux en bataille et les yeux brillants.

Comme d'habitude, elle porte un pantalon sombre et une tunique à capuche confortable... en revanche vu sa course elle a dû laisser quelque part Rajah.

-Maman, je voulais vous parler !

Maly demande tandis que nous nous dirigeons vers une jolie tonnelle :

-C'est une discussion confidentielle ?

Ysaïne veut répondre mais s'interrompt avant de se décider à dire :

-Non... Enfin je voulais te le dire de toute façon Maly...

Elle lève la tête ensuite vers moi, me regardant fermement, mais je remarque qu'une légère rougeur a envahi ses joues avant qu'elle ne reprenne un parfait contrôle d'elle-même, ce qui me surprend et attise ma curiosité.

Elle lâche de but en blanc :

-Ça s'organise comment un mariage de reine ? Je suppose que je ne peux pas faire comme tout le monde, évidemment ? Je ne suis pas encore arrivée au chapitre correspondant dans mon bouquin ou je l'ai déjà oublié...

Si Maly manque de s'étouffer -ce qui pour un robot qui n'a pas de salive et n'a pas besoin de respirer est très fort- je reste quelques secondes parfaitement immobile, sous le choc.

-Ysaïne ! Tu... tu...

Maly me glisse un joli sourire, m'envoie un clin d'œil, avant de tourner les talons et de s'éloigner d'elle-même. Ysaïne ne s'en aperçoit même pas et nous nous dirigeons silencieusement vers la margelle de pierres d'une fontaine devant nous sans réfléchir.

Lorsque nous sommes enfin toutes deux assises, Ysaïne explique d'un ton calme, tandis que je regarde le sol, perdue dans mes pensées :

-Ce n'est pas irréfléchi. Ça fait longtemps que je l'aime... Je ne le savais pas voilà tout...

Je relève alors les yeux vers elle et lui adresse mon plus beau sourire.

-Esteban ?

Elle hausse les épaules et répond d'une voix douce :

-Qui d'autre ?

Ses yeux brillent de cet éclat passionné que je lui connais, lorsqu'elle s'intéresse aux gens ou qu'elle s'enthousiasme, et je pose ma main sur son bras, avant de répondre avec toute ma sincérité :

-J'en suis vraiment contente pour toi Ysaïne... Je suis certaine que vous serez heureux tous les deux. Vraiment heureux.

Elle esquisse alors une petite moue et je vois percer derrière les sourires et le regard brillant toute l'inquiétude qui l'habite. Elle murmure enfin en se rapprochant de moi :

-Je ne sais pas. Nous avons passé les derniers jours à nous disputer pour tout et rien, et... c'est vrai que je n'ai jamais pris l'habitude d'écouter vraiment quelqu'un d'autre.

Je réponds calmement sans la regarder directement, observant un oiseau posé sur une branche avant qu'il ne s'envole et inspirant l'air pur sentant à merveille le début du printemps :

-La question est de savoir Ysaïne si tu es prête à faire l'effort d'écouter à partir de maintenant. Et à l'aimer vraiment... Le reste n'a pas d'importance si tu es sûre de toi.

Je me tourne vers elle et elle esquisse un sourire crispé avant d'ajouter avec un magnifique sourire encore hésitant pourtant, ce qui lui ajoute un certain charme indéniable :

-Merci, je crois que j'avais besoin de l'entendre !

Et elle se lève, aussi vite qu'elle m'avait rejointe, avant de repartir d'un pas rapide sur un dernier sourire.

Alors, alors seulement je peux comprendre, enregistrer ce que je viens d'entendre. Je n'ai retrouvé Ysaïne qu'il y a quelques mois, et je crois que pour moi, elle est encore quelque part la petite fille de cinq ans que j'ai tant cherché.

Alors la voir amoureuse... et prête à se marier ! Mon cœur s'emballe, je pâlis légèrement avant de me reprendre. Qu'est-ce qui me dérange dans l'idée ?

Et puis un sourire étire mes lèvres. Je ne peux m'empêcher de repenser à tout ce qu'il m'a fallu affronter pour retrouver Gabriel...

Une petite silhouette se faufile alors derrière moi jusqu'à me rejoindre et la voix malicieuse de Maly ne tarde pas à observer :

-Je crois n'avoir jamais été aussi discrète. Que t'a-t-elle dit ? J'abandonne la chasse aux papillons et la tyrolienne à propos, la nouvelle est bien plus intéressante...

Je ne réponds pas directement mais demande avec un sourire en coin :

-Juste une question Maly pour que je puisse répondre lorsqu'Ysaïne me demandera de nouveau, comment ça se passe un mariage royal ?

-Suffit de se renseigner sur celui d'Edilyn...

J'oublie toujours ce "détail"... sans doute volontairement. Penser au mariage, puis aux deux jumelles sacrifiées dans une guerre qui ne les concernaient pas m'emplit d'une sourde tristesse à chaque fois. Elles ne méritaient pas de mourir, elles n'auraient pas dû...

Et je sais en plus que même si Ysaïne n'en parle jamais, elle ne les a pas oublié. Je sais qu'elle les aimait sincèrement, ce qui me fait encore plus regretter les deux petites princesses disparues.

Elles vivantes, une part de moi pense qu'Edilyn aurait pu accepter de changer, tout abandonner et n'être un danger pour personne. L'autre part de moi-même en doute, parce que l'ancienne reine tient beaucoup trop au pouvoir pour s'en laisser déposséder sans se battre...

Maly murmure alors avec un léger rire :

-Tu sais quoi ? Je parie que ta chère fille va le détester, son mariage royal en jolie robe...!

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