Azylis (Chapitre 156)

1 mois plus tard.

J'entre seule dans la salle de mécanique du palais. Des dizaines de techniciens s'affairent partout et des milliers de câbles, d'écrans de toutes formes et de tout genre couvrent le moindre espace disponible.

Armés de tournevis à laser, de clous d'un alliage de titane et d'un autre métal que je ne connais pas, les différents hommes et femmes s'activent là à l'une des plus grandes entreprises de l'histoire : donner un corps robotique à toutes les "voix intelligentes" qui le désirent.

Je marche rapidement entre les établis, circule entre les rangées, et salue d'un grand sourire tous ceux qui m'interpellent d'un aimable bonjour.

Lorsque je pénètre dans la petite pièce contiguë, je pousse un soupir de soulagement. Je n'arrive pas trop tard... Il faut dire qu'assister Ysaïne à la réunion houleuse de ce matin n'a pas été de tout repos.

Un robot, parfaitement similaire d'un point de vue extérieur à une jeune humaine de vingt-cinq ans, est assis sur un large fauteuil, ceinturé et attaché de façon à ce que ses membres inertes ne tombent pas. La seule chose qui montre son inhumanité est son bras ouvert.

À l'intérieur du réseau de câbles est laissé une minuscule cavité. Un homme de trente-cinq ans, air sérieux mais jovial, s'approche alors de moi. Il me tend une petite boîte d'acier.

-Bonjour altesse... Voulez-vous le faire vous même ?

Un frisson de joie me parcourt lorsque j'allonge les doigts vers la boite. Je demande néanmoins avec hésitation :

-Vous êtes certain que je ne ferai pas de bêtises ? Je ne voudrais surtout pas gâcher quoi que ce soit !...

Il m'adresse un sourire rassurant et mes doigts se referment alors sur un petit rectangle froid. Je le prends dans ma main et lorsque je déplie mes doigts, je peux l'observer quelques instants. Il est blanc, translucide, mais parcouru de minuscules veinures qui semblent presque lui donner vie.

Je me tourne vers le corps robotique dépourvu d'intelligence artificielle et demande avec un léger frisson d'impatience et de joie :

-Comment dois-je faire ?

Le scientifique me désigne la cavité d'un sourire.

-Mettez simplement le boîtier là. Il devrait d'emboîter parfaitement...

Je m'exécute sous son regard attentif. J'ai déjà une fois "opéré" Maly... Mais je me sens encore plus gagné par l'émotion cette fois-ci.

Le boîtier est à sa place. Il envoie alors comme un électrochoc ou je ne sais quoi d'autre, et quelques secondes plus tard, tout le corps robotique semble agité de convulsions.

Je ne peux m'empêcher de me mordre violemment l'intérieur des joues et de demander avec émotion :

-Est-ce normal ?

Avant que le technicien puisse me répondre, la main du robot, soudain animée d'une vie propre, s'empare de mon poignet et les yeux de la jeune femme s'ouvrent pour se fixer sur les miens. Seul détail étrange de son physique : ses pupilles sont d'un splendide bleu turquoise qui ne fait absolument pas humain. Un souhait de...

-Ady ! Alors, comment te sens-tu ?

-Folle de joie ! Merci d'avoir tenu ta promesse Azou !...

Elle a lâché mon poignet et le scientifique quitte la pièce pour nous laisser toutes les deux. Prendrait-il lui aussi conscience de l'importance des robots ? De leur humanité paradoxalement ?

-Franchement, tu en doutais ?

Un large sourire éclaire ses nouveaux traits.

-Non Azou... Mais c'est très bizarre l'impression de pouvoir... bouger...

Ady veut se lever mais les sangles l'en empêche et je lui jette un petit coup d'œil amusé.

-Attend, je t'aide à te débarrasser de tout ça !

Pendant que je m'affaire sur les différentes cordes, Ady demande de sa voix qu'elle ne maîtrise pas encore complètement -elle semble elle-même étonnée de s'entendre parler ainsi et sa voix déraille parfois sensiblement lorsqu'elle se perd dans la contemplation des doigts de ses mains qu'elle plie et déplie- :

-J'ai toujours le contact avec l'aéronef ?

Je relève les yeux vers elle. Je finis de dénouer la dernière corde qui retient ses chevilles et suis accroupie par terre.

-J'ai tout organisé exactement comme tu le souhaitais. Lorsque quelqu'un active l'aéronef, tu commandes la machine à distance. Tu fais partie de l'appareil en quelque sorte... Tu es sûre que ça ne va pas t'énerver ?

Mais Ady secoue la tête vigoureusement en ajoutant :

-C'est ma maison ! Depuis le temps ! J'aurais détesté en être tout à fait séparée...

Je me redresse avec un grand sourire et réplique :

-Très bien. En attendant, tu veux découvrir le palais ?

Elle pousse un petit cri de joie et fais le geste de se lever. Sauf que ni Ady ni moi n'avions prévu le problème... Elle ne sait pas marcher.

Elle s'écroule à terre et tente instinctivement de se raccrocher à moi. Nous roulons toutes les deux sur le sol et après un moment de stupeur, nous éclatons toutes deux de rire. Je m'arrête au bout de quelques minutes et jette un regard plein d'affection à Ady.

-On va y arriver ! Je suis tellement contente de t'avoir à mes côtés !

Ady se redresse prudemment en position assise. Mais même là, elle tangue un peu, faute d'équilibre inné.

Elle s'approche prudemment du mur avant de me répondre avec un large sourire.

-Moi aussi ! Et j'ai hâte de découvrir tout ton entourage... Ta petite Ysaïne...

-Plus si petite que ça et tu le sais... si elle t'entendait !

Et je laisse un rire me gagner. Mais Ady réplique malicieusement :

-C'est ça, elle a dans les vingts ans n'est-ce pas ? Par rapport à moi... une peccadille !

Nous échangeons un coup d'œil complice avant qu'elle ne dise tout à coup d'une voix songeuse :

-Il y a deux autres de tes amis que j'aimerais beaucoup voir...

Je hausse un sourcil, intriguée de son ton presque mystérieux.

-Qui ?

-Tes deux dragons. Rebelle et Satan... Tu m'as tellement parlé d'eux ! Et ils me fascinent un peu...

Je secoue la tête avec un sourire calme.

-Mais eux ne veulent plus avoir de contact avec moi. Comment voudrais-tu que je te les présente ?

Ady tente de se relever, retombe, et je m'avance pour l'aider. Mais une armature de métal qui s'appuie sur vous... C'est affreusement lourd. Voyant ma grimace Ady me lâche pour s'aider du meuble le plus proche.

Mon regard se pose sur celui-ci après... On y voit imprimé dessus la marque de ses doigts. Je suis plutôt heureuse qu'elle ait changé de support !

Mais Ady termine d'un ton songeur :

-Je ne sais pas si j'y arriverai... Mais j'essaierai d'entrer en contact avec tes anciens dragons.

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