Azylis (Chapitre 137)
-Restez ici, nous irons prévenir nos parents après la réunion...
Je ne réponds rien mais hoche simplement la tête en direction de Meredith. La jeune femme m'adresse un regard tendu, assorti d'un sourire hésitant, avant de disparaître dans la foule.
Le frère et la sœur m'ont conduite dans ce qui ressemble à une gigantesque salle de réunion. C'est en fait une cave, de grandes dimensions, éclairés aux néons mais permettant de conserver une agréable fraîcheur dans l'endroit.
Je m'appuie contre le mur derrière moi sans vraiment réfléchir et laisse mes yeux se porter sur toute la petite assistance. La porte à ma droite ne cesse de s'ouvrir pour laisser entrer de nouveaux arrivants -je ne peux m'empêcher de m'étonner de n'avoir vu personne dans les rues-, et les rares sièges deviennent rapidement insuffisants.
Mais les hommes et les femmes présents, quelques rares enfants également, arborent tous le même air décidé et prêt à tout. Ce n'est certainement pas un manque de places assises qui les fera renoncer...
Mes yeux se portent ensuite plus en avant pour observer ce qui occupe tout le fond de la salle. Il s'agit d'une longue estrade de fortune, assemblée de planches rudimentaires et sur laquelle mon frère ne devrait pas tarder à apparaître...
Lorsque je tourne un peu brusquement mes yeux vers la gauche de l'estrade, mon regard rencontre celui de Tristan qui détourne alors rapidement le sien. Qu'est-ce que cela lui fait de savoir qu'il a devant lui sa tante ? Une revenante du futur ?
Je n'ose pas imaginer la réponse et reconcentre mon attention sur l'assemblage de planches de bois et la petite foule.
Tugdual vient de s'avancer sur l'estrade et je recule dans l'ombre instinctivement sans vraiment savoir pourquoi. Je le détaille une nouvelle fois, sans trouver de nouveaux détails. Le silence se fait alors sur la petite assemblée et Tugdual prend la parole d'une voix ferme qui porte dans toute la salle :
-Habitants du nouvel Astra ! Nous avons décidé, vous le savez aujourd'hui, de changer de capitale. Nous irons nous installer en bord de mer, là où les conditions de vie seront un tout petit peu plus faciles et...
Il s'arrête et relève les yeux. Meredith vient de se glisser à ses côtés et de simplement lui faire un signe discret que j'ai été la seule à remarquer...
Mais maintenant Tugdual et moi nous fixons tous deux des yeux et il me semble que quelque chose comme un courant électrique me traverse de part en part tandis que je soutiens son regard. Si, il a changé. Il semble plus mûr, plus décidé, mais aussi plus inatteignable...
Il ne laisse en effet pas le temps à la petite foule de se poser des questions et détourne brusquement les yeux avant de reprendre :
-Nous partons dans trois jours... D'ici là, il nous faudra encore tenir la ville quelques heures contre le parti Tenebris... Mais je ne doute pas que nous y arrivions. Unissons nos forces !
Il lève alors les bras d'un geste vif et tout le monde se met à siffler et à crier d'enthousiasme. Seules quelques personnes -généralement parmi les plus âgées- gardent à cet instant un air sombre, devinant les difficultés à venir. Mais je n'ai pas le temps d'entendre un mot de plus car quelqu'un pose soudain sa main sur mon épaule et chuchote à mon oreille :
-Azylis, viens, tu dois sortir d'ici...
Je me retourne d'un mouvement vif pour n'apercevoir que le dos de Marguerite qui sort déjà dans la rue par la porte ouverte. J'hésite un instant, relève les yeux vers l'estrade, puis me décide brusquement. Il faut dire que je viens de croiser le regard de mon frère et qu'il ne paraissait pas spécialement... amical.
Je m'engouffre dans l'ouverture sans plus réfléchir et, deux minutes plus tard, je suis dans la rue à l'atmosphère étouffante, appuyée contre un mur aux côtés de Marguerite.
Je veux prendre la parole mais elle plaque alors vivement une main sur ma bouche avant de regarder aux alentours. Puis, s'étant assurée que personne ne peut nous entendre, elle relâche sa pression tandis que je lui adresse un sombre regard.
-Ça ne te fait pas plaisir de me revoir ?
Elle paraît alors se détendre à ces quelques mots et un franc sourire étire ses lèvres. D'un mouvement vif, elle replace une mèche de son chignon derrière son oreille et réplique dans un chuchotement :
-Pas plaisir ? Oh, Azylis, bien sûr que si ! Vous m'avez tous tellement manqué ces dernières années...
Et elle fait alors quelque chose d'incroyable venant de la discrète mais caractérielle Marguerite que j'avais l'habitude de connaître : elle me serre avec force dans ses bras. Si un sourire me monte à moi aussi aux lèvres et que je murmure un franc "merci", je ne tarde pas aussitôt à me reprendre et à reculer pour dire :
-Tugdual m'a regardée bizarrement. Il n'est pas heureux, lui ?
Marguerite paraît hésiter quelques secondes et je m'empresse d'ajouter en fixant mes yeux bleus dans les siens :
-Tu me connais ! Sois franche s'il te plaît...
Elle acquiesce sans mot dire d'abord puis répond :
-Tu es en danger ici. Et...
-Et ?
-Je crois que ton frère a peur de ce que tu peux lui apprendre de l'avenir. Moi aussi d'ailleurs.
Je secoue la tête et parvient de peu à retenir mes larmes de déception en me mordant violemment les lèvres jusqu'au sang. Je murmure d'une voix à la limite de la colère :
-Tu imagines ce que c'est Marguerite ? J'ai fais tout ce voyage, découverts que ce que je connaissais avait disparu, dans le seul but de vous retrouver... Vos enfants commencent par m'attaquer, tu m'expliques que je ne suis pas la bienvenue, et Tugdual a peur de moi !
Mais une voix grave résonne soudain derrière moi et je sens une main puissante se poser sur mon épaule.
-Azylis ! Je regrette ce que j'ai pu penser ou dire. Mais ma chère femme et toi, vous vous trompez toutes les deux. Je n'ai pas peur de toi mais pour toi. Comprends-tu ?
Je me retourne d'un bond vers mon frère mais ne lui adresse pas tout de suite un grand sourire. Je me contente de le foudroyer du regard.
-Tu sais quel âge j'ai ?
-Aucune idée. Avec tous ces voyages dans le temps...
Il s'interrompt aussitôt et fixe lui aussi les alentours comme Marguerite quelques minutes plus tôt pour constater qu'il n'y a que nous trois dans la rue dévastée. En tout cas à première vue. Mais je ne me laisse pas intimider et me contente de lâcher froidement :
-Je suis assez adulte en tout cas pour être responsable de ma propre sécurité.
Les yeux de Tugdual s'illuminent alors mais c'est Marguerite qui me répond doucement :
-Tout le monde est d'accord là-dessus. Mais, Azylis, tu ne vas pas me dire que tu n'as pas peur pour nous ?
Si... Bien sûr que si. J'aimerais les savoir en sécurité, les protéger si je le pouvais... Ma colère s'éteint aussi vite qu'elle était apparue et j'échange avec eux un immense sourire en murmurant :
-Bon sang qu'est-ce que vous m'avez manqué !
Mais quelques secondes après avoir serré dans mes bras mon frère, je recule de nouveau et demande, anxieusement :
-Qui anime la réunion en ton absence ?
-Un ami, ne t'inquiète pas pour ça Azylis...
Marguerite reprend alors la parole avec un sourire amusé aux coins des lèvres tandis que je songe une fois de plus que je risque de ne plus pouvoir respirer d'ici quelques minutes s'il n'y a pas une rafale de vent frais...
-Alors, comme ça, nos enfants t'ont attaquée ?
Tugdual éclate d'un rire franc et je ne peux m'empêcher de rire aussi. Mais je redeviens tout à coup plus sérieuse et demande :
-Quel âge a Tristan ?
Tugdual, comme s'il devinait ce que je vais dire, murmure d'une voix soudain étrange tandis que j'oublie le côté irréel de la situation et le décors pour me concentrer sur mes pensées :
-Il a quatorze ans...
Ma réponse est immédiate :
-Et il doit savoir se battre à cet âge-là ? Tugdual, Marguerite, je peux vous mettre en sécurité ! Vous pouvez tous revenir avec moi dans le futur...
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