Azylis (Chapitre 122)
Ysaïne me jette un regard stupéfait en redressant la tête.
-Sarah est partie ?
J'acquiesce sans ajouter un mot et croise les bras. La nouvelle n'a pas l'air de perturber ma fille qui hausse les épaules tandis que je m'appuie au battant de la porte. Elle se contente de commenter :
-D'une certaine façon, je ne trouve pas cela très étonnant. Elle ne rentre jamais dans le cadre, non ? Alors rester ici maintenant que tout est fini...
Je regarde Ysaïne tout en songeant qu'elle n'a pas complètement tort avant de me mordre la lèvre inférieure d'un mouvement machinal car je revois dans le même instant le regard de Sarah lorsqu'elle a entendu les paroles que Christian m'adressait... Je réponds alors d'un ton un peu brusque :
-J'aurai juste aimé que cela se passe autrement... Et qu'elle ne parte pas en Eveland.
Ysaïne redresse de nouveau la tête, quittant des yeux la masse de paperasse décourageante empilée sur le bureau et les écrans qui ne cessent d'émettre des "bip" régulier annonçant le reçu de nouveaux messages pour demander :
-L'Eveland ?
Ses yeux bleus se font un instant rêveur avant qu'elle ne secoue la tête et hausse de nouveau d'un mouvement un peu plus forcé les épaules. Elle change d'elle même de sujet et me désigne d'un mouvement désespéré la masse de travail qui l'attend :
-Je n'y arriverai jamais !
Je m'avance alors rapidement vers ma fille et un sourire franc monte à mes lèvres. Je rétorque avec des étoiles plein les yeux en la serrant contre moi doucement. Bon sang... elle m'a manqué pendant tellement d'années !
-Bien sûr que si Ysaïne ! Tout le monde croie en toi...
Elle se détache de moi et rétorque en reculant de deux pas et en écartant les bras en signe d'impuissance :
-Mais justement c'est là le problème ! Je ne suis pas une princesse bien sage et bien comme il faut... Et je suis de moins en moins certaine que ce soit moi qu'il faille couronner dans quatre jours !
Elle lance un regard incendiaire à la pile de papiers devant elle et à l'un des écrans qui s'illumine de nouveau. Mais je rétorque avec sérieux :
-Justement, je crois que pour remettre ce fichu pays d'aplomb, il ne faut pas quelqu'un d'habituel...
Elle hausse un sourcil, profondément amusée, et demande :
-Ce fichu pays ? Maman ! Et la grandeur d'Astra ?...
Nous éclatons d'un rire joyeux ensembles avant qu'elle ne fronce les sourcils de nouveau et ne dise :
-Il y a quelque chose qu'il faut que je vous dise... Je compte aller voir Edilyn cette après-midi. Je veux notamment lui demander de quelle façon elle avait des nouvelles de Sagan exactement... le réseau de lien informatique n'a pas l'air assez précis à ce sujet. Mais aussi lui parler tout simplement.
Ysaïne s'assoit cavalièrement sur le bord du bureau et prend d'un mouvement machinal une cigarette dans sa poche avant de la reposer avec une grimace en lâchant :
-Ah oui... J'oubliai ! Princesse parfaite...
Je réponds avec un sourire :
-Toujours...
Je me rembrunis ensuite légèrement en songeant à ce qu'elle vient de me dire. Je ne peux m'empêcher de rester extrêmement méfiante en tout ce qui concerne Edilyn. Et, bien malgré moi, il reste toujours dans mon âme quelque chose du frisson que j'ai ressenti la première fois que j'ai revu Ysaïne. Elles se ressemblent tellement physiquement ! Et Edilyn reste si dangereuse... Je me force à adopter une attitude neutre comme si c'était un sujet anodin et réponds :
-C'est vrai que depuis qu'elle est au secret... Aucun de nous n'est allé la voir. Tu as raison, mais tu ne veux pas que je t'accompagne ?
Ysaïne ne répond pas tout de suite mais fixe ses yeux dans les miens sans les en détourner. Le silence dure ainsi quelques minutes tandis que je ferme pendant un instant les yeux, comme pour tenter de cacher la colère qui m'habite depuis la disparition de Gabriel au sujet d'Edilyn... Ma fille murmure enfin d'une voix très douce :
-Je ne suis pas certaine que ce soit une excellente idée... Qu'en pensez-vous ?
Nous nous fixons de nouveau avant que je ne hoche la tête lentement avant de lâcher :
-Tu as raison.
Ysaïne passe alors une main dans ses cheveux bleus d'un geste nerveux avant de sauter du bord du bureau au sol tandis que je réalise que pendant quelques secondes le moment a été tendu entre nous.
Il faut dire que nous sommes toutes les deux... aussi caractérielles l'une que l'autre... Mais je ne veux pas d'affrontement entre nous. Et Ysaïne non plus, ce qui me conduis à espérer que tout aille bien. Je me force à me détendre et jette un coup d'œil à la fenêtre. Des robots -sans conscience, simples mécaniques- réparent l'immense terrasse de verre et d'ici deux jours, elle sera probablement entièrement reconstruite s'ils continuent à ce rythme régulier. Mais il y a tellement de chantiers où ils sont nécessaires !
Ysaïne me sort de mes pensées à cet instant précis en passant devant moi et en s'arrêtant à quelques pas de la porte. Elle reprend d'une voix songeuse tout à coup la parole :
-Vous savez pour Sarah... Je crois que vous ne devriez pas vous en vouloir. Ni Christian parce que je suppose que vous êtes plus ou moins en cause... Peut-être qu'elle sera plus heureuse maintenant ? J'ai l'impression qu'elle a toujours cherché à avoir quelque chose qu'elle n'attendrait jamais...
Je veux répondre mais Ysaïne m'adresse un léger sourire avant de reprendre la parole plus rapidement :
-Je vais voir Esteban. Tout ce bazar... Je verrai ça une fois que j'aurai une couronne sur la tête !
Elle désigne les écrans qui continuent de s'illuminer et les différents papiers et je cache un nouveau sourire. Parce que je sais qu'Ysaïne reviendra avant d'être reine ! Et que j'espère qu'elle finira par aimer Esteban...
Elle ouvre alors la porte et pousse un petit cri de surprise :
-Maly ! Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'entrais pas ?
-J'ai eu l'impression que c'était une discussion sérieuse. Et comme je suis quelqu'un d'extrêmement poli... Comment ça va Zazou ?
-On n'avait pas dit à un moment donné pas de surnom ou mon imagination me joue des tours ?
Mon robot répond du tac au tac :
-Personnellement aucune de mes mémoires ne se souvient d'une chose pareille... Ça promet !
Ysaïne rétorque d'une voix faussement grave :
-Quoi Maly ? Fais attention ou je te fais virer du conseil !...
Mon robot préféré de toujours se contente de remarquer d'un ton docte en levant les yeux au ciel :
-Eh bien ! Ça promet ! À peine future reine et déjà autoritaire et folle ! Même pas fichue de se souvenir que je suis la seule à avoir le droit de la surnommer !
-Maly...
Comme voix menaçante on a déjà fait mieux... Et le robot répond effectivement :
-T'inquiète Zazou ! Je ne juge pas !
Ysaïne se tourne alors vers moi, me lançant au passage un regard faussement navrée de la bêtise de ma mécanique avant de sortir en haussant une fois de plus les épaules et avec malgré tout un sourire grandissant aux lèvres.
Mais Maly entre alors rapidement dans la pièce et referme la porte avant de s'immobiliser devant moi. Je demande d'une voix déjà légèrement inquiète :
-Qu'y a-t-il ?
Les yeux violets de Maly semblent devenir graves et elle répond doucement :
-Azylis, c'est juste que tes deux dragons... Nos bestioles pénibles, tu dois voir de qui je veux parler ?
Ma gorge se serre et je me contente d'acquiescer.
-C'est fait... Je veux dire, ils s'en vont. Si tu veux leur dire au revoir... C'est maintenant d'après Rebelle. Et tu as intérêt à te dépêcher d'après Satan...
Je ne devrais pas me sentir aussi triste du départ des deux dragons. Mais j'ai tellement espéré jusqu'au bout gagner leur amitié... Je demande d'une voix qui déraille sur les dernières syllabes :
-Où sont-ils ?
-Tour numéro cinquante-deux. Au nord du palais sur l'une des rares terrasses réparées...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top