Azylis (Chapitre 117)

Maly m'entraîne dans les couloirs mais je ne peux quitter des yeux mon écran qui me retransmet en direct le plus grand discours de l'histoire... parce que c'est celui de ma fille.

Une bourrasque de vent soulève les cheveux bleus d'Ysaïne qui scrute l'assistance en semblant attendre une réponse. Le gigantesque drapeau derrière elle claque au vent lui aussi mais le silence continue d'être aussi assourdissant.

-Maly, je crois que ça ne va pas. Ils ne vont pas accepter la punition d'Edilyn, on ferait bien de...

Je m'arrête dans le couloir. L'un de nos soldats en faction me lance un regard avant de retrouver son expression neutre tandis que mon robot préféré s'empresse de revenir sur ses pas.

Elle se penche avec moi sur l'écran et nous retenons toutes les deux notre souffle. Elle est la première à distinguer les premières notes :

-Azylis, écoute ! On dirait qu'ils... qu'ils chantent.

Je ne réponds rien tandis que mes doigts se crispent sur la surface de verre. Je n'ai plus rien à craindre, tout Astra clame de la manière la plus belle possible son attachement à sa princesse... Et à sa volonté. Je me remets à marcher dans le couloir avant d'éteindre d'un geste vif mon écran.

La chanson ne veut pourtant pas quitter mon esprit. Sortant de ces milliers de bouche, elle semble résonner jusqu'à cette aile du palais. Le chant de la mort du prince. De l'adieu au prince. Cette mélodie que je ne pourrai jamais oublier...

Mais les notes sont portées différemment, et les paroles ont changées. Même si toute la chanson en elle même est là pour montrer que tous acceptent Ysaïne comme la fille de Gabriel...

Maly se retourne vers moi et un joli sourire fleurit sur ses lèvres violettes.

-Je crois que tu n'as plus à t'inquiéter non ? Ysaïne s'en sortira toujours désormais... On court ? Sans utiliser les salles de transfert ?

Son sourire est si communicatif. Abandonnant toutes mes craintes, je laisse un rire profond, à la fois beau et merveilleux m'envahir.

-D'accord mais tu m'attends ! Courir à côté d'un robot c'est toujours décourageant !

Elle hausse les épaules avec un petit regard appuyé puis rétorque :

-Mmm... Je vais réfléchir. En tout cas la dernière arrivée aux appartements d'Edilyn est la perdante...!

Je ne réplique rien parce que je commence déjà à courir derrière le robot violet qui me devance évidemment. Je grimpe les marches de l'escalier le plus vite possible, traverse en coup de vent deux couloirs devant mes gardes médusés, avant de m'immobiliser devant une grande double porte de verre solide. Maly m'adresse un sourire :

-On dirait bien que tu as perdue...

Puis, redevenant sérieuse tandis que je tente de retrouver mon souffle et de ne pas de nouveau éclater de rire devant sa mine faussement sérieuse, elle poursuit :

-Tu entres la première ?

J'hoche la tête et m'avance de quelques pas. Ma main se pose presque d'elle même devant le scanner avant que celui-ci n'émette un "bip" sonore et que le battant ne s'écarte. J'aurai aussi bien pu le pousser à la main mais il était verrouillé...

Je pénètre dans la pièce sans attendre, aussitôt suivie de Maly. Nous marquons toutes les deux malgré nous un léger temps d'arrêt devant le petit salon miraculeusement épargné par la bataille des derniers jours.

Maly demande :

-Où a-t-elle dit que cela se trouvait ?

Je désigne la porte sur notre gauche avant de répondre doucement en laissant mes yeux enregistrer chaque détail de la pièce :

-Dans sa chambre.

Alors Maly s'avance dans la direction que je lui ai montrée, et, après être restée encore deux minutes immobile, je me décide à la suivre et passe dans l'autre pièce.

La chambre est meublée assez simplement par rapport au salon. Une grande glace avec une coiffeuse juste en dessous occupe le mur sur ma gauche tandis qu'un large lit de bois verni occupe le panneau opposé. Une peau de tigre couvre une partie du parquet impeccablement ciré tandis qu'une immense penderie occupe le dernier mur. J'aperçois également dans un angle un élégant bureau couvert en partie d'un écran numérique à images tridimensionnelles. Maly se dirige sans hésitation vers la coiffeuse, plus particulièrement vers l'un des petits tiroirs finement ouvragés.

Elle hésite un instant à l'ouvrir puis se tourne vers moi pour demander :

-Tu y crois vraiment ? Qu'elle ne nous ai pas menti ?

Je m'approche de l'unique grande fenêtre de la pièce -qui n'ouvre pas sur un balcon- et me penche vers la vitre froide pour entendre le chant de toute une foule qui retentit toujours dans les hauts-parleurs de toute la ville.

-Je suis certaine qu'elle nous a dit la vérité Maly. Je ne peux pas l'expliquer mais j'en suis absolument sûre...

Je me retourne alors vers elle avec un léger sourire et demande avec une étincelle rieuse au fond des yeux :

-Notre redoutable future ministre aurait-elle peur ?

Une de mes nouvelles initiatives. Mais qui a véritablement enthousiasmé Ysaïne... Elle est maintenant totalement convaincue de notre égalité vis-à-vis des dragons et des robots et, lorsque mes yeux se posent sur Maly, je ne peux m'empêcher d'en ressentir une véritable joie au plus profond de moi-même.

Maly esquisse une petite grimace dans ma direction avant de rétorquer :

-Quoi ? Moi, avoir peur ? Non mais tu vas voir ça Azylis !

Et elle tire fermement à elle le tiroir tandis que je cache un léger sourire. Pourtant, je suis beaucoup plus grave lorsque je vois son visage s'immobiliser totalement lorsqu'elle plonge les yeux dans le contenu du fameux tiroir. Me serais-je trompée ?

-Maly, qu'est-ce que...?

Elle relève la tête vers moi et laisse tomber avec émotion :

-Azylis, dans le tiroir il y a une espèce de disquette. Mais ce n'est pas la mémoire qu'Edilyn m'a promis de me rendre d'après le papier à côté...

Je retrouve toute ma gravité pour dire avec déception :

-Maly ! Je croyais vraiment que...

Mais elle m'interrompt avec un regard si lumineux que je me tais aussitôt pour pouvoir l'écouter.

-Attends Azylis ! Tu ne comprends pas ! D'après le papier il s'agit en fait de toutes mes mémoires réunies. Lydie et moi, mais aussi toutes celles antérieures que l'on me supprimait chaque année !

Je n'attends pas un mot de plus et me précipite en avant à ses côtés. Mes yeux tombent sur le papier blanc et parcourent en moins de quelques secondes les quelques lignes tracées.

Chaque année, au moment de l'effacement, un robot particulier marquait la même horreur. C'était très étrange car elle était la seule ainsi. La seule à redouter invariablement cette étape alors même qu'elle ne se rappelait pas l'avoir détestée un an plus tôt. La petite fille que j'étais trouvait cela horrible... Je détestais ça. Alors à six ans, j'ai demandé au responsable d'enregistrer les mémoires supprimées, année après année. Un caprice d'un jour oublié le lendemain... Lorsque j'ai demandé à l'un de mes hommes de conserver la mémoire Lydie/Maly que je voulais pouvoir observer, il m'a révélé ce détail que j'avais oublié depuis toujours. Elles sont ici maintenant. Sur la disquette. Que personne ne me demande jamais pourquoi je ne les ai pas détruites ! Peut-être en souvenirs de la petite fille de naguère... Je n'indiquerai cet endroit que si je suis sur le point de mourir ou de tout perdre. Que cela n'arrive jamais !
Edilyn.

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