Ady (Chapitre 158)
Je me penche au-dessus de l'abîme sans manifester la moindre peur. Je porte des chaussures de cuir serrées montantes assorties à des genouillères et une robe courte marron.
La nature est presque totalement sauvage dans cet endroit d'Astra.
J'ai dû marcher sur plusieurs kilomètres de forêt sur une vague piste non-régénératrice d'énergie après avoir abandonné mon aéronef à la batterie vide. Fichu manque de prévoyance !
Mais mon cœur métallique pouvait soutenir la course ainsi que mes jambes... Je relève d'un mouvement gracieux la tête vers le ciel et mes yeux aux reflets turquoises se fixent sur une silhouette mouvante dans le ciel. Un dragon.
Du reste, des cris aigus surgissent de l'immense canyon de temps à autre et si sa profondeur et sa largeur ainsi que sa luxuriante végétation ne permettent pas toujours d'en déterminer l'origine pour des oreilles humaines, je n'ai personnellement aucun problème pour les repérer.
Azylis et son inséparable petite créature violette ont essayé en vain de me retenir. Enfin, surtout le robot parce qu'Azou serait bien venue avec moi...
Mais c'est vrai que c'est plutôt dangereux. Les dragons ne sont pas des créatures à mettre en colère... Finalement, j'ai simplement choisi de fausser compagnie à mes deux amies. Pourquoi ai-je tellement envie de voir cet endroit de mes yeux ? Il me fascine c'est tout. Y a-t-il une raison ? Probablement pas...
À cette idée je me relève brusquement, éclate d'un rire léger qui résonne dans l'air, et secoue mes longs cheveux sombres. Je tiens enfin sur mes jambes ! Pas une mince affaire ça. Bien plus facile de programmer et de gérer l'aéronef spatio-temporel !
Un nouveau cri plus aigu et proche que les précédents m'interpelle de nouveau et j'hésite quelques secondes. Je n'ai pas peur. Enfin... Un peu peut-être.
Surtout quand j'entends soudain comme un immense coup de tonnerre derrière moi. Je me retourne précipitamment et manque perdre l'équilibre. Ah, pas tout à fait au point encore ma démarche.
Mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir plus. À environ cent mètres de moi vient d'atterrir un dragon rouge -pas si grand que ça par rapport à ceux d'Azylis tel que je me les imagine- mais déjà bien imposant.
L'animal pousse un rugissement et s'approche d'une démarche presque aérienne malgré sa masse. Un nuage de fumée sort de ses naseaux et un éclat rougeoyant traverse de temps en temps ses yeux. Je me raccroche de toutes mes forces à une unique pensée : mon corps et celui de l'animal ont été conçus de manière compatible. C'est à dire que -normalement, hum, et c'est le moment de le vérifier !- nous pouvons communiquer.
Je lève la main instinctivement pour me protéger lorsque l'animal est suffisamment proche pour me déchirer d'un coup de dent -quoique l'armature de métal lui donnerait probablement quelques difficultés-
Je tente de hurler en esprit :
-Non ! Je viens en amie, en visite !
Ça n'a pas l'air de fonctionner. Je recule de quelques centimètres. Le gouffre s'ouvre à moins d'un pas derrière moi... Aïe, c'est probablement le moment où le robot d'Azylis s'exclamerait : ça sent le cramé !
Je tente malgré tout un nouvel essai.
-Écoute-moi ! Je veux juste parler à Rebelle et Satan !
Le dragon avançait sa gueule ouverte mais s'immobilise soudainement. Il redresse la tête et ses écailles miroitent au soleil. Il griffe le sol de sa patte avant dans un geste hésitant et une voix rauque résonne soudain dans ma tête tandis que je pousse un soupir de soulagement. Enfin, pas tellement sauvée encore !
-Il n'y a pas de visiteurs ici. C'est interdit aux humains. À tous les humains.
Je n'ai pas très envie de le provoquer. Vraiment pas. Mais je crois que c'est plus fort que moi... Azylis a probablement raison de dire qu'elle ne se lie d'amitié qu'avec des fortes têtes douées pour toujours agir avant de réfléchir.
-Je ne suis pas un être humain. Pas une humaine.
La voix qui me répond est cette fois-ci simplement pourvue d'une ironie grinçante.
-Ah non ? Qu'est-ce que tu es alors ?
Je ne me démonte pas et relève la tête. Très haut parce que malgré le fait que ce ne soit pas un "grand modèle", il me dépasse tout de même de je ne sais combien de mètres exactement.
-Un robot. Et fier de l'être.
Ça, c'était peut-être en trop. Mais l'animal semble à la fois curieusement amusé et intrigué à la fois. Il penche la tête sur le côté comme s'il réfléchissait et observe :
-Durant mes tours de garde j'ai croisé beaucoup de choses. Des humains, des animaux délicieux à croquer sous la dent... mais jamais des robots dépourvu de prudence et de bon-sens.
-Heu... disons plutôt que je n'ai pas encore beaucoup d'expérience.
-Retourne d'où tu viens. Ce serait dommage que tu n'aies pas le temps d'en gagner.
Le moment dans un film où le héros fait prudemment demi-tour. Enfin, dans un film normal. Il n'en existe pas beaucoup d'après les soirées que j'ai passées avec Maly, les yeux rivés avec stupéfaction sur tout ce qui se passait sur l'écran devant nous.
-Non. Je veux vraiment voir les deux dragons dont je t'ai parlé tout à l'heure.
L'animal pousse un profond grognement et il me semble l'espace d'un instant apercevoir une flamme qui jaillit de sa gueule en même temps qu'un sifflement suraigu.
-Ne pousse pas ma patience à bout. Robot ou humain, cela m'est égal. Si j'étais à ta place je m'en irais tant que je le peux encore...
Il ne m'a pas encore brisée en deux. C'est plutôt bon signe. Ou pas. Parce qu'il paraît franchement impatienté. Mais je risque quand même :
-Et si je leur dit que je suis une amie d'Azylis Astra ?
Le dragon paraît de nouveau surpris et redresse la tête. Une lueur de respect traverse ses prunelles avant qu'il ne réplique, brisant là mes espoirs de le faire changer d'avis :
-Nous la respectons tous. Elle est unanimement aimée des dragons. Mais cela ne change rien à notre désir de vivre loin des humains... Va-t-en...
Je me campe fermement sur mes deux jambes pour toute réponse avant d'articuler :
-Je ne bougerai pas d'ici.
L'animal pousse un soupir et un nuage de fumée noire m'envahit. Ce qui n'a pas beaucoup d'effet vu que je ne respire pas...
En revanche lorsqu'il allonge sa patte griffue et me balance dans le vide en murmurant dans ma tête sans autre forme de regret :
-Navré.
Là, je le sens passer. Et je pousse un hurlement en sentant mes pieds quitter la terre ferme et déraper sur la terre meuble du bord. Je tente de m'agripper désespérément à la végétation mais cela ne fait ralentir de quelques secondes le moment l'instant fatal.
Je suis créée comme une humaine. Et c'est bien la terreur qui s'empare de moi en voyant le fond du canyon se rapprocher à toute vitesse tandis que je hurle :
-Ahhhhhhhh !
Foutu dragon.
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