Chapitre 52 : Derniers préparatifs

Olympe sourit, son regard traversant les corps alignés comme s'ils n'étaient faits de rien, comme si elle voyait au-delà de leur enveloppe charnelle et de tous ces artifices. Après un moment, elle jeta son dévolu sur Delkateï qui s'interrogeait encore de sa présence parmi eux :

—Bonsoir Delkateï, comment te portes-tu ?

—J'imagine que vous connaissez déjà la réponse, avança celui-ci, prudemment.

Un rictus de convenance et un poil désolé se dessina sur ses lèvres alors que l'Italien ne cessait de la dévisager. Son visage n'était pas sans défaut et son nez légèrement aquilin concurrençait sa bouche très fine. Malgré cela, Olympe les hypnotisait de son apparence angélique et l'élégance de sa personne toute entière. Une aura d'une puissance incontestée la rendait presque intouchable. Ses ailes blanches rappelaient à tout instant son appartenance divine et la raison de sa venue.

—Oui, bien sûr, admit-elle. Bonsoir à tous.

Des salutations très peu enthousiastes lui répondirent. Chacun était partagé entre l'espoir d'un quelconque soutien et la peur qui ne souffrait plus aucune limite.

—Si l'on a fait appel à moi, j'imagine que le moment est venu.

Elle échangea une œillade entendue avec Jyn dont la gravité se fit moins vive après cette attention particulière. Ludo se rapprocha encore davantage d'Andrew qui dépassait largement ses camarades. Le silence qui suivit fut court, mais suffit à instaurer un climat de malaise et de tension entre les élèves.

—De quel moment parlez-vous ? Celui de mettre fin aux agissements de l'espion ? s'enquit le géant, de son éternelle voix basse et suave.

—C'est exact. Il vous faut y mettre un terme.

—Vous saviez avant nous que c'était Jo ? grinça Delkateï qui portait en lui cette rancœur inexplicable pour le Panthéon ancestral qu'il vénérait pourtant encore.

—Non, aucun des Dieux ne le savait, tu as notre parole. Le contrôle d'Aïrès ne s'étend pas encore jusqu'ici, mais Jo porte en lui sa marque. Nous ne pouvions donc pas l'identifier.

Eole s'appuya contre le rebord de la fenêtre, pris de violentes nausées. Il n'avait pas récupéré toutes ses forces et conservait toujours les vestiges de la nuit dernière. Stigmates que le cœur arborait timidement. Du coin de l'œil, Déméter s'assura qu'il asseyait un semblant d'équilibre avant de reporter son attention sur Olympe. Tous les yeux étaient posés sur elle et cela ne paraissait en rien la gêner.

Calysta se sentait, en cet instant plus que jamais, de trop. Comme si sa place n'était pas ici, mais dans sa chambre, en attente du jugement relative à la trahison commise. La pièce inhabituellement surpeuplée lui rappelait sans arrêt ses torts et les solutions qui s'offraient à elle avant qu'elle ne sombre totalement, sans la moindre chance de se repentir. Jo n'était pas seulement un garçon intelligent, il se révélait un manipulateur hors pair, capable de détruire un être sans la moindre culpabilité. Cela justifiait que trop peu son silence aux yeux de l'Irlandaise. Plus personne n'ignorait le rôle qu'elle avait joué dans ces événements, ses positions inconfortables venaient d'être découvertes.

—Qu'est-ce que vous voulez que l'on fasse exactement ? interrogea Déméter, en écho aux pensées de ses camarades.

—On a besoin de quelque chose de précis, on ne connait pas ses pouvoirs ni de quoi il est capable, renchérit Aaron avec hargne.

Ils n'étaient que des adolescents et devaient déjà abandonner l'insouciance de l'enfance pour ce que les adultes ne parvenaient pas à envisager. Cette perspective avait de quoi effrayer n'importe qui et Delkateï perdit une fois encore le fil de ses pensées. Il s'imagina face à Jo qui n'aurait aucun scrupule à le détruire, qui se dresserait devant lui avec toute la cruauté qui le caractérisait. Lui, un élève parmi les autres et qui s'était fondu dans la masse sans le moindre mal.

—Nous le concevons parfaitement. Nous savons aussi que vous avez entre vos mains les capacités de l'arrêter.

—On ne sait même pas qui sont les Instincts et, sans eux, on a aucune chance ! s'exclama l'Italien, la mâchoire contractée

Ils étaient véritablement désemparés, face à un problème qu'ils ne sauraient résoudre seuls. Ils en tremblaient en silence, comme au bord du gouffre et poussés à sauter sans la moindre chance d'y échapper. Ce sentiment était le bon, le plus exact, celui qui décrivait le plus justement la sensation des élèves.

—Les Dieux ne peuvent-ils pas nous venir en aide ? s'enquit Eole, sa voix empreinte d'un désespoir véritable et d'un profond respect en l'objet de ses paroles.

—Vous devez comprendre que le pouvoir des Dieux s'étend dans le monde céleste. Ils ne peuvent agir sur le vôtre à proprement parler et les Instincts leur permettent de combattre. Votre essence humaine se mélange à leurs pouvoirs divins. Ici, ils ne sont qu'une entité extrêmement puissante sans impact réel sur l'espèce humaine et sur le Mal qui progresse sur Terre. À l'heure actuelle, ils ne leur est pas possible d'intervenir, expliqua soigneusement Olympe.

—Pourquoi ? Les Instincts sont ici ! Y'a ce qu'il faut et le danger est sous notre nez, reprit Delkateï, tentant de contrôler l'amertume et la violence qui semblait justifier le moindre de ses gestes.

—Ils ne sont pas tous ici, répliqua Jyn, tranquillement.

Un silence s'abattit comme un couperet et envahit la pièce. Les étudiants se liquéfièrent face à cette information des plus inattendues.

—Quoi ? s'écria Calysta qui aurait souhaité, jusqu'alors, se faire oublier.

—Jyn, qu'est-ce que tu racontes ? ajouta Ludo, une expression effarée se peinant sur son visage.

—Il en manque combien ? surenchérit l'Italien, allant à l'essentiel.

—Votre ami dit vrai, trancha l'ange, rejetant ses longs cheveux blonds derrière ses épaules délicates. L'un des Instincts n'a pas encore fait son entrée à Diolyde, mais cela ne saurait tarder.

Delkateï sourcilla. Lui, la pièce manquante à cet immense puzzle. Lui, dernier élève à venir grossir les rangs de l'école qui n'existe pas. Et si tout cela ne tenait à rien de plus qu'une réalité falsifiée, le fantasme d'un esprit troublé. Le Napolitain tombait de haut, s'heurtant à une déception typiquement humaine, égoïste et adolescente.

—Et comment fait-on pour tenir tête à Jo seuls ? demanda Aaron, d'une voix grave. Je veux dire, dans le sens pratique.

—On a besoin d'ordres que ce soit de Kourrage, de vous ou de n'importe qui, on s'en fout de la personne. On peut juste pas se pointer devant lui comme ça. On fait quoi ? On lui met une droite en plein dans la gueule, on le descend ou on l'amène au bureau et on laisse les adultes se débrouiller de ça ? rugit Delkateï, la rage s'écoulant d'entre ses lèvres comme par tous les pores de sa peau.

Chaque personne présente dans le dortoir rejoignit, plus ou moins, ces quelques paroles. Comment pouvait-il en être autrement ? La peur les rongeait et l'on plaçait en eux bien trop d'espoirs pour qu'ils le supportent sans dommages. Jo les attendait quelque part, prêt à les tuer les uns après les autres s'il le fallait. Il lui suffisait de prendre la vie à Delkateï et à suffisamment d'Instincts pour que l'école tombe ainsi que le monde avec elle. Le monde où le Bien et le Mal ne cessaient jamais de s'affronter et dont l'équilibre tenait sur deux établissements dont l'existence demeurait un lourd secret.

—Je viens de la part des Dieux, énonça Olympe sans se dépourvoir de son calme devenu règle d'or. La Mort de ce garçon n'est pas une obligation et nous ne souhaitons pas faire de victimes même s'il s'agit d'un représentant d'Aïrès. L'avenir est trop instable pour être lu, ce qui excuse l'impuissance de votre ami.

Un regard pour Jyn suffit à conforter ses cadets sur l'identité de cet « ami ». Ce dernier paraissait moins sombre qu'à l'ordinaire et cette réflexion effleura chacun des élèves. La pureté et la lumière qui irradiait de la créature paraissaient déteindre sur le Finlandais. Constat des plus étonnants et dont le fondement reposait à la fois sur une vague impression que sur un sentiment véritable.

—Cependant, je peux vous donner les indications qui nous ont semblé les plus logiques et qui vous offriraient le plus de chance de triompher de l'espion.

—Des indications claires ? insista Déméter, un brin d'espoir trônant dans les intonations de sa voix.

—Oui et vous ne pouvez pas tous faire face à ce garçon au même moment. Il vous faut agir de manière plus sensée et prendre en considération ce qui peut encore l'arrêter.

—Qu'est-ce que vous suggérez ? demanda encore Andrew, plus que jamais impressionnant de par son calme et sa grande taille.

—Ecoutez-moi attentivement et, surtout, gardez bien ces conseils à l'esprit. L'échec aurait des conséquences immenses et inenvisageables.

Après une profonde inspiration, Olympe se lança dans de longues explications qui reposaient, comme promis, sur des éléments concrets. Déméter se rendrait dans la salle où le corps de leur camarade avait été retrouvé et où Jo se trouvait sans l'ombre d'un doute. Il serait accompagné de Calysta, Jyn et Andrew. Ludo ainsi qu'Eléonore et Delkateï resteraient devant la porte au cas où les choses tourneraient mal. Enfin, Eole et Aaron seraient chargés de réunir Kourrage, Eran et Laurian face à la pièce.

Des instructions simples qu'ils accueillirent d'un hochement rapide de la tête. Les quatre premiers adolescents se retrouvaient confrontés au danger et ils n'avaient pas été choisis au hasard. L'Irlandaise restait la petite amie de l'espion et peut-être un moyen de pression sur celui-ci. Les pouvoirs d'Andrew et de Jyn représentaient un atout de taille. Ludo rechigna à se trouver éloigné de son ainé, mais concevait parfaitement son manque d'utilité face à une menace aussi grande. Il sentait, par ailleurs, l'agitation de la Sixième zone et peinait à y être insensible.

Delkateï demanda à Olympe la raison de son choix le concernant et cette interrogation tira un sourire à l'ange. Elle répondit :

—Nous ne connaissons pas la nature des pouvoirs du garçon. Il s'attend certainement à ce que tu sois le premier à vouloir l'anéantir et nous ne pouvons prendre le risque de le laisser faire. Andrew et Jyn se chargeront de la première offensive.

Les concernés approuvèrent l'idée et Déméter ne tenta pas de la contredire. Il cherchait toujours sa place, la raison de sa présence alors qu'il ne possédait aucune faculté particulière.

—Connaissez-vous l'un de ses points faibles ? Sa faille ? s'enquit encore le géant, prêt à se défaire de cette menace qui rodait depuis trop longtemps à son goût.

—Les élèves de la Sixième zone ne sont pas censés avoir de... points faibles, articula difficilement Ludo, à la place de la personne concernée. Ils n'ont... pas le droit d'en avoir.

Chaque regard se posa sur la silhouette frêle du garçon qui déglutit péniblement, regrettant déjà son geste. Forcé de poursuivre ce qu'il venait seulement d'esquisser et encouragé par Andrew, il reprit :

—Ils sont entraînés comme des armes et Jo doit être puissant s'il a été choisi par la Sixième Zone.

—Il est là depuis six mois et il n'a jamais fait de bruits, acquiesça Déméter.

—Les coups peuvent les blesser, mais je pense que leur parler de leur choix serait une meilleure idée. Lui parler tout court en fait, débita Ludo, triturant nerveusement ses mains.

—Bien. Delkateï, je te préviendrai lorsqu'il te faudra entrer dans la partie. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne chance. L'avenir de la Terre dépend de vous !


Un chapitre plutôt long mais qui annonce la dernière ligne du tome : nos héros vont devoir faire face à Jo et l'arrêter, quoi qu'il arrive !

Le prochain chapitre se nomme "les dès sont jetés" et il sera temps de se jeter dans la gueule du loup, d'une manière ou d'une autre :3

Sur ces mots, je vous embrasse ~

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