Chapitre 47 : Le cœur du maléfice
[Et on continue sur la lancée avec le visage de ce cher Delkateï !]
Aaron avança de quelques pas, laissant la voie libre à une Eléonore particulièrement bouleversée par la situation. Les seules explications que le garçon lui avait présentées ne la soulageaient en aucun cas et avaient même ravivé une inquiétude sourde. Dépassée par ce qui se jouait sous ses yeux, les pieds ancrés dans le sol, elle entendit à peine la porte se refermer derrière elle. Un regard avait suffi à Eole, ou à l'être qui l'habitait pour effectuer ce miracle. Cela couplé à la terreur que lui inspirait cet endroit, elle se sentait sur le point de s'effondrer.
—E-Eole, est-ce que c'est toi ?
Un sourire immense dévora le visage fin et dépourvu d'imperfections de l'intéressé. Un rictus que le Russe aurait été incapable d'arborer aussi fièrement et qui alerta encore davantage la jeune femme. Elle pouvait s'imprégner de la noirceur des lieux, cette aura maléfique qui avait bien failli la voir sombrer. Cette attirance grandissante pour le Mal propre à chaque être humain. Elle déglutit péniblement, projetée au cœur de l'horreur.
—Ma douce Eléonore...
Un frisson parfaitement visible parcourut l'entièreté de son corps alors que la petite assemblée se raidissait sous ces paroles empreintes de sarcasme.
—Navré de te décevoir, mais ce n'est pas Eole.
Delkateï serra les poings, prêt à assister au jeu malsain de la créature qui semblait prendre un plaisir pervers à profiter de la faiblesse de ses cadets. La sphère d'énergie brillait encore entre ses doigts et chacun s'interrogeait sur ce qu'il comptait en faire. Était-ce une simplement tentative d'intimidation ou bien plus que cela ?
—Qu'est-ce que vous lui avez fait ? demanda la Brésilienne, la voix secouée par des trémolos incontrôlables.
—C'est une longue histoire, mais je ne doute pas que tes petits amis seront ravis de te la conter plus tard.
—Reste à savoir si nous serons encore en vie pour exaucer son souhait, prononça Jyn, bien trop calmement pour ne pas effrayer davantage ses camarades, comme si cela lui était égal.
Un rire glaçant retentit alors que Kristal laissait échapper une euphorie qui n'aurait jamais dû exister. Une dérision folle pour un sujet devenu sensible. En ces lieux et en cet instant précis, la mort s'approchait trop pour s'en amuser, comme d'un rien. Déméter se maudit pour ne pas avoir saisi l'occasion de s'échapper lorsqu'il en était encore temps. Aaron ne comprenait rien à l'absurdité de tout ceci, mais une œillade de Delkateï le dissuada de revendiquer ce droit à la connaissance. La situation se faisait bien trop complexe pour se risquer à de telles fantaisies.
—Ne me déçois pas Jyn, tu sais tout comme moi que je ne compte pas les tuer. Les petites affaires des Dieux ne me regardent pas et je ne suis pas suicidaire au point de m'attaquer à leurs protégés.
Delkateï grinça des dents à l'entente du mot « protégés ». Était-il réellement cela aux yeux de ces divinités ? Ou de simples jouets sans volonté destinés à combattre à leur place ?
—Et puis, Aïrès serait trop avantagé s'il m'en venait l'envie de vous détruire, ce ne serait même plus...
—Je ne faisais pas allusion à toi, le coupa le Finlandais, sèchement. Tu ne représentes pas le seul danger que nous courrons, que tu en aies conscience ou non. Est-ce de cela que tu souhaites te cacher ? Tu n'étais rien jusqu'à ce soir pour eux tous, est-ce douloureux que cela ?
Aaron opina très lentement avant de prendre son courage à deux mains, mu d'une impulsivité des plus brutes, et d'ajouter :
—Y'a l'espion et il est jamais loin.
—C'est à vous de vous occuper de l'espion, pas à moi, éructa la créature alors que son incantation crépitait dangereusement autour de lui.
—C'est le problème de tous les élèves de Diolyde, débita Delkateï, le regard noir.
L'attention du démon fut soudainement mobilisée par le vortex qui diminuait d'intensité à ses pieds. La magie qui s'en échappait s'emmêla dans ses cheveux, heurtant son visage de marbre. Il se délectait du spectacle, il avait devant les yeux la marque la plus indéniable de la présence de l'espion entre ces murs.
—Vous cherchez tous sans voir que le cœur du problème se trouve juste sous votre nez...
—Je ne comprends pas... balbutia Eléonore, à mi-voix.
—C'est là que tu passes le plus clair de ton temps, je me trompe ? C'est ici que mes pas m'ont guidé et je comprends mieux pourquoi. Ne t'inquiète pas pour ton Eole, tu le reverras demain et en pleine forme. Il y a bien plus urgent à constater.
Il se pencha juste au-dessus du vortex, détaillant les volutes sombres qui se rejoignaient en un point précis pour disparaître dans l'obscurité. Où cela menait-il ? La réponse paraissait évidente, presque trop pour que personne n'y ait jamais . Lui seul connaissait la solution à cette précieuse énigme, jouissant pleinement de cette large supériorité.
La Brésilienne peinait à y croire tandis que, étonnamment, l'être qui habitait le corps du garçon, semblait moins menaçant que tantôt. L'intérêt qu'il portait pour la noirceur de cette pièce était commun au sien et elle ne pouvait qu'en avoir honte. Combien de fois avait-elle failli se jeter dans la gueule béante qui s'ouvrait à ses pieds ?
—Le grand saut est tentant, n'est-ce pas ? s'enquit Kristal, à son égard. Ne me dites pas que vous ignoriez ce qu'il se passait ici.
—Je ne l'avais jamais vu de mes propres yeux, chuchota Déméter, dans un sourcillement.
—J'ai l'honneur de vous présenter la porte d'entrée de l'espion et du Mal. Cette chose-là vit et finira par engloutir l'école tout entière. J'ai bien envie de voir comment vous comptez encore l'arrêter.
Le silence s'installa alors que les pensées de chacun ne chevauchaient pour ne jamais réussir à se matérialiser réellement. Seul Jyn y parvint, remplissant son rôle à cœur tandis qu'il énonçait avec grandiloquence :
—Et si je te dis que l'espion compte s'en prendre à Eole ? Est-ce que ça te donnerait l'envie d'agir ? Ou cela t'ait-il égal ?
Malgré tous les efforts de Kristal, la tension qui s'invita dans le corps de son hôte se révéla bien visible. Prendrait-il un tel risque ? Cette nouvelle changeait-il réellement sa manière de raisonner ? Devrait-il croire les paroles de cet adolescent qui se sentait bien plus qu'homme ?
—Est-ce que ça te fera repenser à ta décision ? Si Eole meurt, tu n'es plus rien ? Tu es toujours certain de ce que tu penses, démon ?
La magie de l'intéressé disparue et l'obscurité gagna toute la pièce. Des étincelles entouraient ses doigts, illustrant le trouble qui le gagnait petit à petit. Le risque était grand, trop grand certainement pour être pris. Le Finlandais avait touché juste et sa clairvoyance l'avait aidé, tout comme tous les éléments associés en cette soirée. Chacun avait sa place. Jyn appuyait à l'endroit où la douleur serait la plus vive, modelant l'avenir comme bon lui semblait, quitte à le manipuler à sa guise en profitant de l'ignorance de ses congénères.
—Tu sais que je te tuerais si tu mens, humain, répliqua la créature, crument.
—Le mensonge n'a jamais rien apporté à mes semblables, pourquoi m'y risquerais-je ?
L'autre se mordit la lèvre et son regard chercha l'entourloupe dans ce qui avait été dit. Sa position devenait délicate et il haïssait cela. La situation lui échappait comme elle avait filé entre les doigts des adolescents. Il ressentait cette même peur, cette angoisse incompréhensible et l'inquiétude qui pressait sa poitrine. Ce corps dont il avait si longtemps souhaité le contrôle lui faisait désormais défaut. L'ironie du sort lui tirait une grimace, une douloureuse grimace de défaite.
—Si l'espion touche Eole, il te touche aussi et il a déjà tué des gens, avança Déméter, moins sûr de lui qu'il ne l'aurait souhaité. Il n'hésitera pas à se sâlir les mains une fois de plus.
—Je sais de quoi il est capable, rétorqua l'intéressé. Certainement plus que vous tous réunis !
—Dis-nous qui c'est ! exigea Delkateï, d'une voix forte. C'est pas un putain de jeu où tu interviens seulement quand ça te chante ! Dis-nous qui est l'espion !
—Non. Pas ce soir.
Le regard glacial accrocha celui de l'Italien et les orbes planent comme la surface d'un miroir s'accordèrent à celles, presque aussi impressionnantes du Napolitain. Un duel silencieux que le démon n'était plus certain d'emporter. Il déglutit péniblement avant de prononcer :
—Jyn peut prévoir le futur proche de n'importe qui en ces murs, le futur immédiat et Eole le savait. C'est de cette manière qu'il vous a mené jusqu'ici, mais son pouvoir s'éteint ici. Il savait pourtant presque dans les moindres détails ce qui allait se produire ce soir.
Kristal marqua un temps d'arrêt tandis que les élèves tentaient de trouver un rapport avec l'interrogation de Delkateï. L'incompréhension tapissait les visages, les affligeant de cette émotion savamment étudiée. La surprise ne tarda pas à s'y ajouter alors que le Finlandais demeurait parfaitement impassible, comme insensible à ce qui le concernait pourtant.
—Votre ami sait mieux que personne que je ne dirai rien de plus ce soir.
Un chapitre plus court que celui l'ayant précédé !
Je voulais une telle conclusion et j'espère que la partie en elle-même vous aura plu. Dans le prochain chapitre, "Corps et âme", on retrouve le "vrai" Eole, bien qu'il soit légèrement ... perturbé ?
Etant en voyage scolaire toute la semaine prochaine, je ne suis pas certaine de pouvoir publier (sachant que je rentre le vendredi mais que je serai sûrement débordée x3).
D'ici là, portez-vous bien :3
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top