Chapitre 44 : Unique allégeance
[Je prépare un gros dessin dont voici une petite partie, Aaron dans un style chibi]
Delkateï pénétra dans le réfectoire, le pas vif et le visage fermé. La colère semblait se matérialiser autour de lui telle une aura sombre et repoussante. Il hésita avant de s'installer à la table occupée par Aaron, Déméter, Eole et Calysta. La pièce se vidait lentement, mais le brouhaha demeurait toujours omniprésent, à la limite de l'insupportable.
—Bien dormi ? le salua la jeune femme.
—Pas trop mal.
—T'as loupé le contrôle espèce de veinard, on s'est tous plantés ! Même Eole n'a rien compris au sujet, tu imagines ? Et toi, tu t'es perdu ? demanda l'Australien, un sourire immense semblant narguer la mauvaise humeur de son homologue au creux des lèvres.
—Nan.
Le rictus fana et tous les regards convergèrent sur la silhouette courbée de l'Italien. Ce dernier se servit une assiette copieuse de coucous, évitant soigneusement les légumes baignant dans la sauce épicée, avant d'entamer son repas et de répondre, après plusieurs poignées de secondes :
—Mauvaise rencontre.
Immédiatement, l'attention de la tablée fut ravivée. Chacun ne put s'empêcher de penser à l'espion, d'envisager une piste nouvelle. Une lueur d'espoir que Delkateï ne sut comprendre. Il enfourna plusieurs cuillérées de nourriture sans remarquer les œillades de ses amis.
—Mec, y'a moyen que ça soit lui ? reprit Aaron, dirigé par une aspiration aussi folle qu'incongrue.
—C'est pas parce que je me suis frité avec quelqu'un que c'est forcément la menace ultime. Encore heureux, la liste serait longue !
Calysta sourcilla, mais garda le silence encore un moment. Ses ongles manucurés tapotaient le bois alors qu'elle réfléchissait, cherchant le regard du Napolitain. Elle le laissa manger quelques interminables secondes, rassemblant un courage qui lui manquait de plus en plus régulièrement. Sa voix suave se prêta une place au sein des conversations lointaines :
—On s'était mis d'accord pour se dire s'il y avait quelque chose qui nous paraissait suspect ou si quelqu'un avait un comportement étrange. Si quelqu'un s'en prend à toi maintenant ce n'est peut-être pas à cause de...
—De quoi ? s'enquit Delkateï, accordant ses orbes à celles, d'un brun automnal, de la jeune femme.
—De ton foutu caractère de merde, articula Déméter, son regard doux contrastant avec la violence de ses dires. Désolé.
L'autre ne trouva pas la force de le blâmer. Le sourire du garçon avait certainement ce pouvoir, endormir momentanément la colère. Il passa sa main dans ses cheveux d'un vert vif avant de pousser les aliments dans son assiette à moitié vide. Une manière bien à lui de se chercher une contenance.
—Y'a rien qui doit être négligé au point où l'on en est, avança Eole, de sa voix claire.
—C'est toujours aussi facile à dire, gronda l'Italien.
Celui-ci soupira. La pression redescendait ainsi que l'adrénaline. Il s'attendait à voir Jo apparaître à chaque instant, à ce qu'il se jette sur lui à peine aurait-il passé le pas de la porte. Les sens encore vifs, il s'invita au calme et à un état d'esprit un peu plus appréciable. Il avisa Jyn, assis seul à une table de l'autre côté de la pièce et se demanda s'il ne serait pas préférable de le rejoindre. Il échapperait ainsi aux multiples questionnements qui lui paraissaient bien rudimentaires.
—J'vous fais un rapport dans les formes ? Merde, c'est vraiment ce que l'on attend des élèves ici ? Un putain de rapport de mini justiciers ?
—On ne le fait pas que pour eux, dit le Russe sans trop croire à ses paroles.
—À ce stade, c'est plus un choix.
Delkateï acheva son propos, décidé à ne pas insister plus que de raison. Ce n'était pas nécessaire et geindre ne changerait rien à sa situation. Pour cela, il enviait la sagesse de ses camarades. Ce recul qu'ils parvenaient à conserver sur les événements même en prise avec la peur.
—Y'a un gars qui traînait près du couloir où Céleste a été tué, lâcha-t-il, d'une traite.
—Quoi ? croassa Aaron.
—Il a tourné à l'angle, j'ai pas pu voir si il était rentré. Faut pas se faire des films, y'a des chances pour qu'il n'ait jamais mis les pieds dans cette salle ?
—Tu ne trouves pas ça étrange, toi ? reprit Déméter, les sourcils froncés.
L'Italien abandonna sa fourchette dans son assiette, à peine conscient de la salle qui se vidait peu à peu. Il se pinça l'arête du nez, légèrement agacé par cette conversation autant que par ce qu'il se produisait. La fatigue poussait les barrières de son esprit, entravant toute forme de réflexion.
—Et toi, tu ne trouves pas étrange que j'étais pile au bon endroit au bon moment ? Ça marche dans les deux sens !
Le silence accueillit cette remarque et son possesseur en apprécia tout le luxe. Une bien mince victoire qui ne saurait compenser la perte qu'il avait subie et toutes celles qui attendaient encore gentiment leur tour.
—Je l'ai suivi, avoua Delkateï. Je l'ai pas vu entrer dans la salle et étant donné ce que j'y ai vu la dernière fois, j'pense pas qu'on s'y aventure par plaisir. Par curiosité peut-être, ça encore j'veux bien le comprendre. Je suis même pas sûr que l'espion y mettrait les pieds ! Mais en tout cas, ce mec est monté jusqu'au dernier étage, et après je l'ai perdu de vu.
—Dis-nous qui c'est, insista Eole, fébrile.
Étrangement, Calysta semblait se douter de quelque chose, comme si les yeux de Delkateï accrochant sa silhouette lui soufflaient la réponse qui ne saurait tarder. Elle devinait déjà que la suite de la conversation ne lui plairait en aucun cas. Enfoncée dans son siège et silencieuse, elle échangea plusieurs regards avec son ami et y lut un trouble qui la concernait que trop. Elle attendait sa sentence, que les foudres de son camarade s'abattent sur elle sans la prendre en pitié. Peut-être le méritait-elle ?
—Éléonore m'avait dit que l'espion était certainement quelqu'un de sûr de lui, commença Delkateï. Peut-être quelqu'un de populaire, j'en sais rien.
—C'est ce qu'elle t'a dit ? s'enquit Déméter.
—Non, c'est ce que je pense.
—Ça concerne quand même beaucoup de personnes, réagit encore l'Américain.
—J'vous assure que c'est pas moi ! s'exclama Aaron, mi-rieur, mi-sérieux. Et puis, tu n'en sais rien. Un type sûr de lui, c'est pas forcément quelqu'un de populaire. Il peut très bien se fondre dans la masse. Entre nous, je vous le dis et je vous fais la promesse solennelle que je ne suis pas l'espion ! C'est promis !
Personne ne releva la tentative d'humour, les traits crispés et le regard fixe. Le temps s'écoulait rapidement et il serait bientôt l'heure de rejoindre les salles de cours, de se nourrir des monologues sans fin des professeurs et de se faire une place dans cette routine inexistante. L'atmosphère presque magnétique de Diolyde la dispensait de cette détestable monotonie. Chaque jour amenait son lot de surprises, de joie ou de peur. Ce lieu coupé du monde, à part du monde.
—Calysta, est-ce que c'est dans les habitudes de ton copain de sauter les repas ?
Elle ne sut même pas feindre l'étonnement. Son cœur rata pourtant un battement alors qu'elle se posait la question en son for intérieur. Quelle serait sa réponse ?
—P-Pas vraiment.
—On avait dit quoi sur le mensonge Calysta ? cingla Delkateï, conscient malgré tout de se montrer odieux.
Elle tourna la tête à droite, son regard se perdant momentanément sur les tables vides et sur les élèves qui quittaient la pièce. Les professeurs s'offraient encore le luxe d'un café, mais le manque de sommeil marquait leurs traits. Les sourires ne dupaient plus personne et seul Kourrage s'y risquait encore, espérant trop de ses cadets et se contentant de peu. La jeune fille croisa ses yeux et elle y lut la tendresse d'un père désabusé. Sa dévotion empiétait sur sa santé au point où lui en vouloir entièrement tenait presque de l'impossible. Elle culpabilisait toujours davantage, dépassée par ce que l'on attendait d'elle.
—C'est lui, la mauvaise rencontre ? demanda-t-elle, veillant à ce que sa voix ne la trahisse pas.
—Jo ? renchérit Aaron, sans rien cacher de sa surprise.
Encore une fois, toute l'attention convergea vers Delkateï qui en comprit tout l'enjeu. Il ferma les yeux un court instant, luttant contre une migraine qui grossissait dans son cerveau.
—Ouais, désolé, mais je lui en ai foutu une. Et une bonne !
Calysta s'humecta péniblement les lèvres, le regard soudain vitreux. Le cynisme de son homologue ne l'atteignait plus et elle songeait aux conséquences de cette altercation. La haine de l'Italien l'amènerait-elle à accuser son petit-ami sans prendre à considération la possible vérité ? Les répercussions ne tarderaient pas à se présenter.
—Calysta, lança Déméter, sans brusquerie. Tu le connais mieux que nous tous, dis-nous si ça peut être lui.
—Une réponse objective, ajouta rapidement Delkateï.
Le calme était presque entier dans le réfectoire et la pression augmenta considérablement. Cette conversation n'aurait jamais dû être celle d'adolescents et, pour cela, l'atmosphère leur sembla artificielle, comme créée de toute pièce. La jeune femme secoua la tête de droite à gauche, incapable de porter une réponse à la fois convenable et orale.
—Je le garderai à l'œil, alors.
—Fais attention, Delkateï ! s'écria-t-elle, comme un cri du cœur qu'elle ne saurait réfréner.
Alors que tous les regards convergeaient vers l'Irlandaise, celle-ci se sentit forcée d'ajouter :
—Peu importe qui est le coupable, fais attention. L'espion cherchera à t'atteindre en premier, il l'a déjà fait à plusieurs reprises. Alors sois prudent, je t'en prie !
L'intéressé opina très lentement. Quelles étaient les motivations de sa jeune amie ? La peur ? L'amour ? Ou toute autre chose ? Après tout, l'ennemi pouvait se trouver en n'importe qui. L'espion pouvait tout aussi bien se révéler être une espionne.
Delkateï, toujours manipulé par la figure tentatrice de la rage, ne parvenait plus à porter un jugement clair à la situation. N'accusait-il pas un innocent à tort ? Un garçon totalement étranger à quelque intrigue et qui n'avait fait que s'attirer les foudres de la mauvaise personne sans le vouloir ? Ou était-il réellement l'espion, la menace ultime entre ces murs ? La réponse, pourtant simple, refusait de s'afficher aux yeux des adolescents.
—Ouais, je sais, acquiesça l'Italien, au nom de tous ses camarades. C'est pour ça que y'a plus de temps à perdre !
J'ai peu de choses à dire concernant ce nouveau chapitre, j'espère seulement qu'il vous aura plu :3
Un peu d'action et de nouveauté dans le prochain chapitre avec un vent de fantastique qui souffle sur Diolyde !
A la semaine prochaine ~
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