Chapitre 41 : Noirceur tentatrice
[Enfin, la version achevée de ma future couverture. Il ne manque plus que le scan et le titre à ajouter et ça sera entièrement terminé. Qu'en pensez-vous ? J'ai hâte d'avoir vos petits avis :3]
Delkateï ne s'était pas embarrassé de politesses inutiles, coupant court à cette conversation devenue superflue. Jo l'avait laissé partir sans protester, un immense sourire éternellement figé sur ses lèvres charnues, illuminant son visage rieur et toujours optimiste.
L'élève traversa le couloir avant de franchir les escaliers d'un pas rapide. Certain de bien fondé idée, il se dirigeait vers l'endroit indiqué par son homologue. Les salles s'enchaînaient, peu nombreuses, mais largement suffisantes pour la proportion d'étudiants. Le calme des lieux sonnait comme un affront et le rythme endiablé de son cœur semblait résonner partout tout comme le son de ses pas. Le passage semblait plus étroit avec la vitesse enivrante qui le guidait, il ne prêtait plus attention aux détails qui faisaient la beauté de Diolyde.
Alors qu'il s'apprêtait à bifurquer à l'angle du couloir, un froid polaire hérissa un frisson sur sa peau découverte. La température sembla avoir chuté de plusieurs degrés, atteignant un seuil glacial, elle gagna le corps entier de Delkateï jusqu'à se glisser sous son épiderme, prête à atteindre son cœur. Cela n'arrêta le garçon qu'une seconde seulement, il reprit sa course, ignorant ses sens qui lui hurlaient de faire demi-tour. Le danger y était omniprésent et expliquait pourquoi personne ne s'aventurait ici.
Il s'immobilisa devant la porte, pouvant presque apercevoir l'aura sombre qui l'entourait. Interroger Éléonore valait-il le risque inconsidéré qu'il était sur le point de prendre ? Ne devrait-il pas rebrousser chemin et ne jamais affronter la terreur que masquait cette porte ?
Le Napolitain suspendit son geste, une angoisse inexplicable lui enserrant la gorge. Et si c'était elle ? Et si l'espion se cachait en fait dans ce corps gracile qu'une brise pourrait emporter ? La Brésilienne pouvait aussi se trouver intimement liée aux meurtres de l'école. Tout comme elle pouvait être une simple victime située au mauvais endroit au mauvais moment. Une misérable victime parmi tant d'autres.
Delkateï se saisit de la clenche et la porte s'ouvrit dans un grincement semblable à une plainte. L'obscurité de la pièce ne lui permettait pas une vision satisfaisante et il fallut de longues secondes à ses yeux pour s'y acclimater. La fraicheur s'intensifia encore, glaçant tous les membres de l'Italien qui serra les dents pour encaisser le choc thermique. Les murs étaient gagnés par une noirceur bien réelle, loin d'une image que l'on aurait donnée pour qualifier l'indicible. La noirceur avançait d'heure en heure. Ces volutes sombres ondulaient contre la surface lisse, s'unissant au centre de la pièce, au milieu des tables et des chaises vides, dans un vortex obscur et effrayant.
Alors, il remarqua la silhouette qui, dos au tableau, observait la source de magie grouillante à ses pieds. Il ne pouvait distinguer l'émotion qui perçait au creux de ses prunelles, ne sachant estimer s'il s'agissait de peur ou d'admiration. Elle semblait absorbée par la vision qui lui faisait face, hypnotisée même, le visage figé dans sa contemplation muette.
—Il y a quelqu'un ?
La voix fluette et féminine résonna longtemps, formant un écho désagréable. Une interrogation venue d'ailleurs, comme à travers un voile qui dessinerait la frontière entre deux mondes. Un frisson parcourut l'échine de Delkateï alors qu'il ne trouva rien à répondre à cette question pourtant basique. Elle ne l'avait pas affronté, comme incapable de détourner le regard.
—Eole ? Est-ce c'est toi ?
L'angoisse et l'espoir se couplaient dans ces quelques paroles et le garçon se décida à signaler sa présence. S'avançant de quelques pas, il se vit forcé de répondre :
—Désolé, ce n'est pas Eole.
La jeune femme découvrit alors l'identité de son interlocuteur, échappant à la noirceur qui habitait ces lieux dans un effort qui lui f. Elle dévisagea intensément son camarade, une lueur sauvage au fond des prunelles. En cet instant, elle ressemblait davantage à un animal pris au piège qu'à un être humain. Ses longs cheveux bruns formaient un amas indistinct au-dessus de sa tête et couvraient une partie de son visage. Consumée par la peur, elle semblait également pétrifiée par cette émotion traitresse. Delkateï se radoucit encore avant d'articuler :
—Qu'est-ce que...
—J-Je ne sais pas, s'empressa de bégayer l'autre.
Delkateï conserva une distance raisonnable entre les volutes sombres et lui. Elles semblaient l'attirer inéluctablement, appelant son corps en son sein pour l'engloutir de sa noirceur. Fallait-il faire comme si cela n'existait d'aucune manière que ce soit et interroger la jeune fille comme il le souhaitait ?
—Je... Je me demande où ça mène...
—Je pense qu'il vaut mieux ne pas savoir ! la coupa Delkateï, abruptement.
Elle déglutit, le regard vitreux dans cette immensité sans fond. Comme si elle brûlait de s'y perdre, de sauter et d'y disparaître. Il ne lui aurait suffi que d'un pas, un seul. Son homologue sentit qu'elle était sur le point de sombrer, se tendit et s'écria, à l'égard de la Brésilienne :
—Éloigne-toi ! C'est dangereux ici, tu ne le vois pas ? On doit sortir, maintenant !
—Si l'on ne fait rien, ce qu'il se passe ici va gagner... toute l'école, reprit-elle, de sa voix claire et incertaine, ignorant l'avertissement de son vis-à-vis. L'école tout entière...
—Quoi ?
—Tout ça, cette... noirceur, elle gagne du terrain, elle avance et ça ne s'arrête pas. Chaque fois que je viens ici, c'est plus...
Elle ne parvint pas à trouver le terme adéquat, toujours plongé dans son admiration presque malsaine pour le vide sous ses pieds. Malgré tout cela, elle semblait effrayée, en équilibre précaire entre la conscience et une folie qui n'était pas sienne. Une démence inspirée par cette pièce elle-même. Un nouveau frisson parcourut l'épiderme de Delkateï qui se fit violence et se tira de sa léthargie.
—Viens, faut pas traîner ici. Ce truc pourrait bien t'engloutir, ou...
Il ne parvint pas à formuler l'hypothèse que la jeune femme pourrait sauter elle-même dans ce gouffre. Il ne pouvait l'envisager, et encore moins partager cette crainte avec la concernée.
—Cet endroit craint vraiment, faut s'en aller et vite !
Voyant que ses paroles n'atteignaient pas le corps de la jolie étudiante, son camarade contourna le vortex avec prudence avant de poser sa main puissante sur la frêle épaule. Elle sursauta, son regard gris heurta celui de son sauveur. Elle frémit, comme prête à s'écrouler, à lâcher prise. Elle semblait si faible, comme une feuille morte qu'une brise emporterait, loin. Delkateï raffermit sa poigne, reprenant fermement :
—Il faut sortir maintenant, faut pas rester là. Tu m'entends ? Viens !
—O-Oui, acquiesça-t-elle, la voix chevrotante.
Elle suivit presque trop sagement l'Italien, son regard encore troublé par les reflets d'obsidiennes qui ondulaient sous ses pieds. Tout cela glaçait le sang de l'autre qui sentait l'obscure influence des lieux sur lui, sur son organisme. Il aurait bien pu y succomber lui aussi, la curiosité le poussant au bord du précipice. Après tout, la tentation était grande et l'envie de s'y abandonner l'était tout autant.
Ils passèrent le pas de la porte et, alors que le soulagement gagnait progressivement chaque cellule du corps de Delkateï, les forces de la jeune fille la quittèrent. Ses genoux ployèrent et elle manqua de s'effondrer, retenue par la poigne forte de l'étudiant. Il la traîna tant bien que mal jusqu'au bout du couloir où la température gagna plusieurs degrés. Elle tremblait, assise à même le sol et le dos appuyé contre les briques irrégulières du mur. Des longues minutes lui furent nécessaires pour reprendre un semblant de calme et ravaler les sanglots qui s'apprêtaient à la submerger.
—M-Merci... Merci beaucoup !
—Pas de quoi, grogna l'adolescent, décontenancé.
Un moment s'écoula avant que ce dernier ne se décide à reprendre, toujours avide de réponses laissées en suspend :
—C'est pas la première fois que tu venais, nan ?
—Je ne peux pas m'en empêcher... C'est... Cet endroit... j'ai l'impression que... balbutia-t-elle, dans une tentative vaine de se justifier.
Elle ressemblait à un enfant. À un môme pris la main dans le sac au moment où il se risquait à la pire bêtise de sa courte existence. Delkateï calma l'élan de rage et d'incompréhension qui s'apprêtait à le faucher. L'heure était trop grave pour laisser l'impulsivité le priver de sa raison.
—Pourquoi tu reviens à chaque fois ?
—Je... Je ne peux pas faire autrement ! J'ai essayé pourtant, s'exclama-t-elle, ses bras serrant ses genoux contre sa poitrine comme pour se protéger du mal qui l'entourait.
—Tu ne dois pas y retourner.
Éléonore le savait bien. Mais comment lutter contre la tentation du Mal ? Les adultes y succombaient facilement, elle avait beau se démener, se débattre de toutes ses forces, ses pas la menaient toujours devant cette porte du deuxième étage. La gorge nouée par la honte et la terreur, elle parvint à énoncer, dans un murmure :
—J'ai si peur...
Delkateï ne tenta pas de consoler sa peine ni de calmer les angoisses de l'adolescente. Il attendit, plus ou moins patiemment, que la parole lui revienne.
—C'est ici qu'elle est morte. Dans cette salle.
—Et c'est toi qui as retrouvé son corps. C'est ce que l'on m'a dit juste après mon arrivée.
—Oui... Je revois son corps partout, partout où je vais.
Le corps de Céleste était méconnaissable, détruit à tel point que son humanité n'était même plus identifiable. Une enveloppe charnelle calcinée que l'âme avait depuis bien longtemps désertée. Un amas de chairs calcinées à l'odeur pestilentielle.
Un sanglot ébranla la silhouette chétive de la Brésilienne. Il lui fallait tenir bon alors que le Mal suivait le moindre de ses pas. C'était insupportable !
—J'ai l'impression de... de pouvoir la rejoindre quand je fais face au vortex. Je n'aurais... qu'un pas à franchir pour la retrouver et la ramener avec moi. Elle ne méritait pas une telle mort !
—Y'a personne qui mérite de mourir comme ça, opina Delkateï, son regard ancré sur le mur voisin.
Elle inspira profondément, ses ongles s'enfonçant dans la chair tendre de son mollet. La sincérité de son état ne pouvait être remise en doute, tout comme la douleur insupportable qui la submergeait depuis qu'elle avait découvert l'impensable. Depuis, elle ne pouvait que visiter la source du mal, le cœur débordant d'une culpabilité délirante et d'un besoin qui la poussait au bord du précipice.
Elle expira tout l'air de ses poumons avant d'articuler :
—Je peux presque l'entendre m'appeler, me supplier de lui laisser la vie. Il ne suffirait que d'un pas... D'un petit pas et je la sauverai.
Et voici !
Chapitre centré sur Del et Eléonore, un personnage (clairement traumatisé) qui va gagner en importance petit à petit. La réécriture aura ajouter du fantastique à ce passage !
Le prochain chapitre s'appelle "Silence et regards" et est axé en deux temps bien distincts.
Bisous <3
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