Chapitre 40 : Précieux conseils
[À l'occasion de ce quarantième chapitre, je vous offre un (très large) aperçu de la prochaine couverture d'Instincts. Et oui, j'ai reçu pas mal de remarques concernant ma couverture actuelle et je pense aussi que changer est la bonne idée. Il fallait, selon moi, quelque chose de moins chargé et j'ai eu beaucoup de difficultés à trouver une composition qui corresponde à l'intrigue (je ne sais pas si ça vous semble correct, alors n'hésitez pas à m'éclairer de votre point de vu). Dites-moi ce que vous pensez de cette version, j'ai très hâte d'avoir vos avis !]
Le lendemain, Delkateï s'éveilla dans son lit et bien après la sonnerie de son réveil qui avait d'ailleurs exceptionnellement abandonné son rôle. La matinée était déjà bien entamée et la chambre se trouvait parfaitement déserte. Une solitude lointaine envahit les entrailles de l'élève qui se redressa péniblement. Les souvenirs déferlèrent sur son corps comme un raz de marée, insurmontable et totalement sans pitié. Il sut tout ce que la nuit aurait bien pu lui épargner de pire.
Assis sur le matelas, l'adolescent encaissa chacun de ces coups, le visage tordu d'une douleur non feinte. Les yeux ouverts sur une pénible réalité, il absorbait les conséquences d'une condition qu'il exécrait de toute son âme. Quel terme était le plus judicieux pour la décrire ? Un loup-garou ? Un lycanthrope ? Aucun mot ne semblait à la hauteur de la force incontrôlable qui s'agitait en lui.
Voilà ce qu'il était, ce qu'il incarnait, l'avenir de l'école et peut-être même du monde entier. La transformation qu'il avait tant redoutée avait détruit une partie de ses doutes tout en paraissant presque trop douce. La métamorphose l'avait conduit au pied du mur, et rebrousser chemin était désormais impensable. Le choix n'existait plus, il lui fallait accepter l'animal qui sommeillait en lui, le fruit de la Malédiction. Voilà ce que son corps courbaturé lui rappelait. Les paroles de la fameuse Olympe se retracèrent une tranchée sinueuse dans son esprit :
—Repose-toi Delkateï. Profite de ce répit que nous t'offrons, car, à ton réveil, il te faudra agir. Il est temps pour toi de poser ton regard sur l'évidence, sur le fléau qui accable notre monde. La réponse est plus proche que tu ne le penses, fais leur confiance et écoutes. Nous comptons tous sur toi !
L'intéressé aperçut alors une lettre parfaitement banale sur sa table de nuit. Naturellement méfiant, il hésita à prendre connaissance du contenu de la missive. Après tout, un piège lui avait déjà été adressé d'une manière identique et les souvenirs demeuraient trop frais pour commettre la même erreur.
Finalement, Delkateï choisit d'ignorer ses craintes. Il déplia le morceau de papier où une écriture peu soignée figurait, traçant ces quelques mots :
Tes camarades ont reçu l'ordre de te laisser dormir. Tu es excusé de cours pour toute la journée, profites-en pour te reposer. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis dans le bureau à côté de celui de Kourrage. Tes amis sont là aussi, ne l'oublie jamais. Nous sommes présents si tu en ressens la nécessité.
Ton père.
La gorge nouée, l'Italien ne sut pas quoi penser des propos d'Eran. Il se souvenait en détail de ce qu'il s'était produit la nuit dernière et le comportement de son géniteur ne l'avait pas déçu, au contraire. Une réflexion brutale qui le prit, comme un regret vis-à-vis d'une relation qui aurait pu se forger bien plus facilement.
Après les événements de la veille, tout semblait d'une clarté provocante, ou d'une complexité désavouée. Les paroles de la messagère des Dieux résonnaient dans son esprit comme une litanie, la seule vérité audible en ce monde. Les mains pressées sur ses tempes, Delkateï achevait de mettre de l'ordre dans ses idées. Il avait toute la journée devant lui pour cela, mais l'urgence de la situation se profilait désormais.
L'adolescent réussit à se relever, titubant légèrement avant de stabiliser son équilibre. Des courbatures naissaient de ses épaules jusque dans ses cuisses, en passant par ses avant-bras et ses mollets. Chaque muscle le faisait souffrir, seuls vestiges de la nuit dernière. Il pénétra dans la salle de bain adjacente à la chambre, rencontrant le miroir qui surplombait le lavabo. Une angoisse tirailla son être jusqu'à ce qu'il se confronte à son reflet.
L'image renvoyée correspondait en tout et pour tout à ce qu'il avait toujours connu. Aucune différence. Ses cheveux blancs caressaient aléatoirement ses épaules, mais n'étaient pas assez longs pour lui appartenir. Ses traits à peine plus tirés qu'à ordinaire relevaient de la même harmonie et aucun poil n'y figurait. Rien ne pouvait le rapporter à lui. L'être qu'il aurait pu devenir sans l'intervention miracle de l'Olympe.
La voix de cette femme tournait en boucle dans sa tête et, soudain, il la reconnut. C'était la même qui avait rythmé plusieurs de ses songes, cet être sans visage aux ailes d'ange et aux cheveux dorés. La figure étrange et inconnue qui l'avait aiguillé dans ses choix, qui l'avait maintes fois conseillé.
La messagère des Dieux servait de lien entre la Terre et le monde céleste, allant parfois à la rencontre des humains si cela s'avérait nécessaire. Elle agissait plus personnellement pour le compte la déesse Diérika qui l'avait pris sous son aile il y a bien des décennies. Visiblement, sa nouvelle mission consistait à garder un œil sur l'Enfant maudit et à lui venir en aide si la situation s'y prêtait.
L'élève quitta la salle de bain ainsi que la chambre, claquant les deux portes derrière lui. Les couloirs étaient entièrement déserts et cette vision n'étonna en aucun cas le garçon. Il était presque onze heures et chacun de ses camarades se suivait ses cours de la matinée. Sans savoir exactement quoi faire du temps dont il disposait sans que personne ne puisse lui mettre des bâtons dans les roues. Presque automatiquement, son esprit se lança dans d'autres directions, franchissant l'interdit, l'inconnu.
L'espion. Diolyde. Le mal qui rongeait l'école. Chacun de ses camarades. Sa mère et son père. Kourrage. Sa place dans toute cette joyeuse mascarade. Voilà les sujets principaux de toutes ses réflexions alors que son cerveau divaguait sans jamais s'attarder réellement sur un de ces sujets.
Plongé dans ses pensées, il ne remarqua même pas la silhouette qui se tenait devant lui. Jo arborait l'immense sourire qui ne le quittait pas, les mains nonchalamment enfoncées dans ses poches et le regard illuminé d'une vive lueur amusée.
—Del, le salua-t-il, d'une voix enjouée.
—Jo.
—T'as l'air crevé mon vieux. Mauvaise nuit ?
Delkateï frémit à cette remarque, préférant ne pas s'expliquer. Son homologue ne parut pas s'en incommoder.
—Tu sèches les cours ? demanda l'adolescent, éloignant judicieusement la conversation d'un sujet bien trop sensible.
—Ouais, Caly prend les cours pour moi et je ne me sentais pas très bien ce matin.
Le rictus qui dévora les lèvres de Jo laissa son homologue douter sur la véracité de l'excuse de son absence.
—T'as pas l'air de vouloir aller en cours non plus. On est quitte !
—Nan.
Le garçon faisait partie de ceux capables de tenir une conversation presque tout seul, face à une personne pratiquement muette et ce, avec un enjouement décuplé. Calysta ne les aidait pas, son absence marquant un léger silence dans le couloir désert à deux exceptions près. Ainsi, vides de toute occupation, Diolyde semblait s'offrir aux regards les plus pudiques. Une lumière vive faisait rayonner le bois vieilli par le temps.
—T'as pas l'air de bien digérer tout ce qu'il se passe. Faut dire que les deux morts ça a de quoi marquer les esprits. J'ai aussi du mal à m'y faire. D'après ce que j'ai entendu, y'a des tas de parents qui veulent retirer leurs mômes de Diolyde. C'est à se demander comment ce bon vieux Kourrage arrive à garder le calme ici. Franchement, je te le dis, on peut le respecter pour ça. Il tient les rênes de l'école comme personne !
Delkateï haussa les épaules, le flot de paroles épousant son corps sans jamais le marquer. Rien qu'il ne savait pas déjà, rien de nouveau qui viendrait bouleverser jusqu'à son existence. Ses orbes azur se perdirent un court instant, plongeant dans l'invisible jusqu'à ce que Jo ne le remarque. Il agita sa main devant le visage de son interlocuteur avec un certain zèle, joignant le geste à la parole :
—Hé ! Tu m'écoutes ?
—Ouais, ouais.
—T'as vraiment l'air crevé, on dirait que ça te touche encore plus que tous les autres.
Si le ton résonnait comme léger, presque trop décontracté pour le sujet et la situation, le sens des mots ne manquait pas. L'Italien croisa par hasard le regard de son camarade, refusant de baisser les yeux. Il répondit, sans même y réfléchir :
—Je cherche des réponses si tu veux savoir.
—Quel genre de réponses ? s'enquit le garçon, du tac au tac.
Cette fois, Delkateï s'octroya le temps de penser, de soulever le pour et le contre. Sa méfiance habituelle l'empêchait de parler librement à cet élève qu'il ne connaissait que très peu. Étudiant plus soigneusement la question, il finit par abandonner toute lutte. Après tout, sa quête ou plutôt, leur quête, méritait bien n'importe quelle main tendue, n'importe quelle aide.
—Quelqu'un est déjà allé voir Eléonore ?
—Qui ça ?
—La fille qui a trouvé le corps de l'autre, Céleste je crois.
La mine songeuse de Jo ne tarda pas à laisser place à une expression excessivement illuminée. L'exagération rythmait chacune de ses réactions et celle-ci ne fit pas exception.
—Oui, je vois qui c'est ! Mais non, personne de ce que je sais. Enfin, j'imagine que Kourrage lui a posé deux-trois questions, mais c'est tout. À mon avis, elle doit en savoir plus que ce qu'elle prétend. C'est que ça doit la faire sacrément flipper cette histoire. Je sais qu'elle ne va presque plus en cours depuis ce qu'elle a vu dans cette salle, elle passe ses journées enfermée dans sa chambre. Elle est traumatisée si tu veux mon avis.
Delkateï sourcilla, prêtant une oreille attentive aux précieuses informations débitées par son homologue. Il finit par opiner très lentement, intégrant ce qui pouvait bien lui être utile. Maintenant que tant de renseignements étaient en sa possession, il avait bien du mal à faire la part des choses. À garder la tête froide face à toutes ces responsabilités.
—Tu sais où je peux la trouver ?
Un sourire égaya à nouveau le visage de Jo alors qu'il passa sa main dans ses cheveux courts. Il répondit, sur le ton de la confidence :
—D'après Caly, elle est souvent au deuxième étage, dans la dernière salle au fond du couloir.
Le Napolitain interrogea son camarade du regard, conservant une distance convenable entre leurs deux corps. Il buvait ses paroles avec une retenue qui lui correspondait hors des cris et des rébellions.
—C'est la salle où elle a retrouvé le corps de Céleste ! Je trouve ça vraiment glauque perso, mais tu devrais pouvoir la trouver là-bas.
Le réveil fut difficile (et pas forcément que pour Del T.T)
Jo est de retour et se montre plutôt inspirant pour un Del pas forcément très, très bien. C'est vrai qu'aller questionner cette fameuse fille (chose que Kourrage a déjà fait) serait une bonne initiative :p
La fin du chapitre vous laisse imaginer ce qui va se produire dans le suivant. Il se nomme "Promesse de vengeance", pour un indice supplémentaire :3
Je vous embrasse ~
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