Chapitre 28 : Le père et le fils
[Désolée, je n'ai pas de dessins cette fois-ci. J'ai peu de temps en ce moment et je préfère écrire, ne pas prendre trop de retard plutôt que dessiner après une journée de cours]
Le regard de l'adulte se posa sur Eole avant de se risquer à chercher celui de son fils. Ce dernier lui adressa une œillade peu sympathique, d'une rare noirceur.
—Eole, murmura Eran. Delkateï.
Le premier hocha légèrement la tête en guise de salutation. Un respect imprégnait ce simple geste, tout comme la politesse de l'élève. Son homologue ne pouvait pas se vanter de telles qualités, toujours assis sur le matelas. Il observait son géniteur avec un dédain certain.
D'où pouvait bien lui venir toute cette haine ? À ses yeux, il n'avait jamais connu de père, il n'avait même jamais existé. Une figure froide et anonyme dont le visage se dévoilait enfin au regard de l'adolescent. Sa réaction était toute naturelle, mais blessait énormément le plus âgé.
—Delkateï, j'aurais besoin de te parler un instant, énonça-t-il, d'une voix claire.
Le susnommé étudia la proposition, envisagea sérieusement la possibilité de refuser net. Le Russe manifestait déjà la volonté de s'éclipser de la pièce. Eran le stoppa néanmoins dans sa lancée :
—Tu peux rester. Les autres ne devraient pas tarder à vous rejoindre, Laurian doit leur parler après l'entraînement.
Eole sourcilla à peine, mais ne songea même pas à protester. Son regard sans fond observait la silhouette de son ainé pour trouver celle de son camarade, légèrement moins massive.
—Delkateï...
—Quoi ? répliqua-t-il, ce simple mot constituant une provocation.
L'homme se garda bien de lui en faire la remarque ou de la morigéner pour son manque de tenu. Il accrocha le regard bleuté qu'il connaissait bien, ce regard qui était en fait le sien. Un sourire hérissa ses lèvres, un sourire infiniment triste.
—Quoi, papa ?
Son camarade n'eut aucune réaction, démontrant qu'il était déjà au courant de ce lien de filiation quelque peu original.
—De quoi voulez-vous me parler ? Si ce n'est pas pour m'en dire un peu plus sur ce que je fous là, ce n'est même pas la peine ! C'est du foutage de gueule !
—Delkateï, répéta encore Eran dans l'espoir de calmer la fureur de son fils.
Ce dernier se força à rester assis et inspirer profondément afin de garder sa bouche parfaitement close. Ses prunelles foudroyaient leurs voisines d'une rare violence.
—Je vais te dire tout ce que je peux. Il y a tellement de choses dont j'aimerais te parler...
Eole était mal à l'aise, se balançant d'un pied à l'autre. Finalement, il s'assit sur la chaise toujours installée à côté du lit, s'y fondant comme s'il espérait y disparaître. Il tenait compte de la tension grandissante entre les deux êtres, parfaitement palpable.
—Tu te souviens de ce que je t'ai dit la dernière fois ?
—Ouais, j'me souviens de tout.
—Laurian découvre l'identité des élèves par le biais de visions. Des visions envoyées par Olympe, la messagère des Dieux, jusqu'à des personnes d'exceptions. Laurian en fait parti et c'est lui qui m'a prévenu de ta venue. Je savais bien que ça arriverait un jour.
L'homme laissa courir le temps, sensible à la réaction de son fils. Ses propos étaient maîtrisés et il brûlait de faire preuve de moins de tact. Il souhaitait que son enfant sache, qu'il sache tout ce que l'on lui avait caché sans scrupule jusque là. La volonté des Dieux ne le laissait pas indifférent, elle vibrait en lui comme l'ultime foi. Il avait conscience que sa décision était la bonne entre toutes.
—Ces légendes ne...
—Ils ne sont pas que des légendes ! s'exclama Eole, se tirant seul de sa léthargie face aux propos de l'Italien.
Devant le regard flamboyant de son ainé, il pinça juste les lèvres. Le Russe reprit, avec conviction :
—Les Dieux ne sont pas de simples légendes. Tout le monde ici le sait.
—Je ne suis pas tout le monde, tu le sais ça ? C'est facile de jouer les héros aux services des Dieux quand on sait tout ! Pour moi, ils étaient une croyance, une image d'enfant et maintenant, ils ne m'ont jamais semblé aussi loin ! Tu trouves ça normal, toi ?
La rage de Delkateï ébranla son interlocuteur qui frémit tout clairement. Pâlissant si seulement sa peau pouvait être plus immaculée encore. Ses yeux se bordèrent d'améthyste avant qu'il ne se reprenne en main.
—Non.
—Delkateï, reprit Eran. Il a raison, les Dieux n'ont rien d'un conte ici. Tous les événements étranges qui te sont arrivés y sont liés.
—Les Dieux me veulent du mal alors, c'est ça que vous voulez que je comprenne. Qu'ils sont en rogne contre moi ? Je leur ai fait quoi ? Dites-le moi tout de suite, ça sera réglé !
Eole grinça des dents devant ce qu'il considérait comme une offense profonde au Panthéon ancestral. Le visage de l'adulte se ferma aussi, mais il se retint de toute remarque.
—Je crois aux Dieux, mais pas comme vous ! Des Dieux, ça devrait protéger les humains, pas les faire souffrir !
—Les Dieux ne te veulent pas de mal, loin de là, tenta en vain Eran. Et tu leur dois la vie, ils t'ont sauvé à bien des occasions. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas là physiquement qu'ils sont absents.
—Vraiment ? Vous m'avez parlé de malédiction, non ? D'un bordel avec deux villes et d'une union. L'enfant c'est moi, celui qui n'aurait jamais dû naître. Et qu'est-ce que ça implique au fond ? De me balader dans une école avec des gens qui savent tout de moi ? Sans parler du fait que l'on essaie de me tuer pour une raison que je ne connais pas !
La figure paternelle déglutit péniblement, arborant une moue blessée. Les poings serrés, Eole gardait sagement le silence tout en portant une oreille attentive au dialogue qui se déroulait juste à côté de lui. Delkateï semblait hors de lui, son épaisse tignasse blanche épousait chacun de ses mouvements incontrôlés. Il luttait visiblement pour ne pas se lever et tenir tête à son géniteur plus directement.
—La Malédiction a été prononcée par Aïrès lorsqu'il a appris l'existence de la Terre. Il l'a fait pour se venger de ses pairs sans savoir qu'il leur offrait une chance d'en finir avec lui. Joy, ta mère vivait dans l'un des deux villages touchés par sa colère et moi dans le second. Tu es l'enfant maudit, Delkateï, ou l'enfant né de la Malédiction.
Ces dernières paroles portèrent un coup à l'adolescent dont les lèvres s'entrouvrirent sans laisser s'échapper le moindre son. Il ne comprenait pas, il n'arrivait pas à comprendre.
—Notre école représente les Dieux que tu as toujours connus. Les bons Dieux. Ils protègent Diolyde du Mal et, de ce fait, toute la planète.
—Et la Sixième zone, c'est le Mal. Et Aïrès, souffla l'Italien.
—Aïrès et son deuxième fils sont derrière cet établissement. Tu commences à comprendre ?
—Quel est le rapport avec moi ? Qu'est-ce que je fous au milieu de tout ça ?
—Le combat livré par le Bien et le Mal est représenté par nos écoles. Il n'y a jamais eu d'affrontement direct, seulement des morts laissées sans la moindre trace. Ton arrivée correspond à la venue de l'espion, ça a prouvé à tout le monde que le moment est arrivé de prendre part au combat.
—Tu te souviens de cette nuit ? s'enquit soudain Eole, d'une voix blanche.
Seule la maîtrise peu commune de Delkateï lui permit de rester parfaitement neutre face à l'interrogation du Russe. La peur se lut néanmoins tout au fond de ses iris d'un bleu profond l'espace d'un instant. Il réfléchissait à toute allure, comme à la recherche d'une issue. Il répondit alors très simplement et à défaut de pouvoir se sauver :
—Ouais, c'est pas le genre de truc qu'on oublie.
Eran lorgnait précautionneusement les réactions de son fils sans pouvoir les stopper. La spontanéité de l'Italien le rendait imprévisible et surtout, terriblement incontrôlable.
—Delkateï, ce qu'il s'est passé cette nuit c'est la manifestation de la malédiction. Tu n'avais jamais vu mon visage jusqu'à maintenant. Tu avais besoin de sortir à tout prix, n'est-ce pas ? Tu aurais fait n'importe quoi pour voir le ciel ? En réalité, c'était la lune qui voulait absolument te voir. Les conditions étaient enfin réunies.
Delkateï enfouit son visage entre ses mains, la respiration suspendue. Son esprit embrumé apprivoisait trop lentement les informations alors que les questions se succédaient.
—C'est pour ça que l'on t'a laissé seul dans la chambre, tu étais incontrôlable et nous ne pouvions pas prendre le risque que tu blesses tes camarades. Nous ne savons pas ce qu'il se serait passé si tu étais sorti ce soir de pleine lune après avoir vu mon visage et celui de ta mère. Mais ça va bientôt se reproduire, ce n'est qu'une question de jours.
Le Napolitain eut un gloussement faux, une sorte de bruit de gorge à mi-chemin entre le rire, la plainte et le grognement.
—Vous vous foutez de moi ? Vous saviez ce que je vivais et vous m'avez laissé sans arrière-pensée ? Vous avez une idée de ce qui allait se passer et vous n'avez rien fait ? Vous vous cachez derrière des excuses, mais vous m'avez laissé là-bas.
Eran perdit immédiatement toutes ses couleurs face aux accusations pourtant légitimes de son fils. La culpabilité se dessina sur ses traits et la tristesse consuma littéralement son être.
—J'aurais voulu Delkateï, crois-moi s'il-te-plaît. Je suis désolé !
—Taisez-vous ! Vous osez encore prétendre être mon père après ça ? Vous me dégoûtez...
La méchanceté du nouvel élève était née d'une blessure jamais réellement guérie. Celle de l'absence de son père et de réponses. Il n'était rien de plus qu'un adolescent perdu qui utilisait une violence naturelle comme barrage. Un moyen désespéré de protection face au Mal qui le rongeait. Tout son corps tremblait alors qu'il dardait un regard flamboyant sur son géniteur. Le jugement et la peur. La haine et la tristesse.
—Sortez, je ne veux plus vous voir !
Eran hésita, reculant d'un pas alors que son fils se levait, bel et bien sérieux dans sa menace.
—Sortez maintenant.
Cette fois, l'homme obéit, sentant qu'il n'obtiendrait plus rien de son cadet. Un pincement au cœur le déchira face au dédain et à la rage. Existait-il pire chose ? Dans la précipitation, il lança à l'égard d'Eole :
—Toi et tes camarades, dites lui tout ce que vous savez des Instincts ! Il doit savoir !
Le Russe n'eut pas le loisir de signaler son approbation que l'homme disparaissait déjà. Delkateï s'écroula lourdement sur le matelas, le cœur en miettes et le cerveau en ébullition.
Voilà, voilà XD
Delkateï n'est pas très coopératif et Eran essaie de ... se racheter, prévenir son fils et se défendre (au moins un peu) XD Dans tout ça, Eole joue un peu le rôle (désagréable) de figurant.
Prochain chapitre, Delkateï et Eole devraient avoir quelques petites choses à se dire :3
Kisu, kisu ~
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