Chapitre 27 : Sincères excuses

[Je n'ai pas de dessins actuels sous le coude alors en voilà un juste affreux (mais qui m'avait pris énormément de temps à l'époque). Ce devait être les filles d'Instincts accompagnées d'une fleur à leur image. Seule Éléonore et Calysta sont présentes dans ce premier tome. J'ai énormément de personnages que j'avais créés et qui n'apparaissent pas dans cette réécriture.]


Delkateï avait dormi de longues heures, toute la nuit et une grande partie de la journée du lendemain. Une chambre déserte, visiblement pas la sienne, se dessina sous son regard dès son réveil. Encore déboussolé, les souvenirs ressurgissaient lentement. Le cœur battant à tout rompe, il prit conscience de ce que son sommeil avait jugé bon d'estomper.

Le mystère qui aurait dû se faire moins pesant s'obscurcissait toujours davantage, comme dépourvu de fin comme de commencement. L'adolescent était plongé dans une noirceur qui lui collait à la peau, désagréable sensation qui engluait ses membres. Son père en savait visiblement long sur tout cela, tout comme Laurian et Kourrage. On lui cachait la vérité de manière délibérée, volonté de le garder dans l'ignorance.

Le calme de la pièce sonnait presque creux, comme s'il manquait quelque chose à son bon fonctionnement. Un peu de vie peut-être ? Un peu de ses camarades ? Delkateï était loin de ressentir le malaise d'autrefois, de cette fameuse nuit, mais une autre sorte de malaise l'avait envahi. Une envie le prit, celle d'appeler les garçons qui partageaient son dortoir. Aaron, Déméter, Eole et Jyn. D'appeler à l'aide ses.... amis ? Le terme était-il exact ?

Sur la table de chevet, une note avait été déposée et l'Italien hésita un court instant à s'en saisir. Les souvenirs de la veille avaient marqué une blessure en sa chair, une cicatrice immonde et bosselée. Fraîche et bien visible. Il lut pourtant le mot laissé à son égard après avoir reconnu l'écriture soignée du Finlandais :

Ordre de rester allongé et de récupérer. Interdiction de quitter le lit avant notre retour.

Un sourire ourla les lèvres de Delkateï, minuscule et spontané. Ses yeux se plissèrent aussi légèrement, éclairés d'une lumière nouvelle. Il était heureux d'un tel soutien alors qu'il se sentait si seul. Bêtement heureux. Le bout de papier fut dévoré par une incantation violette avant de disparaître. La signature de Jyn, de son inqualifiable magie.

La porte s'ouvrit sur la silhouette fine et longiligne d'Eole. Ce dernier passa la tête avant d'oser s'y aventurer plus franchement. Comme s'il avait peur de déranger son homologue dans les quelques heures de repos dont il s'était vu octroyer.

—Tu es réveillé.

Le détachement du Russe s'était muté en une inquiétude sourde qui échappait totalement à Delkateï. Ses traits délicatement sculptés reflétaient une tension étrange et des cernes ombraient son regard sans fond. Il était moins glacial qu'à l'ordinaire, ou alors cette aura énigmatique, anormale même, n'était pas portée vers l'Italien.

—Oui, et j'ai bien dormi apparemment.

—Tu en avais besoin.

Une conversation fade, sans réel intérêt qui avait pour tout objectif de les mener vers autre chose. Vers la raison de cette visite improvisée. Eole était visiblement mal à l'aise face à cette perspective, comme s'il regrettait d'avoir pris son courage et d'être entré.

—Tu te sens mieux ? s'enquit-il, fuyant judicieusement le contact visuel. Mieux qu'hier, je veux dire.

L'étonnement ne marqua pas le visage de Delkateï, mais il le ressentit tout clairement. L'attitude de son interlocuteur était singulièrement anormale vis-à-vis de son comportement ordinaire.

—Ouais, je vais beaucoup mieux.

Un silence s'imposa, s'abattant sur les deux silhouettes masculines. Un malaise plus concret s'éprit du Russe, conscient qu'il devait absolument livrer la raison de sa présence. Il cherchait ses mots sans qu'aucun ne lui convienne, son caractère perfectionniste et instable se reflétait dans cette longue hésitation.

—E-En fait... J'étais venu pour m'excuser, lâcha-t-il, à mi-voix.

—Pourquoi ? Elle était de toi, la lettre ? T'exagères, t'aurais au moins me faire ta déclaration en face.

Delkateï ne songea même pas à croire l'interrogation dissimulée sous le trait de moquerie. Il put profiter de l'expression affolée, puis révoltée, de son camarade qui s'exclama sans attendre, s'insurgeant et démentant les propos précédents :

—Non ! Ce n'était pas moi, la lettre !

—Je sais, reprit l'autre, plus calmement. Dis-moi la vraie raison. Pourquoi tu viens t'excuser ?

Eole se détendit qu'à moitié, honteux de devoir ainsi se mettre à nu. Il haïssait ce sentiment de vulnérabilité sous le regard exigeant de l'autre garçon. Sa fierté en prenant une profonde atteinte et si les motifs restaient louables, cela n'en demeurait pas pour le moins douloureux à exprimer.

—Pour avoir été aussi dur depuis ton arrivée. Je sais que ma conduite n'était pas celle que j'aurais dû avoir et ce comportement est inexcusable.

Le dépit impressionnant manqua de perdre l'Italien qui parvint à comprendre les paroles de son homologue de justesse. Il acquiesça lentement, plus neutre et inexpressif qu'il aurait dû se montrer, avant de répondre :

—C'est bon, mec. Pas besoin d'en faire des tonnes.

—Et aussi pour hier soir. Après que tu te sois réveillé de ton rêve, j'ai...

—C'était pas un rêve ! rectifia Delkateï, plus violemment qu'il ne l'aurait souhaité. C'était pas juste un rêve, c'était plus que ça.

—Oui, j'ai vu. C'est encore ce type qui a fait ça, et je pense que tu avais raison depuis le début. Il ne s'arrêtera pas.

Eole perdit momentanément son objectif de vu, prenant trop à cœur la réaction du Napolitain. Leur relation avait mal débuté et il faisait son possible pour la rendre moins catastrophique. Pour recoller les morceaux d'un miroir brisé à coups de poing. Un effort dont il ne se serait jamais cru capable, poussé par les conseils de ses amis qui l'avaient encouragé à se livrer.

—Après ton réveil, je me suis un emporté et je voulais aussi m'en excuser. Je ne saurais pas l'expliquer, c'est comme ton rêve.

—Ouais, inqualifiable.

Delkateï en gardait un vague souvenir. Une image très peu nette au milieu de la douleur et de la rage. Une image d'un être tout autant perturbé que lui et ce, pour des raisons des plus obscures. Son visage de marbre figé au-dessus du sien et l'améthyste, l'améthyste rongeant la surface pareille à celle d'un miroir et qui formait son œil. Et puis l'ébauche d'un sourire qui n'appartenait pas à l'étudiant, quelque chose d'absolument effroyable.

—J'ai perdu le contrôle, reformula le Russe.

Et c'était bien là l'exacte vérité, ni plus ni moins, simplement exprimée de sorte à ne pas alerter l'attention de son camarade. Il connaissait la raison de cet affreux accrochage. Il avait aussi parfaitement conscience des complications qui auraient pu survenir sans l'intervention miraculeuse d'Andrew. Alors, un problème plus urgent s'imposa à lui, soit assurer ses arrières et redorer une image qu'il savait mauvaise.

Il déglutit alors qu'il s'efforçait de conserver un calme qu'il imaginait serti d'illusions. Diolyde le rongeait. Non, la part d'ombre grandissante entre les murs de l'école dévorait ce qui lui restait de raison. La bête réclamait son du. La créature ne demandait qu'à refaire surface.

—Les autres ne vont pas tarder à venir. Tu devrais pouvoir rejoindre notre chambre bientôt, après qu'Eran soit passé. Il a prévenu qu'il te rendrait visite dans la journée. Il ne manquera pas de le faire.

La manière d'annoncer la nouvelle éveilla un soupçon loquace chez l'Italien. Que son camarade savait-il ? Était-il au courant de la filiation qui liait l'adulte et son interlocuteur ? Ou l'ignorait-il ? Eole semblait à nouveau tendu, comme s'il parvenait à capter les interrogations du Napolitain. Ce dernier se tenait toujours assis sur le lit, les deux pieds passés sur le côté, la mine grave.

—Ils veulent te parler.

—Qui ? Eran ?

—Lui, Laurian et peut-être même Kourrage. C'est Jyn qui me l'a dit.

—Et comment il sait ça, Jyn ? Il a eu une illumination durant la nuit ? Ou il a décidé d'espionner à droite et gauche pour mendier des informations ?

Le Russe pinça les lèvres, pris sur le fait. Il déglutit péniblement, son regard pâle fuyant à nouveau celui, persuasif, de Delkateï.

—Y'a des... trucs que tu vas bientôt apprendre sur nous. Des choses que l'on sait et aussi... la raison de notre présence ici.

L'Italien laissa s'échapper un rire faux, un rire sardonique, un rire qui n'avait rien d'un rire. Un esclaffement qu'il ravala presque aussitôt.

—Ne nous en veux pas trop après ce que tu vas apprendre. On fait de notre mieux et je m'excuse pour cette raison aussi. Je ne pense pas qu'il existe pire situation que de ne pas savoir. Je suis désolé pour tout ça, Delkateï.

La sincérité d'Eole aurait pu émouvoir n'importe qui. Le susnommé sourcilla à peine, son énervement légèrement moins vif qu'auparavant. Il darda ses yeux perçants sur la silhouette qui se tortillait devant lui, tentant vainement d'y échapper.

—C'est pour ça que tu es venu ? Pour te donner bonne conscience ? Pour que j'me décide pas à exploser ta jolie petite gueule d'ici demain ?

Le Russe déglutit péniblement, reculant prudemment d'un petit pas. Il avait pâli, sa peau d'une blancheur maladive vira au gris. Pris d'un besoin fou de protester, il s'y autorisa sans la moindre véhémence :

—Non, je tenais vraiment m'excuser. C'était sincère, je veux vraiment être ton ami et...

Il n'eut jamais le loisir de finir sa phrase, la porte s'ouvrit et le fit taire sur le coup. Un grincement se répandit dans toute la pièce avant qu'un homme ne se présente sur le seuil. Eran Lytaël s'y tenait, le visage tendu par le devoir qui accompagnait ses pas. 


Mitigé ce dialogue, non ?

De bonnes intentions du côté d'Eole, mais des malentendus et un Del sur les nerfs (ce qui se comprend aussi). 

Le prochain chapitre s'appelle "Le père et le fils" et Eran va essayer de clarifier les choses avec Del. Vous en saurez plus sur les véritables desseins des Dieux, sur ce qu'il se trame derrière les deux écoles. 

J'ai un peu le moral dans les chaussettes à ce jour. Encore une fois, j'ai besoin de votre soutien. J'invite les lecteurs fantômes à révéler leur présence, ça me fera énormément plaisir de savoir que cette histoire est suivie. Instincts est ma grosses angoisse, malgré les quelques lecteurs réguliers que je remercie du fond du coeur. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top