Chapitre 22 : Futilités

[Je n'ai pas terminé le dessin du coup alors je vous montre seulement l'encrage. Éléonore qui apparaîtra au cours du chapitre pour la première fois de manière concrète. Je n'ai pas eu le temps de finir la colo alors je pose ça à ce stade en attendant de boucler le dessin.]


Cette nuit resta gravée dans la mémoire de Delkateï et les échos de celle-ci le suivaient à chacun de ses pas. Comme pour lui rappeler son impuissance, la sienne comme celle de tous les élèves de Diolyde. Son ignorance aussi, puisque tant de choses restaient encore à apprendre.

Que fallait-il faire ? Comment agir lorsque la menace était invisible ? Les interrogations se succédaient sans jamais trouver la moindre réponse. Un fait agaçant alors que l'imagination dépassait le savoir. Jyn avait sans doute raison. L'Italien semblait pouvoir compter en ce dernier qui lui manifesta un soutien discret, mais certain.

Prenant le courage qui lui avait été insufflé, Delkateï s'était rendu à l'endroit où le corps avait été retrouvé. Un couloir entièrement déserté par les autres élèves, où le calme mortifiait l'atmosphère. Il n'avait pas osé ouvrir la porte qui menait à la petite pièce, la fraîcheur mortelle qui semblait s'en échapper l'en dissuadant. Cela rongeait ses os après avoir eu raison de sa chair, gelant l'âme au creux de son enveloppe. Cela suffit pour que l'adolescent prenne la fuite, quittant les lieux avant qu'ils n'ancrent leur noirceur en lui.

Depuis, il en gardait un souvenir désagréable. Au-delà de la lâcheté de son geste, ce qui se déroulait véritablement dans cette salle attisait sa curiosité. Malgré cela, il n'y remit plus les pieds, l'âme encore pleine des émotions qui l'avaient traversé. Un mélange d'effroi et de tentation irraisonnée. Que le Mal pouvait être séduisant !

L'après-midi de cette radieuse journée était déjà bien entamée et une partie des élèves se retrouvaient sur le terrain de foot pour l'entraînement journalier. Le Napolitain profitait de cette activité qu'il appréciait tant, la seule qui lui permettait d'oublier l'écho de ses cauchemars devenus de terribles réalités. Elle lui offrait également la possibilité inédite de nouer des liens avec ses congénères. Une perspective qu'il se refusait à rejeter, acceptant de faire un effort s'il se révélait nécessaire.

Tous ses camarades se tenaient sur le terrain, visiblement tout aussi attachés que lui à ce sport. L'heure touchait à sa fin et Laurian les laissait maintenant s'étirer librement, leur permettant de bavarder comme bon leur semblait. L'homme gardait toujours un œil sur le fils de son amie, respectueux envers ses promesses. Les discussions accompagnaient cette activité nécessaire et il ne prenait même pas la peine de les morigéner après un entraînement aux résultats satisfaisants.

Aaron avait esquivé cette étape alors qu'un groupe de filles s'était rassemblé au bord du terrain pour admirer leurs prouesses. Il bavardait joyeusement avec elles, arrachant de grands rires aux jeunes demoiselles visiblement ravies de l'attention qui leur était portée. L'auteur de cette hilarité générale l'entretenait avec enthousiasme, usant de son second degré comme d'une seconde nature. Eole souffla, un brin exaspéré :

—Il ne changera jamais.

Delkateï masqua son étonnement, bien qu'il partageait les propos de son camarade vis-à-vis de l'Australien. Cela sonnait comme une habitude, un trait de caractère qui lui était propre.

—Il change de fille comme de vêtements, soupira-t-il, son regard miroitant presque tristement.

—Pourquoi, t'es en kiffe sur l'une d'elles ? s'enquit abruptement l'Italien. Laquelle ? La petite blonde là-bas ?

Les yeux d'Eole s'agrandirent brutalement, sous le choc. Il nia immédiatement, sans même y avoir préalablement réfléchi :

—Q-Quoi ? Pourquoi tu dis ça ? B-Bien-sûr que non !

Son homologue sourit en coin face à ces éclats quelque peu inattendus. Le sang froid légendaire du Russe tendait à se briser pendant qu'il fulminait dans sa barbe des explications peu crédibles. La petite blonde en question ne semblait pas remarquer le faux intérêt qui lui était voué, tandis qu'Eole venait tout bonnement de se discréditer. Delkateï acheva alors, de sa voix grave, étudiant à peine le rougissement qui gagnait les joues d'une pâleur mortelle de son interlocuteur :

—Laisse-le draguer qui il veut, c'est son problème ou celui de ces filles. Pas le tien.

—C'est juste pour le principe, hasarda son camarade, plus dans une volonté de se justifier que pour une cause quelconque.

Une tentative peu fructueuse. L'Italien sourcilla à peine, discernant le mensonge qui parvint à ses oreilles à la manière d'une fausse note. Jyn, qui avait suivi la conversation en profita pour souffler :

—Chacun possède sa manière propre d'oublier.

Sur ces mots, il octroya une œillade appuyée à son cadet, à qui le sous-entendu était adressé. Et il se plaça en retrait, comme il avait l'habitude de le faire, abandonnant Delkateï à ses sombres pensées.

—Évite de trop parler de filles devant Eole.

Déméter se tenait à quelques pas, observant le Russe s'éloigner à grands pas. Le jeune homme passa sa main dans sa chevelure courte et verte dont il prenait soin. Il dévisageait son ainé presque timidement, testant les limites de la patience de ce dernier, mais aussi les siennes.

—Pourquoi ? Il préfère les hommes ?

—Ce que tu peux être idiot, parfois.

—Quoi ? Il fait ce qu'il veut, on s'en branle de ses goûts.

—Tu vois la fille un peu à l'écart ?

Suivant les indications, le Napolitain découvrit une élève légèrement en retrait. Sa peau brune se confondait avec ses cheveux, de la même couleur et formant une masse volumineuse. Elle se cachait derrière ses mèches trop longues, ses boucles joliment dessinées, riant timidement des piques de l'Australien.

—Ouais, et ? C'est quoi le problème avec elle ?

—C'est Eléonore, elle n'est jamais très loin de Calysta et de son groupe d'amies. C'est elle qui a découvert le corps de Céleste.

Le nouvel élève dévisagea plus longuement l'adolescente après l'affirmation de son camarade. Jyn avait raison, il ne la pensait pas capable d'un meurtre. Tout son être semblait empreint d'une étonnante fragilité. Une faiblesse bien réelle, écho d'une timidité maladive qui la rendait invisible aux regards extérieurs.

—Quel rapport avec Eole ? s'enquit Delkateï, les sourcils froncés.

—Tu ne comprends toujours pas ?

—Non. Éclaire ma lanterne.

—Ça crève les yeux pourtant.

Un sourire s'ébaucha sur ses lèvres fines, jusqu'à briller doucement dans les prunelles améthyste. Comme une joie faible, mais encore perceptible tout ce qui pouvait résister à l'angoisse des derniers jours. Une lueur minuscule, l'espoir d'adolescents qui s'efforçaient de survivre aux perversités du destin.

—Tu ne vois pas tout ça, toi, souffla le jeune garçon, sans n'en devenir accusatif.

—Non, rétorqua l'Italien, les lèvres pincées.

Étonnamment et sans trop savoir pourquoi, il se sentait agacé, énervé. Un accès de rage irraisonné et dirigé vers la mauvaise personne, illuminait ses prunelles.

—Tu l'as blessé, je crois.

—Et alors ? Il me déteste déjà et je ne vais certainement pas me taire sous prétexte que je risque de blesser son petit cœur. Compte pas sur moi pour la fermer !

Déméter ne semblait pas vexé, il restait neutre, encore et toujours. Comme si rien ne pouvait l'atteindre mise à part la précarité de leur situation. Comme s'il avait confiance en l'humain, en ses amis. Cette réflexion troubla son interlocuteur, comme si cette dernière lui était complètement inimaginable.

—J'ai d'autres choses à penser que d'être agréable et bien pensant. Y'en a déjà pour remplir ce rôle, non ? Laissez-moi remplir celui que vous préférez fuir, ça arrangera tout le monde !

Cette fois, le concerné déglutit et une ombre se déposa sur ses traits. Il était blessé, sans toutefois en vouloir à l'Italien, un fait totalement impensable pour lui. Il se contenta de baisser faiblement la tête alors que le terrain se vidait. Il passa sa main dans ses cheveux, les décoiffant légèrement. Même la fatigue de cette fin d'entraînement, même la plénitude de ce lieu hors du commun, ne parvenait pas à calmer ce flot de pensées.

Delkateï aurait dû cesser la provocation, toute cette méchanceté gratuite. Il ne le fit pas, porté par ce besoin d'aller jusqu'au bout de ses idées, de celles qui le torturaient depuis des jours.

— Tu crois vraiment que de savoir sur qui Eole a des vus m'intéresse ? On devrait tous avoir d'autres priorités. Des vraies priorités, pas celles d'ado qui pensent avec autre chose que leur putain de cerveau !

—Qu'est-ce que tu entends par là ?

—On devrait tous arrêter d'être aveugles et de cacher ce que l'on sait. Arrêter d'être lâches aussi, d'attendre bien gentiment que ça nous tombe tout cuit dans le bec. Ce n'est pas comme ça que les choses marchent, faudrait nous fourrer ça dans le crâne une fois pour toutes !

La respiration de Déméter se suspendit momentanément alors que la honte se peignit sur ses traits. Il se décomposa entièrement, perdant toutes les couleurs de son visage jusqu'à devenir parfaitement blême. Le Napolitain croisa le regard de Jyn qui acquiesça très lentement. Il rejoignait ses propos, ressentant ce qui pouvait le mieux s'apparenter à la joie, une sorte de courte satisfaction qui le poussa à s'exprimer.

—Delkateï dit vrai, renchérit le Finlandais, achevant le travail. Ce genre de futilités ne devrait pas avoir à nous détourner du véritable danger.

L'Italien capta dans le regard de son camarade une lueur de raison et il sut qu'ils n'en resteraient pas là, que ses paroles venaient de trouver entendeur. Que, tôt ou tard, une discussion s'imposerait.



Le chapitre avec quelques petites heures de retard. 

Je voulais donner un bout de quotidien à Diolyde et faire le lien entre ce qu'il s'y passe et la nécessité d'agir.

C'est d'ailleurs le sujet du prochain chapitre, "décision commune", puisque les personnages vont discuter, entre autre, de leur rôle au sein de l'école. De s'il vaut agir ou non. Ca risque d'être plus animé, je préviens d'avance. Oh et, de l'action pure et dure dans très peu de temps :3

Bisous sur vos petites têtes de lecteurs ~

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