Chapitre 20 : Besoin inopiné

[Ça faisait un moment que je voulais vous le présenter. Voilà Jyn dans toute sa splendeur ! Le dessin date un peu mais je suis encore d'accord avec le design. Vous pouvez maintenant mettre une tête sur son nom ;3]


La nuit était tombée depuis plusieurs heures, une noirceur sans nom coulait librement sur toutes ces vies endormies. Sur les âmes que Morphée avait décidé d'enlever dès que l'astre de la nuit avait chassé le soleil. Delkateï ne réussit pas à les imiter l'esprit tranquille, incapable de parvenir à trouver le sommeil qui profitait à ses camarades uniquement.

Son regard ancré au plafond ne laissait rien augurer de bon, l'ennui offrait une redoutable excuse à la réflexion. Il aurait sans doute préféré cesser de penser, fuir simplement ce qui le dépassait encore. Plonger dans un calme néant restait une échappatoire des plus enviables. Même cela, on le lui refusait.

Ce ne fut qu'après un long moment qu'il remarqua Jyn, lui aussi en pleine possession de ses moyens. Ce dernier se tenait assis dans son lit, étrangement immobile, son regard se perdant dans l'invisible, au-delà de la pénombre environnante. Il avait retiré son bandeau et ses cheveux violets retombaient librement, masquant ses yeux et une grande partie de son dos. Il ne disait rien, ne bougeait pas et semblait inconscient du monde qui l'entourait alors. Un sourire étrange se glissa à ses lèvres avant de disparaître l'instant d'après. L'Italien choisit cet instant pour articuler, dans un murmure à peine audible :

—Jyn ?

—Oui ?

Delkateï ne sut quoi ajouter de plus puisque son homologue ne dormait vraisemblablement pas. Il hasarda, plus maladroitement qu'il ne l'aurait souhaité :

—Tu ne dors pas ?

—Il semblerait bien que non.

La tranquillité de Jyn en était presque offensante et son cadet s'apprêtait à se murer dans le silence lorsque son interlocuteur ajouta, pour toute explication :

—En fait, je suis insomniaque. Je dors toujours très peu. Une simple perte de temps, je refuse de m'y prêter.

—D'où ta remarque sur la nuit, commenta l'autre, faisant référence à leur rencontre quelques semaines plus tôt.

—Oui, les heures qui précèdent le coucher du soleil peuvent parfois m'éclairer, mais elles me paraissent souvent sans fin. Comme si vous alliez rester prisonniers du royaume des rêves en laissant le monde sans défense. Après réflexion, ce serait peut-être ce qui pourrait arriver de meilleur.

Le Napolitain opina dans l'obscurité, ses yeux balayant frénétiquement le plafond. Il hésita entre une envie folle, née de cette nuit oppressante, de donner une tournure tout autre à cette conversation. La peur pouvait aussi devenir un blocage, mais il tâchait de l'oublier. Il inspira profondément et déclara :

—J'aimerais te parler seul à seul.

—Personne ne nous écoutera ici, élucida Jyn, défiant son vis-à-vis du regard. Nous pouvons discuter sans sortir, que peux-tu craindre ?

—Ne joue pas au con avec moi ! Si tu es aussi intelligent que tu le dis, tu devrais comprendre je veux que l'on sorte.

Jyn planta ses orbes devenus sombres dans celui de son cadet, comme la preuve de sa dérision. Évidemment qu'il savait ! Jyn Fyka portait en lui la connaissance ultime, celle dont tous ses semblables rêvaient et enviaient. Lui-même en était intimement convaincu. En détachant chaque syllabe, il coupa court aux éclats de son cadet :

—Je sais pourquoi.

Alors le plus âgé se leva, ouvrant la route à l'Italien. Ils quittèrent la chambre ensemble et sans que personne n'en soit témoin. La porte émit un léger grincement, mais ce fut tout. Un trac étrange tenaillait Delkateï tandis qu'ils s'échappaient des dortoirs et parcouraient les couloirs. Le silence se faisait pesant, l'atmosphère posait sur eux une importance capitale. Deux ombres circulaient dans Diolyde, certainement pas les seules de l'école prétendument endormie, fantômes nocturnes méconnus de tous.

Une légère lueur éclairait leurs pas muets. Des lampes suspendues aux murs rendaient l'ambiance presque irréelle. Mystique. Une flamme dansait à la moindre brise, et cela donnerait presque envie à Delkateï de s'aventurer hors de sa chambre à d'autres occasions. Rien que pour admirer la splendeur de Diolyde sous un nouveau visage. Quelle face dévoilerait l'école qui n'existe pas à la tombée du jour ?

—Que veux-tu savoir exactement ?

—Tu ne devines pas ?

—Lytaël, évite ce genre de répartie en ma présence, cela risquerait de me donner l'irrépressible envie de rejoindre nos chers camarades. Ce serait regrettable, tu ne penses pas ?

—Je veux savoir absolument tout ce que tu sais, débita le nouvel élève, le regard rivé devant lui et après avoir ravalé les insultes que l'autre lui inspirait subitement.

Ils s'arrêtèrent ensemble, bien qu'ils ne se soient pas conciliés auparavant. Jyn demeura impassible, ses mèches violettes ombrant son visage fin. Il énonça, avec clarté :

—Bien, donc tu veux connaître la vérité sur le mystère qui entoure ton arrivée parmi nous.

—Et...

—Et tout ce que je pourrais te communiquer sur les événements de cette fameuse nuit. Un lourd traumatisme, j'imagine. L'assassinat de Céleste doit aussi attiser ta curiosité, je me trompe ? Une si triste perte, et dire que tout Diolyde en est encore bouleversé !

Delkateï déglutit péniblement, ces simples mots éveillant en lui tout un tas de souvenirs. Il ne prit pas la peine de répondre à la question purement rhétorique de son homologue dont le calme froid faisait offense à ses dernières bribes de patience.

—Tous ces événements ont un point commun. Celui qui les rallie tous et qui nous a réunis ici, à Diolyde. Ce que l'on n'ose à peine nommer et que l'on craint, irrévocablement. Il s'agit de la raison de notre venue en ces murs et personne n'a le bon sens de se l'avouer. C'est pitoyable !

La voix d'outre-tombe du plus âgé donnait un sens à ces quelques mots un poids immense. L'esprit de l'Italien encore embrumé par un sommeil distant fonctionnait à toute allure, créant les connexions entre un savoir limité. Enlisé dans ses propres déboires, Delkateï cherchait l'issue au creux d'un monde qu'il ne connaissait pas et où le danger semblait s'immiscer partout.

—Au fond de toi, tu le sais également. Vous n'êtes pas aussi idiots que vous en avez l'air, vous refusez simplement la vérité. Elle doit être trop douloureuse pour vous, sans aucun doute.

Jyn étalait librement le dégoût qui l'accompagnait depuis des mois, voire des années. Un être trop intelligent pour son propre bien venu à haïr ses semblables pour leur cupidité, leur lâcheté et leur vanité. Il représentait la figure maîtresse ici, le savoir jusqu'à dépasser l'entendement. Une connaissance qui le rongeait, dévorant les dernières traces de respect qu'il avait jadis entretenu pour l'être humain.

—Mais tu n'ignores pas tout, Delkateï. Quelqu'un t'a déjà donné quelques précises informations, mais tu refuses seulement de l'envisager. L'ignorance a toujours été enviable selon votre noble jugement. Vous êtes d'une bassesse misérable !

Delkateï se tenait adossé au mur, bien moins calme qu'en apparence. Il se sentait fébrile, sans parvenir à mettre un nom sur la raison de ce trouble. Peut-être était-ce la vérité qui transparaissait dans les propos de son homologue ? Rien n'était moins sûr et pourtant, l'Italien craignait ce qui se dévoilait à lui. N'était-ce pas pour cette raison que le mensonge s'avérait souvent préférable ?

—Je ne comprends pas, avoua-t-il, dans un murmure.

Un rire dédaigneux lui répondit, alors que son ainé haussait un sourcil. Une ombre inquiétante prit possession de son visage tandis qu'il lançait, tout aussi calme :

—Il y a une part d'obscurité en ces murs, en chacun de nous. Elle dévore Diolyde sans que personne ne s'en doute. On se perd dans des secrets, dans des faux-semblants et dans la terreur, mais vous restez aveugles malgré tout. Chacun garde jalousement ce Mal en lui, comme si le cacher allait vous sauver. Non, c'est le fardeau que nous portons tous et qui nous mènera à notre perte !

Le Napolitain réfléchissait sans faiblir, les visages de ses camarades s'imposèrent à lui, un à un. Il demanda encore, haussant le ton :

—Tu peux être plus précis ? Donne-moi des noms, des faits, quelque chose de moins vague !

Jyn sembla songeur durant quelques secondes à peine. Comme s'il cherchait quoi dévoiler à son vis-à-vis, ce qu'il était en droit de communiquer. Ses yeux turquoise luisaient dans la nuit, brillants littéralement d'intelligence. Il secoua finalement la tête avant de répondre :

—Eole est certainement la personne la plus concernée à Diolyde, bien que mon frère constitue aussi un bon exemple. Ils cachent tous deux le Mal qui les ronge. Ils pourraient bien basculer un jour, être gagnés par la Sixième zone. La noirceur qui dévore Diolyde est identique, c'est exactement la même !

La respiration de Delkateï se bloqua dans sa poitrine. L'air se solidifia dans son corps jusqu'à l'étouffer complètement. Son regard s'immobilisa alors que son ainé jubilait de cet effet. Personne ne l'avait jamais vu aussi bavard, mais la veille lunaire semblait raviver sa volonté.

—C'est l'ombre qui habite Diolyde, qui salit la clarté que tous pensent sans faille. L'obscurité en chacun de nous, celle qui pourrait bien nous faire tomber et entraîner l'école avec nous. Tout ce qui peut bien encore se produire ici, tout ce qui a bien pu t'arriver de pire...

Jyn marqua une pause, maîtrisant parfaitement la tension qui s'invitait entre eux. L'Italien était au supplice, glacé par ce qui se profilait. Il choisit cet instant pour porter le coup de grâce :

—La Sixième zone en est la seule et unique coupable !



Introduction de l'ébauche d'une conversation entre Del et Jyn. Conversation qui se poursuivra d'ailleurs dans le prochain chapitre ("Règne du Mal"). 

Jyn un surdoué, un génie et pour ça, il déteste ses semblables. Il les méprise énormément pour leurs erreurs, pour leur manque d'intelligence, pour leur peur aussi. Il est attaché au Panthéon sacré et se considère comme plus proche des Dieux que des humains. 

C'est tout pour moi ! N'hésitez pas à voter, à donner votre avis sur ce chapitre ou sur l'histoire dans sa globalité. 

Bisous sur vous, petites pommes de terre ~

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