Chapitre 15 : Identités

[J'ai réalisé que je ne dessinais pas assez Del. Je ne dessine presque pas mon protagoniste ... C'te honte ! Du coup, fallait y remédier, le voilà. Je me promets de dessiner sa petite gueule plus régulièrement]


 Finalement, le soleil s'était levé. Avec l'aube, la vie avait repris son cours, comme si rien ne s'était jamais produit. Diolyde s'agitait de cette présence inopinée et joyeuse. Delkateï y voyait presque une offense. Comment pouvait-on ignorer de la sorte ce qu'il avait vécu ? Il en perdait la volonté de confier cette aventure malencontreuse à qui que ce soit.

Tous ces gens semblaient se moquer pas mal du chaos qui avait été sien. Ses colocataires ne mentionnèrent pas une seule fois cette fameuse nuit. Comme si, quelque part, tout avait été oublié. L'Italien en souffrait plus que de raison, enfermé dans un douloureux mutisme. Personne ne comprenait, personne n'était capable de comprendre. Quelle déception que d'apprendre qu'ici aussi, les individus préféraient se cacher les yeux plutôt qu'affronter la réalité !

Delkateï avait découvert un endroit dans l'école particulièrement calme. Il était rapidement devenu son jardin secret, et personne n'y venait jamais. Situé au deuxième étage de l'établissement, l'adolescent y laissait libre cours à ses émois.

Une cigarette se consumait devant son regard éteint. Un plaisir néfaste qui avait pour unique mérite de soulager les déboires de son esprit qui lui échappait sauvagement. Les interrogations débridées se déchainant sur son être. Un sourire défait franchit le seuil interdit de ses lèvres. Ce fait résumait à lui seul l'état du jeune homme, les mensonges et la honte. Les secrets et la peur. L'inavouable !

Ce lieu lui permettait une vue imprenable sur l'extérieur. Sur la petite cour bordée de verdure où les étudiants flânaient parfois, et même sur les remparts. Sur les tours qui s'élevaient de leurs pierres fortes où quelques fenêtres perlaient. Plus loin, la neige éternelle s'étendait jusqu'à perte de vue, le brouillard et le froid clouait au sol toute trace de vie. Diolyde paraissait ainsi comme un véritable miracle, un mirage dans ce désert de glace.

Les volutes s'échappaient dans l'air, corrompant la pureté de cette dernière. Les arabesques éphémères se fondaient dans le décor pour finalement disparaître. Delkateï y trouvait là un bien ironique destin. Devait-il y voir un signe de l'existence ? Ou rien qu'une cigarette, ce plaisir d'adolescent fou que rien ne raccrochait à la vie à l'exception de l'amour maternel ?

Une nouvelle bouffée expirée pour se rapprocher encore un peu de la Mort. L'Italien l'embrassait ainsi, sans peur ni regret. Malgré le soulagement apporté, les souvenirs de cette nuit ne le quittaient pas. Il ressentait toujours chaque sensation, chaque bribe de douleur. Comment oublier l'impensable ? Comment rejeter une nature qui s'était éveillée à la pâleur morbide de la Lune ?

Une part de lui le suppliait de se rendre chez Kourrage pour lui livrer tout ce qui pesait sur son cœur depuis ces événements. À lui, ou à une quelconque autre personnalité digne de recevoir ce fardeau. Mais Delkateï se heurtait à une seconde partie de son âme qui, au contraire, refusait d'exprimer quoi que ce soit. Les mots, emmurés dans le silence, entravaient leur possesseur, dans une longue plainte muette.

Les paroles d'Andrew, le grand garçon à la peau sombre, défilaient en boucle dans son esprit dérangé. Celles-ci avaient le goût amer de vérité.

—Delkateï ?

L'adolescent se retourna sans se presser. Ses sens étaient comme endoloris, tout comme ses membres d'être restés si longtemps inactifs. C'était un état étrange, à la frontière du réel. Là où l'imaginaire reprenait ses droits, bouleversant bien davantage qu'une seule existence.

L'homme qui se tenait ici lui était familier et pour cause, ils s'étaient déjà rencontrés à plusieurs reprises. Delkateï ne connaissait de cet être ni son nom ni sa fonction, mais il semblait très proche de Kourrage. Des cheveux presque noirs laissaient apercevoir un front dégagé et masquaient ses oreilles. Il était grand et bien bâti, de quoi imposer le respect sur son passage. Le plus marquant restait ses yeux vairons. L'une des orbes présentait un vert vif et illustrait une malice certaine. Le second était d'un bleu hors du commun, d'une nuance rare et magnifique. La prunelle azur fixait le plus jeune et ravivait quelque chose d'absolument indescriptible. Le reflet de son âme chez un étranger, un parfait inconnu.

—Les cigarettes sont interdites dans l'enceinte de l'école, lança le trentenaire, presque professoral.

Provocateur, Delkateï porta la tige à ses lèvres pour expirer les volutes opaques. Finalement, et au terme d'interminables secondes, il l'écrasa au sol, ramassant le mégot avec la ferme intention de s'en aller. Ce gêneur imprévu gâchait un moment privilégié et la matinée de l'Italien.

—Attends !

Le Napolitain se retourna, suspendant son geste avec une lenteur toute feinte. Ses yeux rencontrèrent brièvement ceux de son vis-à-vis, comme si le plus jeune avait peur de s'y perdre.

—J'aurais à te parler si tu le veux bien.

L'adulte ignora le son produit par le grincement des dents de son cadet. Ce dernier était agacé bien que cet étranger ne lui témoigne aucune animosité. Pourtant, il se trouvait déjà sur la défensive et prêt à cracher l'une des répliques cinglantes dont il avait le secret. Il les ravala par simple prudence, haussant un sourcil interrogatif.

—Je suis désolé pour ce qu'il s'est passé, lâcha le plus âgé, sans plus de cérémonie.

—Pourquoi vous êtes désolé au juste ? railla Delkateï.

Devant le silence de son homologue, l'adolescent reprit, venimeux :

—Pour le crash de votre avion de merde ? Pour en avoir parlé à personne ? Ou pour avoir préféré me laisser dans le flou plutôt que prendre trente putains de secondes pour m'expliquer ?

Contrairement à bien d'autres, le trentenaire n'eut aucun mouvement de recul face aux éclats de l'Italien. Il se contenta de l'écouter, de prendre conscience des faits comme un prédateur jaugerait sa proie. Le plus jeune y retrouva son propre comportement, le reflet de sa pensée la plus mystérieuse.

—Pour tout ça, oui. Je m'excuse pour le crash de l'avion dont l'on ne sait toujours rien, pour avoir menti aux élèves, pour t'avoir gardé toi dans le secret. Mais pour cette nuit-là aussi, je ne pensais pas que ça se passerait comme ça. Nous avons tous été pris de court et nous n'avons pas su réagir de la meilleure des manières.

Delkateï fronça les sourcils, sentant la rage monter en lui et se frayer un chemin dans son être. Toute la frustration de ces derniers jours s'apprêter à être déversée !

—Parce que vous le saviez ? Vous saviez d'avance ce qui allait se passer et vous n'avez rien fait ?

L'adulte déglutit et une pointe de culpabilité s'inscrit dans ses yeux bicolores. La honte, l'humiliation ou le chagrin ? Rien que l'ombre d'une conscience humaine ne puisse comprendre en cet instant !

—Oui, avoua-t-il, je savais.

L'Italien recula de plusieurs pas, comme frappé durement par l'horreur de ces mots. Il ne pouvait garder son calme ou même une quelconque forme de mutisme. Tout semblait douloureux à présent, comme de l'alcool versé sur une plaie encore béante.

—Ce que je vais te dire... Tu aurais dû le savoir depuis bien longtemps, bien avant ton arrivée ici, à Diolyde.

Delkateï ouvrit la bouche, manifestant une envie évidente de couper son ainé dans ses explications, d'y mettre un terme sans autre forme de procès. Mais ce dernier le devança, plus fortement :

—Non ! Laisse-moi finir s'il te plait, c'est important et... je ne crois pas que j'aurai le courage de te le dire plus tard. Je n'en ai jamais eu la force ni la possibilité jusqu'à maintenant, alors laisse-moi ma chance.

Enfin, le Napolitain se tut, prêt à écouter son vis-à-vis et intrigué par la teneur des propos précédents. La distance entre les deux êtres était encore grande, synonyme de cette méfiance partagée. Ils se dévisageaient toujours tandis que le plus âgé dit, comme s'il avait maintes fois imaginé cette entrevue :

—Ce qui s'est passé cette nuit-là n'a rien d'anodin tout comme ton arrivée parmi nous. Tout est souhaité, le hasard n'a rien à y faire. Tout était prévu, et tous les élèves étaient prévenus de ta venue dans notre école. Tu n'es pas seulement un nouvel étudiant, tu es celui que nous attendions tous. Une sorte de miracle auquel personne n'ose croire. C'est... c'est tellement difficile à t'expliquer !

Delkateï fut pris d'une envie irrésistible de rire. De se libérer en éclats et d'extérioriser une pression énorme maintenue depuis des jours, voire des semaines. Rien n'était plus inattendu, plus fou et irréaliste. Cela méritait bien des moqueries, une réplique des plus risibles.

L'autre dut voir cette forme d'amusement décousue et puérile dans les yeux azur de son cadet. Pouvait-il vraiment en vouloir au jeune garçon ? Non, certainement pas. Il avait tellement de choses à apprendre, à emmagasiner. C'était beaucoup trop pour un enfant de son âge, un poids lourd à porter. Le trentenaire en était douloureusement conscient puisqu'il admit :

—a doit te paraître un peu soudain. J'avais demandé à Kourrage et Laurian de ne rien te dire. J'ai énormément de choses à t'apprendre, Delkateï. Ta mère ne voulait pas que tu en aies les échos et je la comprends puisque...

—Qu'est-ce que vous savez de ma mère? martela Delkateï, plein de menaces. Qui vous a parlé d'elle ?

Les images d'une scène datant de plusieurs semaines se superposèrent à celle se déroulant en ce moment même. Le jeune homme pourrait bien s'y perdre, devenir complètement dément. Il ne supporterait pas que sa génitrice soit mêlée aux tourments qui habitaient ces murs. Souffrir seul et la voir épargner lui paraissait être une solution bien plus enviable.

L'ainé perdit soudainement toutes ses couleurs alors que sa respiration se bloquait dans sa poitrine. Tous les muscles de son visage et de son corps se tendirent à l'extrême, à l'image du choc dévastateur qui le submergeait. Une lueur de pure souffrance éclairait ses prunelles, émeraude et azur. Une douleur commune à ces deux orbites opposées.

—J-Je connais Joy, o-oui.

—Putain, mais vous êtes qui bordel ? vociféra Delkateï, abandonnant la moindre retenue.

—Je te connais, et tu me connais aussi. Tu ne t'en souviens simplement pas.

—Dites-moi votre nom ? J'ai jamais aimé les devinettes alors faites-moi le plaisir de me répondre. Donnez-moi votre putain de nom !

Le plus âgé se mura dans un mutisme incompréhensible, tremblant d'une émotion sans nom. Pourtant, la réponse se déposait déjà au creux de ses lèvres et les conséquences avec elle. L'atmosphère en devenait électrique, saturée de sentiments délibérés. L'adulte se prononça alors, brisant bien plus qu'une existence sur son passage :

—Je suis Eran, Delkateï. Eran Lytaël. 


Grosse révélation ! Le père de Del est à Diolyde, ça explique pourquoi Joy ne voulait pas qu'il y aille (entre d'autres raisons)

Voilà pour moi, vous apprendrez à mieux connaître Eran dans le prochain chapitre. Del n'est pas prêt de gober la nouvelle, c'est moi qui vous le dit. Un enjeu supplémentaire et un stress en plus pour mon petit protagoniste. 

Votes et commentaires sont grandement appréciés par la personne que je suis. Je ne vous remercierais jamais assez si vous prenez le temps de me faire part de votre présence. 

Bisous les bambous !

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