Chapitre 11 : Premier contact
[Et voilà Eïfaky, dieu des catastrophes naturelles entre pas mal d'autres choses. Il est TRÈS infidèle et cumule maîtresses et amants sans trop s'en vouloir. Il profite de la vie, et rend souvent visite aux humains (je vous laisse deviner pourquoi). C'est pas un mauvais bougre malgré ça, il a son petit caractère rebelle x3]
Sans plus de cérémonie, Kourrage s'en était allé, abandonnant derrière lui l'incompréhension et la rage.
Delkateï eut tout le loisir de méditer les paroles entendues, restées collées à sa peau. Les mots demeuraient, un écho éternel qui ne laissait aucun répit au jeune homme. La blessure invisible de l'ignorance.
Ce qui lui avait semblé être une plaisanterie, une remarque acerbe pour souligner son mécontentement, se révélait réel. L'Italien peinait à y croire, à l'envisager. Le directeur de Diolyde était-il fou ? Il s'agissait de sa vie dont il était question, de son avenir. Comment pourrait-il omettre ceci ?
Tout cela lui semblait totalement dément. Deux établissements ennemis représentant respectivement le Bien et le Mal. C'était si simpliste ! Et Delkateï s'en trouvait consterné. Ce genre d'histoire n'existait-elle pas seulement dans les contes pour enfants ?
Le Napolitain s'était laissé aller à ses réflexions, sans jamais réussir à en tirer la moindre conclusion. Quel pouvait bien être son rôle dans cette mascarade ? Avant de quitter définitivement la pièce, Kourrage lui avait adressé un dernier regard, de ceux que l'on n'oublie pas. Un mélange d'espérance et de pitié.
Une femme d'une quarantaine d'années pleine de gaieté passait le voir régulièrement. Elle lui avait annoncé, peu après le départ du directeur, les résultats concernant son état de santé. Le constat était sans appel : deux côtes cassées, le poignet lui aussi brisé, une légère commotion ainsi que de multiples hématomes et contusions sur tout l'ensemble du corps. Chaque respiration se soldait par une douleur aiguë et moralisatrice.
Les jours passaient lentement, marquant l'existence de l'Italien d'un profond ennui. Il n'y avait aucune différence, des heures identiques en engendraient des nouvelles, tout autant monotones.
Delkateï avait rapidement appris que Laurian allait bien, lui aussi. Il ne saurait dire s'il en avait été soulagé. Il s'agissait de la seule personne qui lui était un tant soit peu familière en ces murs. L'ancien athlète avait rejoint sa chambre avec l'épaule déboitée et quelques côtes brisées. Il avait ordre de garder le lit durant encore quelques jours, tout comme son cadet.
Après de longues journées, le Napolitain put apercevoir la fin de ce calvaire. Après près de deux semaines, il allait enfin pouvoir quitter cette pièce. Il avait alors du mal à contenir son excitation. Il mourait d'envie, malgré tout, de découvrir Diolyde. De voir de ses propres yeux cet endroit qui semblait renfermer tant de secrets. Il lui avait été difficile de ne pas supplier l'infirmière de le laisser quitter son lit pour se familiariser avec ce nouveau territoire.
La porte s'ouvrit dans un grincement bien audible. Kourrage apparut, tout sourire et accompagné d'un adolescent. Delkateï prit le soin de dévisager cet inconnu, avec la méfiance qui le caractérisait depuis toujours. De taille moyenne, il devait avoir le même âge que l'Italien. Une peau blanche comme de la craie, s'apparentant davantage à celle d'un cadavre qu'à celle d'un être humain. Des cernes soulignaient un regard étrange, sans fond, bleuté aux nuances violettes à peine visibles, semblable à de la glace. Des cheveux vert clair aux extrémités plus foncées, virant vers le turquoise, ondulaient sur les épaules de l'adolescent. Il se dégageait de cet être une telle froideur que Delkateï en perdit toute contenance.
Le jeune garçon semblait assez détaché de la situation, passablement agacé, peut-être. Ses yeux semblables à la surface d'un miroir fuyaient celui de son futur camarade. Il ressemblait à une statue grecque, d'une beauté que personne ne saurait nier.
—Delkateï, comment te portes-tu ?
—Mieux.
Le dénommé n'avait aucune envie de s'attarder plus que nécessaire. Il se tenait en position assise sur le lit, prêt à quitter la pièce à tout moment.
—Tu dois être pressé de découvrir Diolyde, je suppose.
Le Napolitain acquiesça. Une curiosité maladive qu'il ne se connaissait pas et dont ces murs semblaient être empreints.
—Je te présente Eole, il va te guider et te mener à ce qui sera ta chambre ici. Il est aussi chargé de t'expliquer les horaires des repas, de te donner ton emploi du temps. Il pourra bien sûr répondre à tes interrogations si besoin.
L'adolescent en question hocha la tête, presque mécaniquement. Malgré ses efforts, Delkateï ne parvint toujours pas à capter son regard. Sans attendre, le blessé se leva alors qu'un silence s'installait. Le directeur reprit, afin de meubler ce semblant de conversation :
—Je ne peux pas t'accorder cette visite dans l'immédiat et j'ai pensé qu'il serait préférable que tu découvres Diolyde par le biais d'un de tes camarades.
L'Italien suivait le mouvement le menant tout droit vers la sortie, trop heureux de dégourdir ses muscles endormis.
—Bien. Les cours reprendront lundi, tes futurs professeurs en ont été informés. Si tu as un souci d'ici là, n'hésite pas à venir m'en toucher un mot. Mais je pense que tout devrait bien se passer, je peux compter sur Eole pour qu'il ne t'arrive rien.
Kourrage ponctua ses dires par un clin d'œil à l'égard de l'adolescent qui n'y prêta aucune attention. Son attitude froide n'avait pourtant rien à voir avec l'insolence de Delkateï. Une expression dépourvue de provocation.
—Je vais vous laisser, les enfants.
Et il tourna les talons. Il n'alla pas bien loin puisqu'il lança, assez fort pour être entendus des deux jeunes gens :
—N'oublie pas d'appeler ta mère, elle doit être très inquiète.
Le Napolitain implorait les Dieux que la vérité ait été épargnée à Joy. Si les échos de l'accident lui étaient parvenus... Il n'osait pas imaginer l'état dans lequel elle devait se trouver !
Le directeur s'engouffra dans un couloir, sans un regard en arrière. Delkateï accorda une œillade attentive autour de lui. Deux couloirs menaient visiblement à l'infirmerie, dont l'un pourvu d'un large escalier. Les murs avaient gardé leur couleur boisée originelle, conférant un aspect rustique au rendu. Cela donnait un certain charme alors que certains signes y étaient sculptés. L'Italien reconnut notamment des symboles religieux étroitement liés au Panthéon ancestral, mais aussi de simples arabesques joliment incrustées dans le bois.
—Suis-moi.
La voix froide d'Eole avait surgi, très claire, aux intonations presque féminines. Delkateï ravala la remarque acide qui lui vint à l'esprit, et accéda à l'ordre de l'élève avec une mauvaise foi non dissimulée.
Ils descendirent les marches innombrables sans s'arrêter ou prononcer la moindre parole. Le nouvel arrivant ne quittait pas le décor des yeux. À travers une fenêtre, Delkateï aperçut l'extérieur, une partie de Diolyde dont l'architecture s'apparentait grandement à celle d'un château. La neige couvrait néanmoins une majeure part de l'immense bâtisse et les flocons tombaient dans un déluge immaculé, achevant de rendre le spectacle des plus majestueux.
L'adolescent parvint à reprendre contact avec la réalité, suivant le rythme imposé par son homologue. Le couloir s'élargit, laissant place rapidement à un vaste hall. Six statues se dessinaient, comme pour soutenir les fondements de l'école. Les Dieux ancestraux étaient représentés, exactement comme Delkateï les avait toujours imaginés. Au paroxysme de la force et de la puissance, modèle de vertu et de grandeur.
—Les statues... Ça impressionne à tous les coups !
La remarque n'échappa pas au blessé, pas plus que le ton, volontairement ironique. Il gratifia Eole de son regard le plus provocateur avant de reprendre son admiration. Naturellement, il prit tout le temps nécessaire pour détailler les sculptures à l'effigie des divinités.
Kyraël se tenait bien droit, une lueur déterminée merveilleusement bien retranscrite au fond de son regard. Plus loin, Davaran était représenté avec son corbeau Iséry, perché sur son épaule. Juste à côté, Derya rayonnait littéralement alors que des végétaux envieillissaient sa silhouette fine. En face, Eïfaky souriait aussi, de son rictus ravageur, les yeux pleins de malice. Les ailes immenses de Diérika enveloppaient son corps frêle tandis que son regard se perdait dans une rêverie. Zaraka était fidèle aux légendes qui la concernaient, sauvage dans sa posture défensive.
L'esquisse d'un sourire perla sur les lèvres de Delkateï. Les barrières de l'imagination se tenaient juste là et il était comme hypnotisé face à ce spectacle, ébahi.
—Tu auras tout le temps d'admirer plus tard.
C'était une phrase lâchée sur le vif, sans préméditation ou réelle envie de blesser l'autre. À présent, le regard de glace fuyait celui de son vis-à-vis. Ce dernier, piqué par le comportement d'Eole, siffla :
—T'as encore deux minutes dans ton emploi du temps ? Si ça te fait chier, tu peux retourner vaquer à tes occupations !
Delkateï avait conscience d'y aller fort et la violence de ses propos était certainement exagérée. L'attitude d'Eole lui échappait totalement, il ne semblait pas prompt à s'attirer des ennuis.
Un froncement de sourcil imperceptible alors qu'il accordait enfin son regard à celui du Napolitain. Celui-ci en perdit l'usage de la parole l'espace d'un instant. S'il pouvait se vanter d'avoir des prunelles atypiques, l'être qui le fixait n'avait rien à lui envier ! La couleur reflétait tout sans rien abandonner de sa singularité, des nuances violettes se distinguaient tout au fond, à peine perceptibles. La surface plane d'un miroir serait la meilleure comparaison. Une profondeur trompeuse presque effrayante. Un vide intense traversé par un trouble, comme une série d'ondes dans l'eau qui disparaîtrait sans attendre.
S'il n'en laissait rien paraître, Delkateï en était bouleversé. Toute trace d'énervement retombait, impuissant face à ces yeux si spécifiques. Deux orbes fermement accrochés aux siennes, dans un accès de courage presque désespéré. Il n'avait jamais rien vu de tel !
—Bon. On y va ?
Sans rien ajouter de plus, Eole se remit en marche. L'autre lui emboita le pas alors qu'une douleur s'éveillait de son côté gauche. Un couloir à franchir et de multiples portes s'alignèrent. L'élève en ouvrit une, et invita silencieusement son vis-à-vis à le suivre.
Delkateï n'avait eu le temps de détailler son nouvel environnement. L'aperçu qu'il venait d'avoir laissait présager un lieu ancré dans les traditions religieuses. Le bois et la pierre se côtoyaient pour former une infrastructure rustique à l'aspect presque convivial.
Une chambre se dessina sous les yeux des deux adolescents et ne dérogea pas à la règle. Familière pour l'un, un endroit tout à fait inconnu pour l'autre. Delkateï prit un temps pour observer la pièce, avec un soin particulier. Elle était vaste tout en restant chaleureuse, une atmosphère singulière y régnait. Des lits disposés de manière aléatoire s'alliaient à des armoires. Les couleurs vives donnaient une sensation de convivialité peu commune. Un de ces endroits où il était bon de vivre.
Delkateï fit quelques pas, dévorant l'espace du regard. Un certain luxe se ressentait, très visiblement, une chose qu'il n'avait jamais connue. Une voix froide et soyeuse s'éleva, tirant le Napolitain de sa contemplation :
—Tes affaires sont déjà dans l'armoire. Il y a aussi le matériel scolaire qui doit arriver ce week-end. Tu peux prendre le lit du fond, il est inoccupé. La salle de bain est à gauche. Les repas sont annoncés à sept heures, midi et dix-neuf heures. Ton emploi du temps doit déjà être dans tes affaires. Il n'y a pas de classes ici, les cours dépendent des activités que l'on choisit.
Tout cela avait été prononcé de manière méthodique, frôlant la mécanique. Comme un texte appris par cœur et synonyme d'un mortel ennui. Le mot « football » s'imposa à Delkateï, comme une légère lueur d'espoir et la raison principale de sa venue.
—Ok, merci.
La distance entre les deux individus n'avait pas disparu, bien qu'il n'y ait plus la moindre trace de tension. Eole intriguait le nouvel arrivant bien plus que de raison.
—Je vais y aller. Les autres sont en cours et je dois les rejoindre. S'il y a un souci, il y a toujours des gens dans le hall.
Des propos d'usage qui semblaient incommoder leur auteur même. Une légère grimace vint se glisser sur l'expression de marbre de l'adolescent. Une sorte de gêne indistincte que l'Italien ne sut interpréter. Celui-ci mourait d'envie de le questionner, mais se raviser bien vite. Peu enjoué à l'idée que la conversation se prolonge plus que nécessaire.
Eole quitta déjà la pièce, sa silhouette fine disparaissant dès qu'il franchit le pas de la porte. Il laissa derrière son sillage une impression fugace et étrange. Une sensation aux effluves glaciaux que Delkateï rejeta sans attendre. Un frisson persista pourtant, éveillant une chair de poule le long de son épiderme. L'Italien ne saurait mettre les mots là-dessus, préférant l'oubli à l'ignorance. Un choix simpliste qu'il s'interdit formellement de regretter.
Le Napolitain traversa la petite pièce, pour s'arrêter devant la couche qu'il occuperait dorénavant. Un minuscule sourire naquit sur ses lèvres sans qu'il ne cherche à le masquer face à tout ce confort. La couverture clinquante d'une œuvre, d'une histoire. Dans un soupir, Delkateï se laissa tomber lourdement, mais non sans précaution, sur le matelas.
Chapitre plutôt long, je sais, et avec l'apparition d'un nouveau personnage (j'ai choisi de vous montrer Eïfaky plutôt qu'Eole mais j'ai un dessin en réserve :3). Comme promis, petit rappel concernant les Dieux, c'était pas de trop. Je m'occupe de les dessiner pour que vous ayez un visuel aussi ^^).
Prochain chapitre : entrée en scène de plusieurs nouveaux personnages. Préparez-vous ! Le titre est "Nouveaux visages" et Del fait connaissance avec ses camarades de chambre.
Encore besoin de votre soutien et je compte sur ça. Votes et commentaires, c'est toujours aussi important d'autant que le nombre de lecteurs baisse toujours plus.
Bises les marshmallow ~
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