Se faire piéger à son propre jeu


Petit chapitre de transition cette semaine, avant le grand final mercredi prochain ;)

Et je vous redonne le lien vers la fic jumelle de ma coupine et complice Barjy : https://www.fanfiction.net/s/12730318/1/A-contre-sens

Bonne lecture à tous.

En fréquentant Butch, V apprit rapidement l'essentiel de ce qu'il y avait à savoir sur ce descendant d'immigrants irlandais. Qu'il était bel et bien têtu comme une mule, borné, loyal et courageux jusqu'à la bêtise, et surtout qu'il ne supportait pas que quiconque, V compris, intervienne lorsqu'un abruti se permettait une réflexion quelconque.

Cela leur avait valu une explication explosive et un magnifique hématome à V. De quoi l'amuser pour les trois jours qui avaient suivi. Dans le bar, lorsque Butch l'avait cogné, tout le monde avait retenu son souffle. Un oméga levant la main sur un alpha ? A fortiori ce genre d'alpha... Les spectateurs attendaient du sang et une bonne rouste.

V, lui, avait éclaté de rire, ce qui lui arrivait de plus en plus souvent au contact de cette damnée tête de pioche. Butch l'avait suivi dans son hilarité et cela avait été réglé entre eux. Juste comme ça. Avec autant de naturel qu'ils se côtoyaient.

Les gens avaient tendance à les épier lorsqu'ils arpentaient les rues ou couraient les pubs tous les deux. Un alpha et un oméga non revendiqué côte à côte. Égaux. Amis.

Petit à petit, l'un et l'autre en venaient à oublier cet état de fait. Ou du moins à l'ignorer. Sans le savoir, ils n'avaient jamais été aussi simplement humains que lorsqu'ils laissent s'écouler le temps sans se poser de questions. Tranquillement. En trinquant, l'un à la Grey Goose, l'autre au Lagavulin.

V avait même fini par présenter Butch à ses frères. Ce dernier avait ainsi eu la surprise de découvrir qu'à la Confrérie, tout le monde se foutait bien de la caste à laquelle tu appartenais. Tu étais un guerrier ou tu ne l'étais pas. Ton taf, c'était la baston. Sorti de ça, la manière dont tu utilisais ton cul ne regardait que toi.

Butch ne se sentit d'ailleurs pas particulièrement proche du seul autre oméga de ce petit rassemblement, bien qu'il soit au moins aussi rebelle que lui. Il fallait dire que Z n'avait rien du mec aimable qu'on aurait eu envie de dorloter. Bien au contraire. Ce type était un concentré de haine et de noirceur, capable de tarir n'importe quel accès de bonne humeur par sa seule présence.

_Il a passé de sales quarts d'heure à cause de ces conneries de chaleurs, s'était contenté de répondre V, un jour où Butch avait posé la question.

Une équation à la portée du flic. Il n'avait pas demandé plus de détails et avait foutu la paix à Z.

V, quant à lui, se sentait étrangement ambivalent. Paradoxal.

Il n'avait jamais désiré un autre être aussi ardemment que Butch, mais ne peinait nullement à résister à cette attraction, même quand les phéromones s'invitaient à la fête. Comme si le respect qu'il avait conçu pour son flic lui servait tout naturellement de garde-fou.

Parfois il surprenait le regard de Butch posé sur lui, de même que des élans d'excitation assez similaires aux siens. Et tout aussi réprimés. Les deux hommes se désiraient, en avaient conscience, mais ne semblaient pas pour autant disposés à remédier à la situation. À moins qu'ils n'aient entrepris de tester leurs limites mutuelles.

Même les premières chaleurs de Butch suivant leur rencontre n'avaient pas rompu ce statu quo. Avec une malice un peu perverse, il avait été trouver V quand les premiers symptômes avaient commencé à courir sous sa peau. Une démangeaison dont il était incapable de se défaire, l'impression que son corps brûlant ne lui appartenait plus vraiment, le besoin entêtant, un manque à combler en lui.

Planté sur le pas de la porte au Commodore, il avait balancé ces quelques mots, laconique et déterminé :

_Ça arrive.

V avait simplement hoché la tête, écarté le battant et désigné la chambre.

_Avec ou sans les menottes ?

_Pour que je ne puisse pas me barrer si tu pètes un plomb ? Sans...

Tout en sachant l'un et l'autre que s'ils en arrivaient au stade où V ne se contrôlait plus, menottes ou pas, la messe serait dite.

Butch avait posé son sac sur le lit, le seul de l'appart. Le lit de V. ; V qui était allé chercher de la nourriture et des bouteilles d'eau pour les déposer sur la table de nuit, puis avait quitté la pièce, fermant à clé derrière lui et glissant ladite clé dans un tiroir.

L'enfer avait duré trois jours et trois nuits.

Depuis la chambre verrouillée, Butch ne cessait de l'appeler, de le supplier. Gémissant. Déversant une palette de mots tour à tour crus et caressants. Tous destinés à faire céder l'alpha. V, lui, n'avait pas quitté le séjour, assis dans son canapé, les bouteilles de Grey Goose défilant dans une main, les joints d'herbe rouge dans l'autre. Ses reins ne formaient plus qu'un brasier dévorant et son sexe le suppliait de répondre à l'appel de leurs sens embrasés.

Il n'avait même pas déboutonné son pantalon pour se caresser.

Au matin du quatrième jour, Butch avait toqué à la porte, de nouveau lucide. V avait ouvert et l'avait retrouvé empestant la sueur et le sperme. Couvert de phéromones désormais obsolètes et pourtant propres à torturer V encore un peu plus.

_Va te doucher, Cop, avait-il ordonné avec des accents de supplication dans la voix.

Depuis ce jour-là, quelque chose avait changé entre eux. Un basculement subtil de l'équilibre. Butch avait compris, consciemment ou non, que dans cette étrange amitié, c'était lui qui détenait le pouvoir. Et il n'avait plus jamais cherché à en jouer.

Une routine presque métronomique s'était installée entre eux. La veille de ses chaleurs, Butch appelait V pour qu'il l'enferme. Dans son propre appartement ou au Commodore. Qu'importait. Et V repartait avec la clé, laissant derrière lui provisions et suppresseurs. Des vrais, ceux que produisaient les labos et qui coûtaient un rein.

Au début, Butch avait demandé comment V pouvait se le permettre. Celui-ci l'avait envoyé bouler sans se troubler, d'un simple haussement d'épaule.

_Cherche pas, Cop. Prends-les, ça te facilitera les choses.

Et c'était vrai. Butch n'était pas un grand fan des médocs. Encore moins des suppresseurs depuis qu'il avait tenté d'étouffer ses toutes premières chaleurs avec des saloperies vendues au marché noir pour dix fois moins cher.

La came que lui ramenait V, c'était autre chose. Un vrai confort, la possibilité de garder la tête sur les épaules. De ne pas se retrouver sur le point de vendre père et mère pour la sensation d'une queue le labourant. N'importe quoi qui comblerait ce vide en lui, cette brûlure palpitante qu'il avait appris à haïr et à redouter.

Sauf que le vrai problème à présent, il en avait conscience, ça n'était plus ce qu'il ressentait pendant ses chaleurs, mais bien cette sensation d'abandon qui le poursuivait désormais au quotidien. Ce besoin de complémentarité qu'il ressentait chaque jour du mois. Le l'aube au coucher du soleil, jusqu'au plus profond de la nuit. Au travail et chez lui. Quand il s'entraînait ou quand il cherchait un peu de soulagement dans les mouvements brutaux et spasmodiques de sa main.

Dans ces moments-là, un prénom revenait encore et encore. Une lettre plutôt. Unique et toujours un peu mystérieuse en dépit des mois qui s'écoulaient. Comme une couche de froideur derrière laquelle se dissimulerait... Quoi ? Un mec bien peut-être.

Il se foutait de savoir ce que cachait V, ce qu'il fichait vraiment dans la vie et quelles étaient les réelles activités de la Confrérie. Tout ça, ça n'avait aucune importance. Tout ce que Butch avait besoin de savoir, c'était qu'il pouvait avoir confiance en son ami.

Un homme d'honneur. De valeur.

C'était comme ça qu'il s'était retrouvé baisé à son propre jeu. Prisonnier de ses contradictions. Il avait passé toute sa vie à lutter contre sa nature, à la nier, et voilà qu'un alpha vraiment pas comme les autres venait de lui faire comprendre qu'il n'y avait pas de honte à être un oméga. Ou du moins que l'attraction sexuelle n'était pas nécessairement dégradante ni source de mépris.

Pour la première fois, Butch commençait à se dire que ça pourrait ne pas vraiment porter à conséquences que de laisser quelqu'un entrer dans sa vie. Dans son lit. Parce que V avait oblitéré cette frontière entre alpha et oméga. L'impératif biologique s'apaisait face à un désir d'une tout autre nature. À la fois plus simple et plus complexe. Plus personnel.

Butch avait envie de V.

Pas comme un oméga désire qu'un alpha apaise ses pulsions. Non, il avait envie de cet homme et de tout ce qu'il représentait. Avec appréhension, il se rendait compte que ce qu'il voulait vraiment, c'était se tenir aux côtés de V, en égal et pourquoi pas faire un bout de chemin avec lui.

Le sexe, le désir, la biologie, ça n'était que fariboles à côté de cet autre besoin.

Sauf que Butch ne savait plus comment se défaire de ses propres limites, celles qu'il leur avait imposées et que V respectait scrupuleusement, ne réclamant jamais plus que son amitié ou sa présence. Au début, le flic s'était dit que c'était ce qui comptait, ce qu'il avait toujours désiré et qu'il n'avait pas besoin d'entamer un autre type de relation avec V.

Puis il avait été contraint de regarder la vérité en face : il se mentait. Si fort qu'il n'avait plus été capable de faire machine arrière. Plus capable d'abolir cette distance entre eux.

Sans même parler de ce que V désirait lui-même. L'énigme V.

Certes, il était venu trouver Butch et avait initié leur amitié. Était-ce pour autant un signe qu'il était prêt pour davantage ?

Sans doute était-ce à cause de toutes ces questions qui tournaient en rond sous sa caboche que Butch avait accepté cette foutue affaire. Histoire de se changer les idées. Son chef lui avait balancé le dossier à la tronche en ricanant : « Il paraît que des petits malins laissent traîner dans les rues une came qui transforme les omégas en salopes sur demande. Comme si c'était nécessaire... ».

Butch avait serré les dents faute de pouvoir coller un pain à ce connard et avait commencé à fouiner. Au moins, bosser le tenait éloigné de V et l'empêchait de tourner en rond.

Vu par le petit bout de la lorgnette, ça ressemblaitpresque à une bonne idée...


Bises et bonne semaine !


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