Chapitre 8

Lors de notre réunion du matin, avant les cours, avec les filles, j'ai bien du mal à ne pas parler de mon aventure avec Maloé. Pourtant, il le faut, car Kaïs est là, lui aussi. Il m'accueille avec un long baiser, plein de tendresse et je me sens plus mal à chaque nouveau contact entre nous.

— Ça va ? me demande-t-il après que j'ai évité ses lèvres pour lui offrir ma joue.

C'est nul, je sais.

Alizé me lance un regard étrange, mais ne dit rien. Ai-je déjà dit que j'adorais cette fille ? Elle sait ce que j'ai fait hier après-midi. Enfin, non, elle ne sait pas, mais elle sait quand même un peu.

Je me comprends !

— Oui, je réponds avant de lui rendre son baiser, pour désamorcer la situation. Je suis un peu ailleurs avec ce dossier qu'on doit rendre lundi.

C'est faux ! Je suis un monstre. On a bien un dossier à rendre, mais ce n'est pas du tout à ça que je pense.

— Oh ! Moi qui voulais te proposer de passer le weekend ensemble, lâche-t-il comme un enfant à qui on vient de dire non pour un autre tour de manège.

— Si c'est pour bosser, je n'y vois pas d'inconvénient, je réplique aussitôt, espérant le décourager.

— Bah j'ai pas mal de boulot, moi aussi, alors oui ! Avec plaisir, même.

Je suis prise à mon propre piège, on dirait. Malgré tout, je suis contente de passer un peu plus de temps, seul à seul surtout, avec Kaïs. Le regard d'Alizé, toutes les trente secondes, devient difficile à supporter.

Content de notre accord, Kaïs nous fausse compagnie pour ne pas être en retard à son premier cours. Il ne part pas sans un dernier bisou et c'est Alizé qui l'envoie promener.

— Il est insupportable, ce garçon, me lance-t-elle avec un grand sourire et suffisamment fort pour qu'il entende.

Kaïs ne réplique pas et s'éloigne d'un bon pas.

— Bon alors, reprend Alizé sur un ton de complotiste, raconte. Il s'est passé quoi au final, hier ?

— On n'en peut plus de tout ce suspense, renchérit Esthel.

Toutes les deux vivent ensemble, il est donc évident qu'Alizé a tout raconté à sa colocataire aussitôt rentrée, hier soir. Elle était peut-être même là pour lire mon SMS en direct. Étonnamment, alors que je m'attendais à être bombardée de messages hier soir, elle a attendu ce matin pour m'avoir en face d'elle. Probablement pour voir ma tête et découvrir si je lui mens ou pas.

Je leur raconte pourtant tout, sans détour. Alizé et moi ne commençons que dans une demi-heure et Esthel a décidé qu'elle pouvait se permettre de rater son premier cours.

— Ce qui se passe ici est bien plus important, déclare-t-elle lorsque nous nous étonnons de sa décision.

Je raconte la voiture de James Bond avec le volant à droite, parle de son moment Fast and Furious qui m'a valu une bonne crise cardiaque. De sa main dans la mienne, de mes confidences sur mes difficultés et de ses connaissances à mon sujet.

— C'est flippant, ça, soupire Alizé. Si jamais il te demande en mariage, méfie-toi.

J'explose de rire et elle me dévisage avec un air affligé.

— Je suis sérieuse, Léo. Il y a des mecs qui se font draguer par des super jolies filles qui les demandent en mariage et leur font payer ensuite le voyage de toute leur famille depuis l'étranger. Douze frères et sœurs, parfois même les grands-mères et les grands pères. C'est une arnaque connue, je te signale.

J'essaie tant bien que mal de reprendre mon sérieux pour lui répondre. C'est difficile tout de même.

— Je te signale, qu'il est évident qu'il a plus d'argent que moi. Il roule en je sais plus quoi, là. Cette voiture pue le fric à plein nez. Il sait la conduire, c'est clairement pas une location, en plus avec le volant à droite.

Alizé hésite un instant avant de confirmer que sa théorie est peu probable, en fin de compte.

— N'empêche que c'est bizarre qu'il en sache autant sur toi, renchérit Esthel.

Sur ce point, je les rejoins, mais si c'est un agent secret, il a forcément accès à des informations que le commun des mortels ne saurait trouver.

— Tu crois pas sérieusement que c'est un espion ? me demande Esthel.

— Bah pourquoi pas ? répond Alizé à ma place. Ils ont besoin d'amour, eux aussi, après tout !

Je souris.

— C'est pas ça la question, reprend Esthel en replaçant sa longue chevelure noire en arrière. Un espion, ça doit rester discret. Y a que dans les films qu'ils roulent dans des voitures de luxe et disent à tout le monde qu'ils sont espions.

— Concrètement, il ne m'a rien dit, je contre.

— Peut-être tout simplement parce que c'est pas un espion ?

J'avoue que, si séduisante soit cette idée, j'ai du mal à y croire, moi-même.

— Bon ! On s'en fout, en fait, les filles. Après, il s'est passé quoi ?

Je rougis et baisse le regard.

— Oh putain ! s'exclame Alizé en plaçant la main devant sa bouche. Qu'est-ce que t'as fait, Léo ?

Je laisse échapper un rire nerveux et la rassure : je n'ai rien fait de si grave.

— On s'est embrassés.

— Oh...

Esthel semble plus impressionnée qu'embêtée.

— Mais, c'est qui qu'a commencé ?

Nouveau rire sec et nerveux. Je leur raconte la scène en détail. J'ai de nouveau des palpitations cardiaques en y repensant. J'ai des coups de chaleur qui me font ouvrir mon manteau malgré la fraîcheur matinale.

— Ça a dû être un sacré bisou si, juste de nous en parler, ça te met dans cet état.

— Tu m'étonnes, confirme Esthel avec les yeux en soucoupes. Je t'ai jamais vue comme ça.

Ce genre de réflexion ne m'aide évidemment pas à me faire redescendre en pression.

— Du coup, tu vas faire quoi ? me demande Alizé.

— J'en sais rien.

— Bah va falloir y réfléchir, ma cocotte, parce que j'en connais un qui est à fond.

— Je sais bien, je chouine.

— Un bisou, c'est pas grave, après tout, insiste-t-elle. Même un qui te met dans cet état. Mais si ça venait à se reproduire, Kaïs va forcément le découvrir. Déjà que c'est pas passé loin, ce matin.

— Je sais bien, je répète.

— Faut que tu fasses un choix.

Je m'apprête à me répéter pour la troisième fois, mais m'abstiens à la dernière seconde.

— Tu as prévu de le revoir ? intervient Esthel.

— Avec lui, j'ai l'impression que prévoir, c'est impossible.

— Ah bon ? s'étonne Alizé.

Je leur raconte la fin de notre rendez-vous surprise et sa phrase lapidaire : « Prends soin de toi. »

— Sérieux ? s'étrangle Esthel. Waouh !

— Du coup, je ne sais pas s'il veut me revoir, je reprends. Et s'il le veut, je suis incapable de dire quand il va rappliquer.

— Ma pauvre, soupire Esthel.

— Oublie-le ! Et puis basta.

Forcément, maintenant que je suis en couple avec son frère, Alizé ne risque pas de me pousser dans les bras d'un autre. Elle a bien raison, j'en suis consciente. Mais...

— Je crois qu'elle a complètement craqué pour son espion, lance Esthel.

Au regard qu'elles m'adressent toutes les deux, je comprends que l'humidité que je sens dans mon regard est visible de l'extérieur.

— N'est-ce pas ? insiste Esthel en m'interrogeant du regard.

J'acquiesce timidement.

— D'un côté, j'aimerais ne plus le revoir, je précise quand même. D'abord parce que je n'ai pas envie de faire de mal à Kaïs. C'était pour cette raison à la base que je ne voulais pas qu'on sorte ensemble. Je l'aime beaucoup trop pour ça.

— Cette phrase est très ambiguë, me coupe Alizé.

— Je sais, je pouffe avant de reprendre. Je sais bien que Mal et moi, ça ne pourrait pas marcher. Ce mec a tellement la bougeotte. Mais je suis... Je ne sais pas. Je ressens une attirance pour lui que je ne m'explique pas.

— On appelle ça l'amour, je te signale, précise Esthel avec un sourire.

— Non. Je ne suis pas amoureuse de lui. Je ne pense pas, ajouté-je avec déjà moins d'assurance. Il n'a rien de ce que je cherche.

— Et tu cherches quoi, alors ? demande Alizé.

— Kaïs.

Elle sourit. Cette phrase est sortie toute seule.

C'est tellement évident...

— Peut-être pas Kaïs, je modère. Mais c'est vrai que Kaïs me comprend et il aspire au même genre de vie que moi.

— C'est pas grave de vouloir être avec Kaïs, tu sais ? intervient Esthel.

— D'un autre côté, ce que je ressens pour Mal est tellement plus fort.

— L'amour... chantonne Esthel.

Je ne crois pas que ce soit ça. Ni pour l'un ni pour l'autre, d'ailleurs.

— En tout cas, annonce Alizé, moi, je t'envie.

— Moi aussi, renchérit Esthel. J'aimerais tellement chavirer comme toi pour un mec. À t'écouter parler de lui, on se croirait dans une romance genre Tristan et Iseult. L'amour plus fort que tout !

— N'importe quoi ! je rigole. En attendant, c'est l'heure qu'on aille en cours !

— Ah oui ! Mince ! J'avais pas vu l'heure, se plaint Alizé avant de saluer notre amie. 

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