Chapitre 29
Pendant les deux jours qui suivent, je passe le plus clair de mon temps allongée dans mon lit. Le premier après-midi, après une belle déprime à l'idée de devenir esclave, j'ai tout de même fouillé la pièce de fond en comble. Je ne savais pas ce que je cherchais, mais n'envisageais pas de me laisser faire sans réagir. J'ai déplacé le lit, les tables de chevet, tenté de soulever certaines lattes de plancher qui semblaient un peu lâches, j'ai décroché le miroir pour voir ce qu'il y avait derrière. J'ai secoué avec insistance chacun des barreaux à la fenêtre. Tout ça sans le moindre résultat. Le soir, le maigre sandwich que j'avais reçu avait largement été digéré et chaque calorie gagnée dépensée dans cette recherche infructueuse.
Le lendemain, j'ai eu droit du pain sec en guise de petit déjeuner. Jamais ils ne m'ont apporté à boire. Heureusement, l'eau de la salle de bain est bien fraîche et a un goût agréable.
J'ai eu droit au total à trois visiteurs différents. À chacun, j'ai refait mon speech, en anglais, dans l'espoir de les convaincre ou de les amadouer, sans le moindre résultat. J'ai eu droit au même sandwich famélique deux fois par jour et un morceau de pain sec à chaque petit déjeuner. Le décor n'a rien d'une prison russe, mais les repas me rappellent bien ma condition, en revanche. À chaque nouvelle visite, le geôlier refaisait le tour de la pièce, vérifiait les barreaux et la salle de bain. Un rituel bien rodé.
Au troisième jour de ma captivité, un autre homme finit par entrer dans la pièce. Inutile d'être devin pour comprendre que c'est leur chef. D'abord, c'est bête à dire, mais il est bien plus beau que ses compagnons. Élancé et musclé, il porte un costume marron de qualité avec un veston fleuri par-dessus-une chemise à frou-frou. Malgré son style, je découvre un holster sous sa veste de costume et un revolver à l'intérieur. Il porte un collier de barbe sur son menton pointu et une coupe moderne assez courte avec un dégradé qui lui dégage les oreilles. Sa peau est propre et claire. Vraiment : il ne joue pas dans la même cour que les autres. Par ailleurs, deuxième indice de taille, lorsqu'il entre, ce n'est pas lui qui ouvre la porte et il est suivi d'un des hommes qui m'apportent à manger.
Il reste à mi-chemin entre la porte et le lit lorsqu'il s'adresse à moi d'une voix détendue et en anglais.
— On m'a dit que tu parlais beaucoup et que tu mentionnais Maloé ? me demande-t-il alors que je suis allongée sur le dos.
J'ai relevé la tête pour le voir entrer et je me redresse en position assise, dos contre la tête de lit, avant de lui répondre.
— Je ne vous sers à rien, je dis avec calme.
Je ne ressens plus grand-chose à vrai dire. Si les deux premiers jours, je suppliais mes ravisseurs avec énergie et criait même, parfois. Aujourd'hui, je suis lasse et ne me sens pas la force de grand-chose. Entre l'ennui de chaque journée, l'inquiétude de savoir si je reverrais le soleil le lendemain et la faim savamment entretenue par ces sandwichs insipides, je suis vidée.
— Maloé et moi avons rompu, je précise tout de même. Il se moque bien de ce qui peut m'arriver. Vous devriez me relâcher. Je vous jure que je ne dirais rien à personne. D'ailleurs, je ne sais rien.
Le nouveau venu m'observe quelques secondes en silence avec un demi-sourire accroché aux lèvres.
— Tu n'imagines pas que je vais croire ça, me dit-il sans broncher.
— Si, je réponds. Vous avez certainement fouillé mon portable, non ? Je n'ai même pas son numéro, il ne m'a jamais appelé. C'est pour le fuir et me protéger de lui que j'étais avec la police. Je ne voulais plus avoir affaire avec lui. Il ne viendra pas me sauver, je vous le dis. Je ne vous sers à rien.
— Bien, soupire-t-il en mettant ses mains dans les poches de son pantalon. Quoi qu'il en soit, même si tu ne me sers à rien, comme tu dis, je ne vais pas te libérer pour autant. D'une façon ou d'une autre, tu nous seras utile.
La confirmation de ma crainte ne me provoque aucune réaction visible et j'imagine que c'est une déception pour lui. Tant mieux. Pour autant, je ne me réjouis pas de le contrarier. Je voudrais juste en finir.
— C'était tout ce que tu avais à dire ? me demande-t-il ensuite, manifestement déçu.
J'acquiesce, retenant mes larmes. Il n'ajoute pas un mot et quitte ma cellule avec son homme de main. J'ignore qui est ce type. Certes, c'est leur chef, mais j'avais cru comprendre que la personne qui voulait se venger de Maloé était une femme. Certes, elle se serait acoquinée avec un gang polonais, mais ce serait tout de même elle à la tête de cette opération, non ?
Pourquoi ai-je discuté avec ce type ?
Est-ce vraiment important ? Il vient de me confirmer que je ne reverrais jamais la liberté. Je vais mourir ici, ou être envoyer en esclavage je ne sais où et mes parents et mes amis n'en sauront jamais rien.
Je crois que c'est ce qui m'attriste le plus, en réalité. Ne pas pouvoir dire adieu à tout le monde. Les abandonner dans une sorte d'espoir sans fin de me revoir débarquer un jour, en bonne santé.
Non, maman. Je vais mourir. Inutile de garder espoir. Tout est foutu pour moi. Je suis désolée.
Pas la peine de compter sur Maloé non plus. C'est bien ce que je me tue à leur répéter depuis que je suis ici : nous ne sommes plus ensemble. Malgré ses belles promesses de me protéger, je suis aux portes de la mort en territoire ennemi. Tout ça parce que j'ai craqué pour un beau gosse en boîte. Je ne suis pas près de recommencer...
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