Chapitre 21

Pour la première fois depuis des mois, ce n'est pas mon réveil qui me tire du sommeil, mais un SMS. Puis deux. Trois ! Je tends le bras pour attraper mon téléphone qui continue de vibrer. C'est Alizé qui réagit à mon message d'hier soir.

Je ne peux retenir un sourire et me laisse retomber sur le lit, tête sur l'oreiller, en déverrouillant mon smartphone. Alizé m'a envoyé une pluie d'emojis plus ou moins clairs sur ce que mon dernier message lui inspire. Elle me demande si je vais bien. Si je suis seule. Si le voyage de retour s'est bien passé. Si je suis sûre d'être amoureuse. Si je parle bien de Maléo, qu'elle n'arrivera donc jamais à nommer correctement, même à l'écrit.

Il est six heures trente-trois du matin et mon cerveau émerge à peine, alors je réponds de façon simple. Je commence par lui confirmer que je parle bien de Mal. J'imagine qu'elle se prépare tout en discutant de mes messages avec Esthel, ce qui explique la lenteur de ses réponses. Cela me va très bien et me laisse le temps de me réveiller pour de bon.

Esthel et Alizé sont toutes les deux portées sur le maquillage. Elle passe toujours un long moment à s'apprêter. Il faut dire que, l'une comme l'autre, sont douées à ce jeu. Quel que soit leur état de fatigue réel, elles arborent toujours un teint parfait et il est d'ailleurs parfois difficile de percevoir leur maquillage tant elles ont la main experte. En revanche, tout cela demande du temps dans la salle de bain. Voilà pourquoi Alizé se lève si tôt, c'est elle qui a le premier créneau miroir comme elles appellent ça.

De mon côté, je traine au lit. Aucune motivation pour aller en cours ou où que ce soit, d'ailleurs. Je repense à notre balade près du lac, à l'eau gelée, au décor bucolique et à Mal. C'est lui qui occupe la majeure partie de mes pensées, en réalité.

Je me remémore sa proposition de le suivre et imagine que je pourrais peut-être accepter. Après tout, pourquoi pas ? Je n'ai pas grand-chose qui me retient ici. Mes parents n'ont pas spécialement besoin de moi, ils comprendraient que j'ai envie de vivre ma plus belle vie. Je n'ai pas encore de carrière, je peux donc me permettre de quitter le pays et, pourquoi pas, en entamer une à l'étranger. Il y a besoin d'avocats de la famille dans beaucoup de pays, n'est-ce pas ?

Sauf que je n'ai pas de diplôme. Ni en France ni ailleurs. Il faudrait donc que je poursuive mes études à l'étranger. Je ne parle pas hongrois. C'est un premier obstacle et pas des moindres. Mais j'aurais un bon professeur.

Je sursaute lorsque mon téléphone se remet à vibrer. J'en conclus, avant même de regarder qui m'envoie un message, qu'Alizé est sortie de la salle de bain. Nous discutons encore un peu au sujet de Mal et je reste sous la couette, bien décidée à attendre le dernier moment pour m'en extraire.

L'air de rien, Alizé me pose quelques questions qui fâchent. Elle me demande notamment si j'en sais plus sur ce qu'il fait dans la vie. Inutile de lui mentir, je l'ignore. J'aimerais vraiment qu'il soit agent secret. Il a ce côté mystérieux en tout temps ou presque, un physique d'acteur de film d'action et mêmes des cicatrices dont une qui ressemble vraiment à la marque que pourrait laisser une balle. Et puis, franchement, qui voudrait cacher son métier ?

Un tueur en série ? Un trafiquant d'armes ou d'enfants ? Le gourou d'une secte ? Un chef de cartel de drogue...

Je vois qu'Alizé ne manque pas d'idées. Est-ce qu'il y a plus de chance qu'un homme tel que Mal soit un trafiquant d'enfants ou un espion, je l'ignore, mais je sais où va ma préférence. Et puis, est-ce qu'un trafiquant parle six langues ?

La vérité est toute bête et c'est ce que j'écris à Alizé : je suis tout simplement incapable de le quitter. Je l'avais pourtant décidé. J'ai même essayé plus d'une fois de le repousser. À chaque fois, en quelques phrases et un sourire, je succombais. Je n'ai pourtant jamais eu de réelles difficultés à résister à l'appel des hormones en ce qui concerne les hommes. J'ai par exemple toujours trouvé Kaïs mignon, mais pendant plus d'un an, je n'ai pas eu à faire beaucoup d'effort pour ne pas me laisser tenter. Il a suffi d'une apparition de Mal pour tout changer.

Mais il est quand même très étrange, non ?

C'est son côté mystérieux qui donne cette impression, je réplique avec un smiley qui tire la langue.

Oui, enfin il te fait quand même suivre, non ?

J'explique alors à Alizé que non, ce n'est pas lui. En tout cas, si c'est lui, c'est un excellent acteur, car il avait l'air tout à fait inquiet lorsque j'ai abordé le sujet avec lui. Alizé se demande si je n'ai pas simplement rêvé. Après tout, qui aurait un quelconque intérêt à me suivre si ce n'est pas pour m'attaquer, me voler ou me faire du mal d'une façon ou d'une autre ?

Je déglutis péniblement en lisant son dernier message. Elle a un certain don pour me rassurer. Cependant, il est vrai que si vraiment une ou plusieurs personnes m'ont suivie, aucune ne m'a jamais agressée ni même approchée. Cela n'a aucun sens.

Soudain, je reçois un message d'un numéro inconnu.

Bonjour ma belle

As-tu bien dormi ?

Mal

Heureusement qu'il a signé, car j'allais m'imaginer que c'était mon mystérieux stalker qui avait trouvé un moyen de dénicher mon numéro de téléphone. Je souris comme une attardée à mon téléphone en hochant la tête pour lui répondre.

Je me reprends en lui renvoyant un message. Je m'étonne qu'il ait un téléphone et il me répond que c'est un téléphone d'emprunt.

Je me redresse sur mon lit et rédige un rapide texto à Alizé pour lui dire que Mal m'écrit. Elle se contente d'un pouce en l'air en me donnant rendez-vous dans un peu plus d'une heure.

Mal et moi échangeons encore. Il dit avoir passé un très bon moment en ma compagnie hier. En lisant ses mots, mon cœur me donne l'impression de gonfler dans ma poitrine et j'ai des picotements un peu partout dans la poitrine. J'ai moi aussi passé une très bonne journée et je lui réitère mon souhait de passer plus de temps avec lui. Là-bas, ici ou ailleurs. Je veux le voir plus souvent. Il met un peu de temps à répondre, mais m'assure qu'il fera ce qui est en son pouvoir pour exaucer mon vœu. Il a encore du travail et ne peux pas rester à discuter, mais m'assure qu'il reviendra au plus vite.

Lorsque je repose mon téléphone, j'ai le cœur qui bat à fond et je serre mon oreiller dans mes bras, en me maudissant d'être aussi ridicule. Pourtant, je garde le sourire et me demande ce que ma prochaine rencontre avec Mal va me réserver comme surprise.

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