Chapitre 20
Après cette pose tendresse, j'accepte finalement la proposition de Mal de manger. Je découvre alors que, si parfaite soit cette Eva, ce n'est pas une grande cuisinière et je la hais un peu moins. Maloé nous prépare des lasagnes surgelées. Pas exactement un festin, mais cela n'a pas d'importance.
— Ça te dit une balade à pied ? me propose-t-il en débarrassant.
J'accepte avec plaisir. Je n'ai jamais mis les pieds en Suisse et j'ai toujours associé ce pays avec les banques et le ski. De là où nous sommes, nous voyons en effet les montagnes au loin, mais notre environnement direct est plutôt plat. Par ailleurs, le temps est si clément qu'on se croirait presque en été.
Mal m'abandonne quelques minutes pour préparer un petit sac. En le suivant du regard, je remarque une porte qu'il n'a pas ouverte en ma présence au moment de la visite. Je me lève pour aller voir ce qui se cache derrière. Probablement une cave à vin ou quelque chose du même acabit. Cependant, lorsque j'active la poignée, il ne se passe rien. La porte est fermée à clé. Sauf qu'il n'y a pas de serrure !
En observant un peu, je découvre un digicode juste à côté et me demande qui peut avoir une cave à vin protégée par un code de sécurité. La porte est en métal poli et soudain je me demande si c'est juste de la déco ou si en plus elle est blindée.
— On peut y aller, déclare Mal, de retour dans la cuisine.
Je me tourne vers lui et constate qu'il s'est changé. Il porte désormais un jean à coupe droite qui le met bien moins en valeur que ses pantalons habituels. Son t-shirt stretch ultramoulant en revanche...
— Léo ? On y va ?
Je secoue la tête et m'extraie de mon observation détaillée de ses pectoraux.
— Y a quoi là ? je demande en indiquant la porte de métal.
— Une pièce interdite d'accès, élude-t-il avec le sourire. Tu veux boire un coup avant de partir.
Je bloque une seconde et décide de ne pas insister. Je sais très bien que s'il a décidé de ne rien me dire, je n'y changerai rien. Par ailleurs, nous ne sommes pas chez lui. Les secrets de cette Eva ne me regardent pas.
En revanche, même avec un temps de retard, je prends conscience d'un autre élément qui, lui, m'intrigue pour de bon.
— Tu as des vêtements à toi ici ? je demande en lui emboîtant le pas après avoir refusé la bouteille qu'il me tend.
— Oui.
OK. La réponse est nette et claire. Est-ce que je dois m'inquiéter qu'il ait des vêtements dans la maison d'une femme aussi belle ? Peut-être. Mais je fais comme si de rien n'était.
Mal m'entraîne à l'opposé de la propriété et nous sortons par un petit portillon qui donne sur une forêt à cent mètres de là. Main dans la main, nous nous promenons en discutant. En réalité, c'est encore moi qui pose des questions. J'aimerais tout de même savoir qui est cette Eva.
— Une amie de longue date, se contente de me répondre Mal. On se rend des services mutuellement de temps en temps.
— Comme se prêter une maison abandonnée en pleine nature ?
Mal rit et me précise que nous sommes loin d'être abandonnés. Les premières habitations se trouvent à moins de cinq cent mètres et le village le plus proches à quatre kilomètres. Il n'empêche que pour moi qui ai passé ma vie en région parisienne, nous sommes perdus au fin fond de la campagne.
C'est l'occasion pour Maloé de me poser des questions à son tour sur mon enfance. Une enfance sans grand intérêt, en réalité. Mes parents ont toujours été bons avec moi. En tant qu'enfant unique, j'ai sans doute eu droit à plus de passe-droits que la moyenne, mais je n'ai pas mal tourné pour autant. D'ailleurs, pour autant que je puisse en juger, cet appartement est le seul vrai avantage que j'ai tiré de mes parents.
— Oh ! Waouh ! je souffle en débouchant de la forêt devant un immense lac aux eaux bleutées reflétant le ciel. C'est magnifique !
Nous poursuivons notre route en direction du lac. L'endroit est désert et je m'étonne qu'aucun promeneur ne vienne visiter cet endroit.
— C'est une propriété privée, déclare Mal avec flegme.
— Et on a le droit d'être là ?
— Pas tout à fait, sourit-il. Mais personne n'ira se plaindre, fais-moi confiance.
Il est tout à fait évident que je lui fais confiance. Je n'aurais pas parcouru des centaines de kilomètres dans son bolide au lieu d'aller en cours, si je n'avais pas confiance en lui. Pour autant, je n'ai pas tellement envie de tester les prisons suisses.
— Les propriétaires ne sont pas souvent là, pour commencer, en plus leur maison est de l'autre côté du lac, on ne risque rien. On se promène.
Nous marchons encore quelques minutes, puis atteignons les berges du lac. Elles ne sont pas particulièrement praticables, ce que je regrette, mais je repère un ponton qui s'avance sur l'eau à quelques centaines de mètres de là.
— Tu veux te baigner ? me propose Mal en chemin.
— Je n'ai pas vraiment de maillot, je te signale.
— Quelle importance ?
C'est vrai. Nous sommes seuls, le temps est clément. Une petite trempette pourrait être amusante. Quitte à avoir parcouru tout ce chemin, autant en profiter jusqu'au bout. J'accepte donc la proposition de Mal et nous nous engageons sur le ponton.
Le bois craque lorsque nous marchons dessus, mais l'ensemble paraît suffisamment solide pour soutenir nos poids combinés.
— Tu crois qu'elle est froide ? je demande en me déshabillant sous le regard gourmand de Mal.
— C'est un lac, Léo. L'eau n'est pas chauffée.
Je lui tire la langue en fourrant mes vêtements dans le sac de Mal. J'aimerais autant qu'ils ne s'envolent pas pendant que nous sommes dans l'eau.
— Tu vas garder ça ? me demande Mal en pointant mes sous-vêtements. Lui est déjà totalement nu.
Je l'observe sans vergogne et une petite boule de chaleur se forme dans mon bas ventre.
— T'es sûr ? je demande.
— D'après toi, fait-il en étendant les bras en croix pour m'exposer sa nudité. Allez viens !
Et il se précipite dans l'eau avec un saut périlleux. Je hausse les épaules et me séparent de mes derniers habits.
En quelques pas, je me retrouve au bord du ponton, hésitante. J'ai toujours du mal à entrer dans l'eau. Je déteste la morsure du froid lors du premier contact. Les encouragements de Mal, parfaitement à l'aise dans l'eau du lac, pas si transparente que ça, m'aident et je me jette enfin à l'eau.
Comme prévu, tous mes muscles se crispent au contact gelé. Pendant une seconde, un peu moins, je ne peux plus bouger. Puis, je remonte à la surface en criant.
— C'est gelé !
Mal éclate de rire et nage vers moi pour me prendre dans ses bras. Je réalise deux choses à ce moment. Premièrement, je n'ai pas pied et même en m'étant enfoncée dans l'eau après mon saut, je n'ai pas touché le fond. Et deuxièmement, malgré la température glaciale de l'eau, je sens très nettement le désir de Mal contre ma cuisse. Cela me tire un sourire.
— Dis donc, dis-je en m'éloignant de quelques centimètres à peine pour pouvoir saisir son membre à pleine main, mais en douceur. On dirait que tu en redemandes.
— C'est de ta faute, me répond-il. Je te l'ai dit : tu es parfaite. Comment pourrais-je te résister.
Je repasse mes bras autour de son cou et me colle à lui pour l'embrasser langoureusement. Nous battons des pieds pour ne pas couler.
— Je ne sais pas si on pourrait faire quoi que ce soit dans l'eau ici, dis-je en me séparant de lui cette fois. Mais il parait qu'on risque de rester coincé quand on fait ça dans l'eau.
Mal rigole en nageant autour de moi comme un requin autour de sa proie.
— C'est sérieux, j'insiste. Une histoire d'appel d'air, je crois.
Il continue de rire et je prends une tête vexée, même si je ne le suis pas le moins du monde.
— Crois-moi, réplique-t-il enfin. Personne n'a jamais réussi à me coincer. Ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer.
Je ris à mon tour.
— Tu es un véritable frimeur, en réalité.
— Peut-être un peu, avoue-t-il avant de m'embrasser dans le cou, puis de s'éloigner à la nage.
Je le suis, sans difficulté et nous allons vers le milieu de la grande étendue d'eau.
— Tu n'as pas l'intention de traverser, rassure-moi.
De nouveau, il rit. Non, il ne veut pas traverser, mais il prétend que rester sur place ne lui plaît guère, en particulier compte tenu de la température de l'eau.
Pour cette même raison, nous ne restons pas bien longtemps dans l'eau et je me rends compte que j'ai sauté dans ce lac sans vérifier qu'il y avait une échelle pour remonter. Ce n'est pas le cas. Maloé se moque gentiment et se hisse avec une facilité déconcertante jusqu'au ponton. J'ai ainsi l'occasion d'admirer ses muscles dorsaux en action. Un spectacle ravissant, je dois dire.
— Je suis bien incapable de faire une traction, dis-je lorsqu'il se tourne vers moi. Alors imagine même pas que je vais faire comme toi.
— Contente toi d'attraper ma main, me répond-il en s'agenouillant au bord.
Il se penche bien bas pour me faciliter la tâche et me remonte ensuite comme une simple brindille. Une fois sur la surface de bois, je ne peux résister à l'idée de me blottir contre lui. Je suis frigorifiée et, à ma grande surprise, il est loin d'être le radiateur ambulant qu'il a l'habitude d'être.
Nous retournons en direction de la terre ferme, attrapant le sac au passage. Sur le chemin, Mal me tend une serviette à la douceur hallucinante. Le froid que je ressens m'empêche de profiter à sa juste valeur de ce moment de tendresse, mais si un jour je croise cette Eva, je lui demanderai quelle lessive elle utilise.
Une fois séchés, nous nous réchauffons au soleil sans éprouver le besoin de nous rhabiller. Allongés sur la grande serviette, je regarde le ciel et suis un avion du regard.
— Je voudrais rester ici pour toujours, dis-je.
Les doigts de Mal se mette alors à se balader sur mon ventre en arabesques complexes.
— On pourrait arranger ça, si c'est vraiment ce que tu veux, dit-il tout près de mon oreille.
Je souris. C'est vrai que ce serait agréable, mais la vraie vie me rattraperait bien vite. Vivre d'amour et d'eau fraîche ne permet pas de vivre très longtemps.
— Je voudrais bien, je répète, mais ce n'est pas possible.
— Si tu le veux vraiment, enchaîne-t-il sans cesser de me caresser, tu peux faire ce que tu veux. Même venir vivre ici.
— Déjà, tu l'as dit toi-même, c'est une propriété privée.
— Qui peut donc se racheter.
— Avec quel argent ?
— Le mien, si tu veux.
Je tourne le visage vers lui, sans bouger le reste de mon corps, je ne veux surtout pas qu'il enlève sa main. Main qui est déjà descendu de quelques centimètres en direction de mon pubis.
— Tu me donnerais autant d'argent ? je m'étonne.
— Pourquoi pas, répond-il en se rapprochant encore un peu de mon intimité. La véritable question est de savoir si tu le veux vraiment.
Je fixe de nouveau mon attention vers le ciel. J'avoue que j'ai beaucoup de mal à me concentrer avec ses doigts sui se baladent désormais sur ma toison et poursuivent leur chemin avec lenteur.
— Tout de suite, je réplique entre deux soupirs, je ne sais pas trop ce que je veux.
Il pose ses lèvres juste sous mon oreille en même temps qu'un de ses doigts passe doucement sur mon clitoris et je me cambre en soupirant bruyamment.
— Peut-être qu'on devrait reprendre cette discussion plus tard ? propose-t-il au creux de mon oreille.
— Bonne idée, dis-je lorsqu'il m'embrasse de nouveau, mais cette fois, plus bas dans le cou.
Ses doigts s'activent de plus belle entre mes cuisses et je relève doucement une jambe pour lui donner plus de marge de manœuvre. Fixant toujours le ciel bleu, je me laisse aller au plaisir qu'il me procure du bout des doigts.
Il joue avec les plis de mes lèvres, titille mon clitoris et l'entrée de ma féminité avant d'introduire un doigt entier. Ses lèvres me mangent le cou et je me laisse aller à extérioriser mon plaisir par des gémissements que je ne cherche plus à minimiser. Il n'y a pas de voisins ici. Je me laisse emporter, fermant les yeux pour me laisser porter par mes sensations. C'est bon.
Vagues après vagues, mon plaisir et le volume de mes cris augmentent jusqu'à me submerger dans une série de spasmes de pure volupté. C'est plus que bon.
Alors que je redescends lentement sur terre, je réalise que c'est la première fois que j'atteins l'orgasme en plein air. Je suis heureuse que cette première fois soit avec Maloé. C'est ridicule, peut-être, mais je m'en moque. Je suis heureuse !
Ce petit interlude n'est pourtant que cela : un interlude. Après une courte sieste, nus sous le ciel bleu, au bord du lac, il est temps de reprendre la route. Mal a promis de ne pas m'enlever plus de vingt-quatre heures. D'ailleurs, Alizé m'a envoyé plusieurs messages pour savoir comment je vais et je les ai tous ignorés. Sur le chemin du retour vers le chalet, je lui explique que j'étais en train de nager dans un lac en Suisse et que c'est pour ça que je n'ai pas répondu.
En Suisse 😱
Il t'a fait le coup de Christian Grey de la balade en Hélico ?
Je souris à mon téléphone et lui réponds que c'était presque pareil, en effet, mais que je lui raconterai les détails plus tard.
Elle ne répond rien, ce qui me va très bien.
— Ton amie est rassurée ? me demande Mal lorsque nous arrivons au niveau du portillon.
— Je crois. Elle risque surtout d'être jalouse quand je lui raconterai tout ça.
Mal referme le portillon et attrape ma main pour y poser un baiser, puis nous reprenons notre route. Je me rends compte que je ne me sens pas capable de le laisser partir de nouveau. Rien que de penser que, dans quelques heures, je serai de retour dans mon appartement parisien et qu'il disparaîtra encore de ma vie pour une durée indéterminée, j'en ai envie de pleurer.
— Ça ne va pas ? me demande Mal comme s'il lisait mes pensées.
— Si, je réponds si vite que je me demande comment mon cerveau a bien pu faire.
— Je vois bien que non...
— J'ai pas envie que tu partes, Mal, je lâche, les yeux bien trop humides.
Je le vois ouvrir la bouche pour répliquer avec un sourire, puis se raviser et reprendre un air sombre. Son air habituel. Celui de l'agent secret.
— Je ne peux pas rester, Léo. Mon travail m'appelle à voyager, tu le sais, je crois.
— Non, je ne sais rien ! je m'écrie. Tu ne me dis rien sur ton putain de travail ! Tu me tiens à l'écart et je ne comprends rien.
Des larmes coulent, mais je crois que c'est plutôt de la frustration qu'autre chose.
Mal reste immobile et me fixe comme s'il découvrait que je lui en veux sur ce sujet. De mon côté, j'ai compris qu'il ne veut pas m'en dire trop pour le moment. Il a dit qu'un jour, il me révèlerait tout et je veux bien le croire. En attendant, je reste dans le flou.
— Je ne te rejetterai pas, dis-je plus comme une supplique que comme une vérité. Je n'y arrive pas alors que j'en meurs d'envie, crois-moi, j'en serais incapable.
De nouveau, il ouvre la bouche, prêt à m'annoncer quelque chose. Il reste sans expression quelques secondes, puis referme la bouche sans rien avoir dit.
Enfin, il reprend ma main et le chemin du chalet.
— Nous devrions y aller, soupire-t-il.
Voilà ! J'ai gâché notre super moment ensemble. La journée avait pourtant été parfaite. Il a fallu que je la ramène sur ce sujet, encore.
À l'intérieur, Mal m'abandonne, le temps de se changer. Cela lui prend deux minutes, montre en main. Ensuite, nous quittons les lieux sans un mot. Il m'ouvre la porte de la voiture, fuyant mon regard et je craque, pour de bon cette fois. Je me jette dans ses bras et le sers de toutes mes forces. J'ai beau refuser de croire que je suis amoureuse, je ne peux nier que je suis complètement accro à ce type.
Il me caresse lentement le dos et embrasse le dessus de ma tête. Ces gestes, qui n'ont rien de sensuel, me réconfortent aussi efficacement qu'une longue discussion.
— Je te demande encore un peu de patience, me chuchote-t-il à l'oreille. J'ai besoin de beaucoup de courage pour te raconter tout ça, Léo. Je te crois, quand tu dis que tu ne veux pas me rejeter. Mais tu ne peux pas vraiment savoir comment tu réagiras et c'est ce qui me fait peur.
— Alors peut-être que tu devrais me faire confiance, dis-je dans son oreille. C'est peut-être juste ça le problème ?
— Peut-être bien, oui, admet-il.
Je me détache de lui et monte en voiture. Le temps qu'il fasse le tour pour se mettre au volant, je suis harnachée.
Le voyage du retour ressemble beaucoup à celui de l'aller, à la différence près que l'ambiance ne se détend pas à mesure que nous avalons les kilomètres. Mal n'ouvre la bouche qu'à notre première escale. La nuit est déjà tombée et notre dernier repas remonte à loin. Il me propose donc une pause repas en même temps qu'il fait le plein. Nous sortons de l'autoroute pour entrer dans le premier restaurant que nous trouvons, un Buffalo Grill.
— Quand est-ce que je peux espérer te revoir ? je demande après avoir passé commande.
Mal m'observe une seconde avant de répondre.
— Je ne peux pas prédire ce genre de chose, Léo. Mais si tu le veux, je viendrais aussi souvent que possible.
Je pouffe. Bien sûr que je le veux !
— Et pourquoi je ne peux pas avoir ton numéro de téléphone, au moins ?
Il grimace.
— M'as-tu déjà vu avec un de ces appareils ?
Un point pour lui.
— Je pourrais te proposer de venir vivre avec moi, dit-il. Mais je serai presque autant absent.
— De toute façon, ma vie est à Paris, je réponds. Tu le sais. Je ne peux pas te suivre à l'étranger. Pas maintenant, en tout cas. D'ailleurs ! En parlant de suivre...
J'ai comme une sorte de lumière qui s'allume dans mon cerveau et j'explique à Mal qu'il n'a pas besoin de me faire suivre par son majordome ou qui que soit ce type.
— Mais de quoi tu parles ? me demande-t-il, l'air inquiet.
J'hésite une seconde.
— Ce n'est pas toi qui me fais suivre pratiquement nuit et jour ?
— Bien sûr que non, s'offusque-t-il. Pourquoi ferais-je cela ?
Excellente question.
— Je ne sais pas, je réplique. Parce que tu veux garder un œil sur moi en permanence.
— Est-ce que tu as vu ton espion ? demande-t-il.
Je ne peux que sourire en l'entendant parler d'espion. Je lui raconte alors en détail ce que je sais. Je lui parle de la sensation étrange que j'ai eu quelque fois d'être suivie. De la certitude d'avoir croisé au moins un type à la fête de Kaïs, quelque temps plus tôt.
— Tu saurais me le décrire ? demande Mal lorsque nos plats sont déposés devant nous.
Il semble soudain inquiet. J'ai eu l'occasion de voir nombre de sentiments se peindre sur le visage de Mal. L'inquiétude, jamais. Son anxiété déclenche la mienne et j'essaie de lui décrire l'homme au mieux de mes capacités et de ma mémoire. Un type de taille moyenne, de corpulence moyenne, brun, je crois, habillé comme tout le monde ou personne en particulier.
Malgré l'absence manifeste de détails dans ma description, Mal m'écoute attentivement et semble passionné par ce que je lui raconte. Il me pose de nombreuses questions. Les dates, les lieux, la fréquentation des lieux à ce moment-là. Était-ce tout le temps le même ou bien ai-je remarqué d'autres types ? Beaucoup trop de questions, à vrai dire. Je commence à m'inquiéter et cela doit se voir sur mon visage.
— Ne t'inquiète pas, Léo, finit-il par m'annoncer. C'est juste de la curiosité.
— Tu as des questions hyper précises pour quelqu'un de juste curieux, je réplique.
— Oui... Non, enfin, c'est pas...
Depuis que je le connais, je n'ai jamais vu Maloé hésiter sur un mot. Soudain, il me parait si vulnérable que mon inquiétude est décuplée.
— Tu ne veux pas me dire ce qu'il se passe, Mal ? je demande, incapable d'avaler quoi que ce soit dorénavant.
Il soupire longuement. Pas parce que je le fatigue avec mes questions, plutôt pour reprendre le contrôle de lui-même.
— Probablement rien de grave, lâche-t-il ensuite. Je surréagis, voilà tout. Je te l'ai dit, je tiens à toi. Vraiment. Alors, je n'apprécie pas que quelqu'un puisse te suivre. Mais c'est sans doute un admirateur secret un peu timide.
Je grimace.
— Si c'est le cas, il va falloir qu'il arrête tout de suite, parce que je ne suis pas du tout intéressée. Ce n'est pas mon style, j'ajoute avec un sourire. Et puis, je suis déjà prise.
Voilà qui est dit : je suis prise. Je suis en couple. Maloé est mon petit ami. Je ne vois pas bien comment le définir autrement. J'espère juste qu'il voit les choses de la même manière.
Oh ! Mon Dieu !
Je suis soudain prise d'un doute. Je plante mon regard dans celui de Mal.
— Je suis prise, n'est-ce pas ?
— Quoi ?
Ma question le surprend ou bien il ne la comprend pas ?
— Toi et moi, je précise. Nous sommes un couple, n'est-ce pas ?
Pourquoi est-ce que j'ajoute n'est-ce pas à toutes mes questions ?
— Qu'est-ce que tu voudrais que nous soyons d'autre ? me demande-t-il à son tour, l'air contrarié.
— Rien du tout, je soupire. Je voulais juste vérifier.
Il penche la tête de côté et, s'il ne le pensait peut-être pas jusqu'à maintenant, il doit se dire que j'ai un grain. Ceci dit, ce petit éclaircissement m'a rouvert l'appétit et je recommence à manger mon entrecôte.
— Quand je t'aurais déposée chez toi, je veux que tu ne sortes plus à part pour aller en cours et à ton travail, s'il te plaît.
— Pourquoi ? Tu l'as dit toi-même : c'est sans doute un admirateur.
— S'il te plaît, Léo, insiste-t-il. Je ne peux pas rester ce soir, mais à ma prochaine visite, s'il est toujours là, tu me montreras cet admirateur. J'irai lui dire deux mots. En attendant... S'il te plaît.
Il semble si inquiet que je ne peux pas lui refuser cette faveur. En réalité, c'est un comportement qui me va bien et qui me permettra de rattraper mon retard sur mes cours. J'accepte donc sans trop de problème.
— Merci.
Nous terminons notre repas sans revenir sur ce sujet, puis reprenons la route. Nous ne parlons pas beaucoup plus que pendant la première partie du voyage, mais cette fois je suis un peu plus détendue et finis par m'endormir à près de trois cent kilomètres heures.
C'est le klaxonne d'un parisien qui me réveille à minuit moins le quart, quelques minutes seulement avant que nous arrivions au pied de mon immeuble. Mal insiste de nouveau pour m'accompagner jusqu'à la porte de mon appartement.
— Ferme bien à clé, me dit-il après un long baiser qui me réveille, moi, et ma libido.
— D'accord chef ! dis-je avant de me coller de nouveau à lui.
J'ai le plus grand mal à le laisser filer, mais obéit et ferme à clé derrière lui.
Son insistance à ce sujet ne fait cependant rien pour me détendre et, puisque je suis bien réveillée à présent, je décide d'aller prendre une douche. Vingt minutes plus tard, j'envoie un message à Alizé pour lui dire que je suis rentrée. Elle ne répond pas. Minuit passé, c'est assez normal, en fait. J'envoie un autre message.
Je crois qu'Esthel a raison : je suis en train de tomber amoureuse...
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